| ASTRE, subst. masc. A.− ASTRON. Corps céleste, lumineux par lui-même (soleil, étoiles) ou réfléchissant la lumière solaire (lune, planètes) : 1. Avais-je tort de dire que c'est l'astronomie qui nous a fait une âme capable de comprendre la nature; que, sous un ciel toujours nébuleux et privé d'astres, la terre elle-même eût été pour nous éternellement inintelligible; que nous n'y aurions vu que le caprice et le désordre, et que, ne connaissant pas le monde, nous n'aurions pu l'asservir?
H. Poincaré, La Valeur de la sc.,1905, p. 165. 2. De bonne heure également, les Égyptiens distinguèrent, comme les Chaldéens, les astres mobiles ou planètes, des étoiles fixes, et s'ils ne donnèrent pas leurs noms aux jours, puisqu'ils ne se servirent pas ou très peu de la semaine, ils les connaissaient néanmoins parfaitement.
Chauve-Bertrand, La Question du calendrier,1920, p. 36. 3. C'est encore une chance que chaque atome soit capable d'émettre des radiations lumineuses, grâce auxquelles les animaux et l'homme peuvent être conscients, avoir des sensations raffinées. L'existence de planètes tournant autour d'un astre central a été également un événement décisif, la planète plus petite et refroidie plus rapidement, servant d'habitat solide, l'astre central étant la source inépuisable d'énergie. La gravitation est la loi sine qua non de la formation d'un tel système. Il est très heureux également que les astres soient très largement disséminés dans l'espace; ...
Ruyer, Esquisse d'une philos. de la struct.,1930, p. 332. ♦ Les sept astres géants. Les astres du système solaire. − P. compar. Être beau, belle comme un astre. Être resplendissant(e). Se faire beau, belle comme un astre. Se parer avec éclat : 4. Le lendemain, les voilà tous quatre, en veste de serge bleue, mais sans un grain de poussière au collet, le linge éclatant de blancheur, nets, frais, rasés, brossés, briqués, beaux comme des astres.
Pourrat, Gaspard des montagnes,Le Pavillon des amourettes, 1930, p. 41. − P. métaph. : 5. Un nuage, monté de la grande pièce d'eau, avait caché le disque de la lune. Après être passé du vert foncé au sombre, puis au noir, le paysage avait disparu. Caroline et Édouard furent plongés dans la plus épaisse obscurité. − Vous me demandez, Caroline, ce qui a remplacé la noblesse? Demandez ce qui peut tenir lieu de cette clarté céleste que nous venons de voir s'éclipser; car la noblesse était aussi un astre, foyer de toutes les lumières et de toute fécondité, levé sur les âges et par lequel on comptait des jours d'honneur et des jours de vertu.
Gozian, Le Notaire de Chantilly,1836, p. 83. SYNT. Attraction, orbite, rotation, trajectoire d'un astre; clarté, déclin, chute d'un astre; constellation, collision, conjonction d'astres; masse, poids, lois des astres; astre lent, fixe, rapide, brûlant, refroidi, éteint, inhabité, disparu, lointain; l'astre régulateur des marées, la lune; astres éphémères, errants, étincelants, formidables, silencieux; observer les astres. − ASTROL. Corps céleste considéré par rapport à son influence supposée sur les hommes. Consulter les astres : 6. Les Chaldéens avaient leurs astres bons et mauvais, et des intelligences attachées à ces astres, et qui en partageaient la nature, bonne ou mauvaise. On retrouve aussi dans le nouveau monde, ce même dogme reçu généralement par l'ancien, sur la distinction des deux principes et des génies bienfaisans et malfaisans.
Dupuis, Abr. de l'orig. de tous les cultes,1796, p. 90. 7. ... l'analogie essentielle qui existe entre la nature et l'homme permet d'admettre, sans étonnement, que chaque destinée soit liée au cours des astres et des constellations. L'homme est au centre de la création, où il occupe une place privilégiée dans la chaîne des êtres, grâce à sa dignité de créature pensante et consciente, de miroir où l'univers se reflète et se connaît. Et, inversement, l'homme retrouve la création tout entière au centre de lui-même.
Béguin, L'Âme romantique et le rêve,1939, p. 50. SYNT. Astre bienveillant, maléfique; les astres du Zodiaque; astres contraires; valeur significative des astres; divination par les astres. ♦ P. ext., au fig. Conjoncture favorable et déterminante, chance, réussite. L'astre de qqn. Être né sous un astre favorable. − MYTHOL. Corps céleste considéré comme divinité (cf. astrolâtrie, sabéisme) : 8. Pythagore pensait que les corps célestes étaient immortels et divins; que le soleil, la lune et tous les astres étaient autant de dieux qui renfermaient avec surabondance la chaleur, qui est le principe de la vie. Il plaçait la substance de la divinité dans ce feu ether, dont le soleil est le principal foyer. Parménide imaginait une couronne de lumière qui enveloppait le monde, et il en faisait aussi la substance de la divinité, dont les astres partageaient la nature.
Dupuis, Abr. de l'orig. de tous les cultes,1796, p. 47. SYNT. Astre tutélaire; les astres vénérables; Vénus, astre de l'amour; avec l'aide, le secours des astres; adoration, culte des astres; adorer, invoquer, révérer les astres. B.− Au fig., littér. 1. Symbole de l'éclat, de la valeur de quelque chose ou de quelqu'un : 9. Que je suis content de l'[Valéry] avoir dès 1920 qualifié d'astre : il a tout d'un astre : intact, quoi qu'il fasse, quoi qu'il lise et quoi même qu'il veuille; séparé toujours; inhumain, mais de telle sorte que l'inhumanité ici rayonne et que même alors qu'on la sait un manque, elle apparaît un pur prestige.
Du Bos, Journal,1927, p. 189. 10. Tandis que chancellent la force et le prestige allemands, on voit monter au zénith l'astre de la puissance russe. Le monde constate que ce peuple de 175 millions d'hommes est digne d'être grand parce qu'il sait combattre, c'est-à-dire souffrir et frapper, qu'il s'est levé, armé, organisé lui-même et que les pires épreuves n'ébranlent pas sa cohésion.
De Gaulle, Mémoires de guerre,1954, p. 546. 2. Personne en laquelle resplendissent des dons excellents : 11. Lorsque Atala parut, je reçus une lettre de Cambridge signée G. Gordon, Lord Byron. Lord Byron âgé de quinze ans était un astre non levé : des milliers de critiques ou de félicitations m'accablaient...
Chateaubriand, Mémoires d'Outre-Tombe,t. 1, 1848, p. 515. 3. Personne resplendissante de jeunesse, de beauté. Bel astre, jeune astre; astre de beauté, astre de ma vie : 12. Qu'elle fût bien ou mal coiffée,
Que mon cœur fût triste ou joyeux,
Je l'admirais. C'était ma fée,
Et le doux astre de mes yeux!
Hugo, Les Contemplations,t. 2, 1856, p. 375. PRONONC. : [astʀ
̥]. ÉTYMOL. ET HIST. − 1. xiies. « corps céleste » (Ms. bibl. Tours 433, fo1-5, éd. L. Delisle ds Bibliothèque de l'École des Chartes, 6esérie, t. 5, p. 327 : ignitabulum, astre); 1372 « id. » (Corbichon, Propr. des choses, VIII, 23, éd. 1522, cité par Delboulle ds R. Hist. litt. Fr., t. 2, p. 265 : Elles [les étoiles] sont aussy appelées astres, pour ce que aucunes d'elles sont fichees au firmament ainsy comme clous fichez en la circonférence d'une roe de charrette); 2. 1549 astrol. « corps célestes par rapport à leur influence prétendue sur les corps terrestres, et partic. sur les hommes » (Calvin, Traité ou avertissement contre l'astrologie judiciaire ds Dict. hist. Ac. fr. : Il y a eu de long-tems une folle curiosité de juger par les astres de tout ce qui doit advenir aux hommes); 3. 1630 fig. « pers. illustre et brillante » (Malherbe, Odes, I, 11, ibid. : O toute parfaite princesse, L'etonnement de l'univers, Astre par qui vont avoir cesse Nos ténèbres et nos hivers).
Empr. au lat. astrum « corps céleste » (Varron, Ling., 9, 25 ds TLL s.v., 975, 73); dans un cont. d'astrologie (Virgile, Géorgiques, 1, 232, ibid., 971, 55 : per duodena regit mundi sol aureus astra); (le plus souvent au plur.) synon. de gloire, faîte des honneurs (cf. l'emploi 3) Horace, Sat., 2, 7, 29, ibid., 974, 8 : urbem tollis ad astra. Terme de la lang. poét. emprunté par le lat. au gr. α
́
σ
τ
ρ
ο
ν; le terme lat. usuel est sidus. STAT. − Fréq. abs. littér. : 2 910; Fréq. rel. littér. : xixes. : a) 5 890, b) 5 326; xxes. : a) 3 442, b) 2 424. BBG. − Archéol. chrét. t. 1 1924. − Bach.-Dez. 1882. − Bible 1912. − Bouillet 1859. − Brard 1838. − Duch. 1967, § 15, 19, 40, 56, 64, 71. − Feugère (F.). En marge de l'exposition Charles V. Ds le vocab. de Duguesclin. Déf. Lang. fr. 1968, no45, p. 26. − Feugère (F.). La Première Renaissance et notre vocab. d'Oresme à Christine de Pisan. Déf. Lang. fr. 1970, no51, p. 14. − Foi t. 1 1968. − Gottsch. Redens. 1930, p. 6. − Goug. Mots t. 1 1962, p. 40. − Marcel 1938. − Muller 1966. − Noter-Léc. 1912. − Nysten 1814. − Privat-Foc. 1870. − Rog. 1965, p. 57. − Théol. bibl. 1970. − Timm. 1892. − Uv.-Chapman 1956. |