| AUBIER, AUBOUR(S),(AUBOUR, AUBOURS) subst. masc. A.− Partie tendre du bois (gén. de chêne), blanchâtre, qui se forme chaque année sous l'écorce autour du cœur de l'arbre. Synon. faux bois : 1. ... C'était des bûcherons avec la scie aux doigts.
Leur hache avait d'abord fait voler sur la terre,
À la base l'écorce où de l'aubier adhère.
Une entaille minait le chêne de façon
Qu'il s'abattît sans rien meurtrir aux environs.
Jammes, Les Géorgiques chrétiennes,Chants 3-4, 1911, p. 16. 2. La hachette tinte, frappe, l'écorce vole en éclats secs, et le tronc retentit. Balthazar est fier de son adresse. Il dit : « Tendez un fil, je le suivrai sans le couper. » Bientôt l'aubier est dépassé, le cœur atteint, car la sève jaillit.
Pesquidoux, Chez nous,1923, p. 42. − P. métaph. Toute matière vivante, tendre et fragile : 3. Je voudrais exprimer ceci que votre épreuve est stérile, ne commence rien, qu'elle appartient tout entière à la part de votre vie que vous devez rejeter. Ne gardez rien, non! ne gardez rien de cette part-là! elle est pourrie. Elle est pourrie jusqu'au cœur de l'aubier!
Bernanos, L'Imposture,1927, p. 353. − Fam. Il y a de l'aubours dans cette affaire. Il y a du louche; il y a quelque chose de reprochable, de contraire à la loyauté, à la probité (cf. Jaub. t. 1 1855). B.− Région. Nom vulgaire d'une espèce de viorne (viorne obier), dont les jeunes pousses sont utilisées en vannerie : 4. Au bord d'un ruisseau des aubiers au feuillage dur et sombre, tragique et sévère comme le roi des Aulnes.
Barrès, Mes cahiers,t. 8, 1910-11, p. 228. PRONONC. ET ORTH. − 1. Forme phon. − Aubier : [obje]. Durée mi-longue sur la 1resyll. ds Passy 1914 et Barbeau-Rodhe 1930. Aubour. Dernière transcr. ds DG : o'-boūr. 2. Forme graph. − Aubier. Ac. 1798 et 1935 soulignent : ,,On écrit ordinairement obier.`` Aubour. Ac. Compl. 1842 l'écrit aubours. Cette graph. donnée déjà ds Trév. 1752 et 1771 est condamnée par Littré. Écrit sans s encore ds Besch. 1845, DG, Rob. et Quillet 1965. Les deux graph. aubour ou aubours sont admises ds Lar. 19e, Nouv. Lar. ill. et Lar. encyclop. ÉTYMOL. ET HIST.
I.− « Sorte de viorne, cytise, obier » ca 1150 arc d'aubor (Charroi Nîmes, éd. Jonckbloet, 22, ibid.); ca 1160 arc d'albor (Eneas, éd. Salverda de Grave, 8835, ibid.); xiie-xiiies. auborc (Aiol, éd. Foerster, 8343, ibid.); xiiies. aubrier (Girard de Viane, B.N. 1448, fo10 b ds Gdf. Compl.); ca 1330 ambour (H. Capet, éd. de La Grange, 35 ds T.-L.); 1344 aubier (A.N. K 45, pièce 1 ds Gdf. Compl. : Pour avoir planté et fait planter de nouvels aubiers es diz pasturaulz).
II.− « Partie tendre et blanchâtre, impropre à l'utilisation, qui se trouve entre l'écorce et le corps de l'arbre » xives. aulbain (Bul. du Comité Trav. Hist. 1905, p. 66 ds IGLF Techn. : Et que les tonneliers facent bons vaisseaulx, sans aulbains, sans evaser les jarles); 1520 aubec (Nouveau Coutumier gén., éd. Bourdot de Richebourg, t. 4, Coutumes de Bordeaux, article 115, Des vaisseaux à tenir vin : A esté arresté qu'aucuns Charpentiers ne feront mauvaises, puantes, ne faulses douelles, bois gelés, et bois où il y ait aubec); 1521 aubel (P. Fabri ds La Curne s.v. aubeau); xvies. aubeau (Sully, ibid.); 1581 aulbier (Contrat menu. St Germain, 6 ds IGLF Techn.); 1676 aubier, aubour (A. Felibien, Des Principes de l'archit., de la sculpt., de la peint. et des autres arts qui en dépendent, Paris, J.-B. Coignard, ch. 14 : en ces parties-là [l'Orient et le Septentrion] ils [les arbres] croissent plus haut, sont plus gros, et ont un fil plus droit, ayant l'escorce quasi vive et avec peu d'Aubier ou Aubour).
I correspond au lat. laburnum « arbre à bois dur et blanchâtre » (Pline, 16, 76 ds André Bot. p. 175) très tôt altéré sous l'influence de alburnum « couche blanchâtre entre l'écorce et le bois (étymon de II aubour) » (Pline, Nat., 16, 182 ds TLL s.v., 1502, 35), lui-même dér. de albus « blanc », v. André, op. cit., p. 22 : La faiblesse de l'étymon alburnum reste difficile à expliquer. Elle a donné lieu à une multiplicité de dérivés par substitution de suffixes (suff. -ain*, -ier*, -el, -eau*; albec forme gasconne, v. Palay t. 1, p. 95), d'où le nombre important de formes rencontrées au Moy. Âge et l'indécision entre les formes aubier et aubour, indécision qui subsiste encore sauf dans le domaine de la mar. où II est toujours désigné par aubour. STAT. − Fréq. abs. littér. : 35. BBG. − Barb.-Cad. 1963. − Bouillet 1859. − Brard 1838. − Chabat 1881. − Forest. 1946. − Jossier 1881. − Lambert 1877. − Littré-Robin 1865. − Mots rares 1965. − Nysten 1824. − Plais. 1969. − Privat-Foc. 1870. − Viollet 1875. − Will. 1831. |