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ASPÉRITÉ, subst. fém.
(Qualité de) ce qui est âpre.
A.− Domaine des sensations
1. Domaine de la vue, du toucher.[En parlant du cont. géogr., d'un obj.] :
1. Cette route pénible, effrayante, se prolonge toujours : malgré tous ses efforts, Malek Adhel n'en peut sauver la fatigue à Mathilde; il ne la quitte point; souvent il essaie de la porter, mais la difficulté du chemin ne le lui permet pas toujours; son habit de bure la défend mal contre l'âpreté des rocs; ils froissent sa peau délicate, et obligée de les embrasser pour appuyer ses pas, leurs aspérités rudes et aiguës déchirent ses mains. MmeCottin, Mathilde,t. 2,1805, p. 280.
2. La vision du grand Hollandais [Rembrandt] s'arrête aux rugosités des vêtements, aux aspérités des vieux visages, aux callosités des mains plébéiennes. A. Rodin, L'Art,1911, pp. 136-137.
Spécialement
ANAT. [En parlant surtout d'une surface osseuse] :
3. Signalons chez le cheval les plaies de la muqueuse de la face interne des joues occasionnées par des meurtrissures provoquées par les aspérités des molaires. Ces dents s'usent très irrégulièrement et forment au bord externe de leur surface de frottement de petites pointes acérées après lesquelles la muqueuse se déchire, avec de petites érosions. E. Garcin, Guide vétér.,1944, p. 46.
BOTANIQUE :
4. Beaucoup de plantes très-velues naturellement, y deviennent glabres, ou à peu près; quantité de celles qui étoient couchées et traînantes, y voient redresser leur tige; d'autres y perdent leurs épines ou leurs aspérités; d'autres encore, de l'état ligneux et vivace que leur tige possédoit dans les climats chauds qu'elles habitoient, passent, dans nos climats, à l'état herbacé, ... Lamarck, Philos. zool.,t. 2,1809, p. 226.
2. Domaine de l'ouïe :
5. On n'avait qu'à lui jouer des rêveries placides, ou de ces pages bavardes, qui parlent pour ne rien dire; il n'en manque pas en musique : ce morceau de Goldmark, par exemple, dont le vieil horloger disait tout à l'heure, avec un sourire ravi : « C'est joli. Il n'y a pas d'aspérités. Tous les angles sont arrondis... » R. Rolland, Jean-Christophe,L'Aube,1904, p. 62.
B.− Au fig.
1. [En parlant d'une pers., de son caractère] :
6. La politesse est une sorte d'émoussoir qui enveloppe les aspérités de notre caractère, et empêche que les autres n'en soient blessés. Il n'est jamais permis de s'en dépouiller, même pour lutter contre les gens grossiers. Il y a de la bonne grâce et une sorte d'urbanité à commencer avec les hommes par l'estime et la confiance. J. Joubert, Pensées,t. 1,1824, p. 254.
2. [En parlant d'une chose abstr.] Aspérité du style :
7. De cette observation attentive du langage campagnard et paysanesque, combinée avec beaucoup de lecture (...) est résulté chez Topffer ce style composite et individuel que nous goûtons sans nous en dissimuler les imperfections et les aspérités, mais qui plaît par cela même qu'il est naturel en lui et plein de saveur. Sainte-Beuve, Causeries du lundi,t. 8,1851-62, p. 426.
Rem. Nysten 1814 distingue âpreté de aspérité : ,,Il diffère de aspérité qui s'entend seulement de ce qui est rude au toucher, au lieu qu'on dit l'âpreté d'un fruit en parlant de son goût âpre, l'âpreté du froid, etc.`` Il semble que cette distinction ne soit (plus) guère valable. Les attest. montrent que âpreté et aspérité ont à peu près les mêmes possibilités d'emploi (avec une fréquence moindre pour ce dernier). Il faut noter toutefois que âpreté présente un caractère plus abstr. (cf. ex. 1) et que aspérité désigne davantage une réalité concr., notamment au plur. (= saillie), gardant un rapport très net avec la signif. originelle jusque dans l'emploi figuré.
PARAD. a) (Quasi-)synon. accident, arête, bosse, crête, défaut, dénivellation, dent, différence, disparate, dureté, écart, heurt, inégalité, pic, protubérance, relief, rudesse, saillant, saillie, sécheresse. b) Anton. amabilité, courtoisie, délicatesse, douceur, égalité, facilité, indulgence, lisse, monotonie, onction, perfection, platitude, poli, régularité, souplesse, uni, uniformité.
PRONONC. : [aspeʀite].
ÉTYMOL. ET HIST. − 1. Fin xiies. fig. « état de ce qui est rude, âpre », trad. (Moralités sur Job, éd. W. Foerster, 306, 34 ds T.-L. : les plaies des deleiz devons nos terdre par l'asperiteit de penitence) − début xives. ds Gdf.; repris dep. Ac. 1762; 2. av. 1589 « état de ce qui est rude au toucher » (Bernard Palissy, Abus des Medecins ds Dict. hist. Ac. fr. : Les medecins ordonnent les pierres sur l'estomac qui n'ont nulle aspirité, odeur, saveur, ny force); av. 1788 « état de ce qui, dans sa surface, offre des aspérités » (cont. géogr.) (Buffon, Époques de la Nature, ibid. : Il y a de fort bons chevaux dans toutes les îles de l'Archipel : ceux de l'île de Crête étaient en grande réputation chez les anciens pour l'agilité et la vitesse, cependant aujourd'hui on s'en sert peu dans le pays même, à cause de la trop grande aspérité du terrain, qui est presque partout fort inégal et fort montueux); d'où 3. 1726 « partie saillante d'une surface inégale » (cont. méd.) (Mém. de Trévoux ds Trév. 1752 : Aspérité [...] On fut surpris de voir que le cœur du P. Marquet, Jésuite, avoit des adhérences extraordinaires à des inégalités très-dures & de différentes figures, & que ces inégalités étoient de petits os tout hérissés de pointes & d'aspérités). Empr. du lat. asperitas attesté au sens 2 (cont. géogr.) dep. Varron. Rust., 2, 10, 3 ds TLL s.v., 821, 48 : callium difficultatem ac montium arduitatem atque asperitatem; « rudesse au toucher », Pline, Nat., 27, 32, ibid., 74 : asperitate... vestium tenaci; 1 fig., Cicéron, De Orat., 1, 3, ibid., 822, 47 : in eis vel asperitatibus rerum vel angustiis temporis; 3 « partie saillante », Cicéron, Nat. deor., 2, 98, ibid., 821, 50 : speluncarum... altitudines, saxorum asperitates.
STAT. − Fréq. abs. littér. : 108.
BBG. − Littré-Robin 1865. − Noter-Léc. 1912. − Nysten 1824.