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AUBERGE, subst. fém.
A.− Petit hôtel à la campagne, dans les petites villes ou les faubourgs, où les voyageurs peuvent se loger et se restaurer :
1. ... nous avons craint qu'étranger dans nos montagnes et fatigué d'une longue route à pied, vous ne trouviez pas dans le village une auberge où vous puissiez vous rafraîchir et vous reposer. Lamartine, Les Confidences,1849, p. 298.
P. métaph. :
2. On recevait dans ce salon des étrangers, Turcs, Autrichiens, Allemands... et personne n'y trouvait à redire. Paris était, sous Napoléon III, l'auberge du monde. A. France, La Vie en fleur,1922, p. 526.
SYNT. Bonne, petite auberge; fille, garçon, servante d'auberge; salle d'auberge; coucher, descendre à l'auberge.
Loc. Tenir auberge. Recevoir tout le monde à sa table. Prendre la maison de qqn pour une auberge. Aller y dîner souvent et sans invitation. Sortir de l'auberge. ,,Se tirer d'un mauvais pas`` (Le Breton 1960) :
3. N'allez-vous pas me dire que vous êtes ivre, puisque vous me faites l'extrême faveur de prendre ma maison pour une auberge ou pour quelque chose de pire? Delécluze, Journal,1825, p. 160.
4. [ursus] : − ... Ah çà, est-ce que je tiens auberge, moi? Pourquoi est-ce que j'ai des arrivages de voyageurs? La détresse universelle a des éclaboussures jusque dans ma pauvreté. Il me tombe dans ma cabane des gouttes hideuses de la grande boue humaine. Hugo, L'Homme qui rit,t. 1, 1869, p. 162.
5. On avait maintenant en plus de l'équipe du Frisé, le commissaire Mandru et sa brigade au train. Je nous voyais pas sortis de l'auberge! A. Simonin, Le Petit Simonin illustré par l'ex.,Paris, N.R.F., 1968, p. 263.
Auberge espagnole :
6. Si la Neuvième Symphonie était présentée aujourd'hui comme le morceau de concours d'un prix de Rome, on y prendrait très peu d'intérêt et de plaisir. Mais il y a deux cents ans que l'on tartine sur elle; on y arrive extasié d'avance, y apportant, comme dans les auberges espagnoles, tout ce qu'on souhaite d'y trouver. Montherlant, Notes de théâtre,1954, p. 1072.
B.− Spécialement
1. ŒUVRES. Auberge de (la) jeunesse. Centre d'accueil de vacances pour les jeunes qui font du tourisme :
7. Selon l'importance de l'agglomération, il comporte des salles de réunions, 1 salle de fêtes, une bibliothèque, des bureaux de renseignements, un service médical, une piscine, un gymnase, éventuellement une auberge de jeunesse, divers plateaux d'éducation physique et de sports. Les Gds ensembles d'habitation,1963, p. 18.
2. TOUR. Hôtel ou restaurant d'une classe touristique élevée.
PRONONC. : [obε ʀ ʒ]. Passy 1914 et Barbeau-Rodhe 1930 donnent la possibilité d'une prononc. avec [ɔ] ouvert pour la 1resyll. (cf. aussi Buben 1935, p. 54, § 44). Ils notent également pour cette syll. une durée mi-longue.
ÉTYMOL. ET HIST. − 1. 1477 dr. féod. aulberge « droit de gîte » (Ordonnances des rois de France, éd. Pastoret, t. 18, p. 353, 356 cité ds Bartsch, p. 98 : notaireries ... aulberges ... amendes), attest. isolée; 2. 1606 « maison où l'on trouve le gîte et le couvert » (Nicot); 1606 fig. (Nicot : La mort tel cœur ne domine, Qui s'affine En telle flamme, & point ne vit Chez luy, mais en autre Auberge Il s'heberge. Et ailleurs est escondit); 1680 tenir auberge (Rich.) Empr. au prov. mod. aubergo, fr.-prov. (dauph.) aubergo « hôtellerie » (Mistral); le prov. mod. aubergo, anc. prov. alberga, alberja « campement, baraque », xiies. Fierabras, Gerard de Rossillon ds Rayn. et le fr.-prov. sont dérivés des verbes anc. prov. arbergar (Levy Prov.), albergar, forme dissimilée, « héberger » (xiies., Peire Vidal ds Rayn.) et fr.-prov. (Pays de Vaud) abèrdzi, (1213 ds Pat. Suisse rom.), corresp. à l'a. fr. arberjer « héberger, abriter » (xies. Passion), habergier (ca 1188, Florimont), abergier (fin xiies., Floovant ds T.-L.). Ces verbes sont empr. au germ. occ. *haribergôn (de même que l'anc. esp. albergar, xiiies. Berceo ds Al.; l'anc. cat. albergar, xies. ds Alc.-Moll.; l'anc. ital. albergare, début xiiies. Uguccione da Lodi ds Batt.), verbe prob. importé dans l'aire gallo-rom. par les mercenaires germ. antérieurement au ves., avec le sens étymol. de « loger une armée » (Brüch, p. 73). Étant donné que les subst. rom. corresp. à *haribergôn appartiennent aux genres masc. et fém., et que d'autre part, une forme masc. germ. ne peut être avancée, il faut supposer pour point de départ non pas le subst. germ., mais le verbe, emprunté par les langues rom. (Brüch, op. cit.); cf. aussi lat. médiév. arbergare « loger, héberger » 1056-1105 (Dipl. Heinr. IV, 170 ds Mittellat. W. s.v., 426, 41). Antérieurement à l'empr. du fr. auberge, la notion de « lieu où on loge » était rendue par des dér. du verbe en -erie ou en -age (a. fr. abergerie, xiies. ds T.-L.; anc. fribourgeois albergerie « hôtellerie », 1429 ds Pat. Suisse rom.). Selon Brüch, loc. cit., le type germ. *hari(bergôn) aurait, av. le ves., couvert l'aire gallo-rom. entière (d'où les formes en ar-, al-, a-, supra), puis reculé à l'époque franque devant le type *heri- qui se serait alors installé dans la partie septentrionale de l'aire gallo-rom. (v. héberger), le type *hari- s'étant restreint à la partie méridionale (prov., fr.-prov.).
STAT. − Fréq. abs. littér. : 2 233. Fréq. rel. littér. : xixes. : a) 3 563, b) 4 659; xxes. : a) 3 215, b) 2 025.
BBG. − Ac. Gastr. 1962. − Bach.-Dez. 1882. − Bruant 1901. − Chabat 1881. − Dainv. 1964. − Esn. 1966. − Gall. 1955, p. 27, 467. − Gerster (W.). Beitrag zur Geschichte einiger Bezeichnungen für Gasthaus, besonders fr. taverne, hôtel, auberge. Vox rom. 1946/47, t. 9, p. 94; pp. 103-151. − Goug. Mots t. 1 1962, p. 240. − Lacr. 1963. − Lammens 1890, p. 6. − Lavedan 1964. − Le Breton 1960. − Pope 1961 [1952], § 28, 54, 660.