| ARRONDISSEMENT, subst. masc. Action d'arrondir, de s'arrondir; état de ce qui est arrondi. A.− Action de donner, de prendre ou fait de présenter une forme (approximativement) ronde. 1. [En parlant d'une chose naturelle ou d'un objet fabriqué] :
1. Dans l'ordre gothique, les pointes contrastent par-tout avec les arrondissemens des cieux et les courbures de l'horizon.
Chateaubriand, Génie du Christianisme,t. 2, 1803, p. 160. 2. L'arrondissement en bouts visibles du tasseau y compris le profilement du chanfrein sur cet arrondi fini à la lime est prévu (...) aux ouvrages divers de la série...
E. Robinot, Vérification, métré et pratique des trav. du bât.,t. 2, 1928, p. 133. 2. [En parlant d'une pers. ou d'une partie du corps hum.] :
3. Dans le fourreau, soi-disant grec, où la femme fut insérée, on ne distinguait nulle forme. Les arrondissements aimables des hanches et du ventre ne paraissaient point.
Michelet, Journal,1849, p. 29. 3. Spéc., PHONÉT. ,,Qualité des phonèmes qu'on prononce en arrondissant les lèvres (d'où le nom plus usité de labialisation*), par exemple d'un a dont le timbre tend vers o (fr. popul. phormacien)`` (Mar. Lex. 1951). B.− Action de donner, de prendre une certaine extension de façon à former un ensemble satisfaisant; résultat de cette action. 1. [En parlant d'un territoire] :
4. Tout en s'abandonnant à ses projets gigantesques, le gouvernement n'oserait dire à sa nation : Marchons à la conquête du monde. Elle lui répondrait d'une voix unanime : Nous ne voulons pas la conquête du monde. Mais il parlerait de l'indépendance nationale, de l'honneur national, de l'arrondissement des frontières, des intérêts commerciaux, (...).
Il alléguerait la nécessité de l'arrondissement des frontières, comme si cette doctrine, une fois admise, ne bannissait pas de la terre tout repos et toute équité. Car c'est toujours en dehors qu'un gouvernement veut arrondir ses frontières. Aucun n'a sacrifié, que l'on sache, une portion de son territoire pour donner au reste une plus grande régularité géométrique. Ainsi l'arrondissement des frontières est un système, dont la base se détruit par elle-même, dont les éléments se combattent, et dont l'exécution, ne reposant que sur la spoliation des plus faibles, rend illégitime la possession des plus forts.
Constant, De l'Esprit de conquête,1813, p. 157. 2. P. ext., domaine admin., pol., etc. a) Gén. Division territoriale (intermédiaire entre le département et le canton) formant une circonscription administrative, judiciaire, financière, politique, etc. (avec chef-lieu, tribunal de première instance, receveur particulier des finances, etc.), dépourvue de personnalité civile et administrée par un sous-préfet assisté d'un conseil d'arrondissement : 5. C'est ainsi que tous les peuples qui ont dépassé la phase du clan sont formés de districts territoriaux (marches, communes, etc.) qui, comme la gens romaine venait s'engager dans la curie, s'emboîtent dans d'autres districts de même nature, mais plus vastes, appelés ici centaine, là cercle ou arrondissement, et qui, à leur tour, sont souvent enveloppés par d'autres, encore plus étendus (comté, province, départements), dont la réunion forme la société.
Durkheim, De la Division du travail soc.,1893, p. 162. 6. S'il s'agissait d'histoire, on commencerait à l'instruire [l'enfant] de celle de son village et des hameaux avec lesquels il fait terroir; du canton où il ira les jours de foire; puis, plus loin, de l'arrondissement où sont les tribunaux; au delà enfin du chef-lieu autour de qui se groupe le département, petite patrie.
Pesquidoux, Le Livre de raison,1932, p. 175. b) En partic. Subdivision administrative, etc., d'une grande ville, surtout de Paris : 7. Sous réserve du cas particulier de Paris (...), de quelques traits spéciaux pour Marseille et pour Lyon (aujourd'hui il s'agit essentiellement du sectionnement électoral, de la fixation ne varietur du nombre total, de conseillers municipaux − 63 et 61 − et de la division de ces communes en arrondissements ne remplissant d'ailleurs que des tâches d'administration courante), (...) le régime communal qui s'applique à environ 38 000 communes (...) est caractérisé par une grande uniformité.
G. Belorgey, Le Gouvernement et l'admin. de la France,1967, p. 262. ♦ P. plaisant. [P. réf. aux 12 arrondissements de Paris autrefois ou aux 20 arrondissements de Paris aujourd'hui] Être marié au 13e, au 21earrondissement. Vivre en concubinage (cf. Lar. 19e-Lar. Lang. fr., Guérin 1892). Rem. Cette expr. s'emploie avec de nombreuses var. (cf. p. ex. Balzac, Le Cousin Pons, 1847, p. 23 : mariages au treizième arrondissement) : 8. Nous avons raconté comment le peintre Marcel avait connu Mademoiselle Musette. Unis un matin par le ministère du caprice, qui est le maire du 13earrondissement, ils avaient cru, ainsi que la chose arrive souvent, s'épouser sous le régime de la séparation de cœur.
Murger, Scènes de la vie de Bohème,1851, p. 171. SYNT. (rel. à B 2 a et b). a) Arrondissement + adj. Arrondissement communal : ancienne circonscription administrative qui concentrait les affaires communales au chef-lieu de l'arrondissement, mais qui fut supprimé avec le rétablissement de la commune (cf. notamment Ac. 1835-1878 et Erckmann-Chatrian, Histoire d'un paysan, t. 2, 1870, p. 526). Arrondissement électoral (v. scrutin d'arrondissement) (cf. aussi Lamartine, Correspondance, 1831, p. 142). Arrondissement forestier : circonscription d'une conservation forestière (cf. notamment Bouillet 1859 et R. Bazin, Le Blé qui lève, 1907, p. 105). Arrondissement maritime : division territoriale sous la direction d'un préfet maritime (cf. notamment Ac. 1835-1932 et Quillet 1965). Arrondissement militaire (cf. Las Cases, Le Mémorial de Sainte-Hélène, t. 2, 1823, p. 113, et Bach.-Dez. 1882). b) Arrondissement + subst. Arrondissement de justice de paix (cf. Ac. 1835-1878, Besch. 1845, Guérin 1892). c) Subst. + arrondissement. Chef-lieu d'arrondissement (cf. Erckmann-Chatrian, ibid., p. 534; Rob. et Quillet 1965). − P. métaph. arg. : femme en état de grossesse (cf. L. Rigaud, Dict. du jargon parisien, L'Arg. anc. et mod., 1878, p. 15; Larch. Suppl. 1880; France 1907; Ch.-L. Carabelli, [Lang. pop.]). Collège d'arrondissement (v. scrutin d'arrondissement) (cf. aussi Maine de Biran, Journal, 1816, p. 216). Conseil d'arrondissement : conseil formé de membres primitivement nommés par le gouvernement, puis élus, qui se réunissent au chef-lieu et qui remplissent un rôle délibératif et consultatif (cf. notamment Bouillet 1859 et J. Baradat, L'Organ. d'une préfecture, 1907, p. 194; G. Vedel, Manuel élémentaire de dr. constitutionnel, 1949, p. 89). Scrutin d'arrondissement : scrutin uninominal majoritaire dans la circonscription électorale de l'arrondissement (p. oppos. à scrutin de liste) :
9. III. Élection des députés.
La procédure électorale dans le passé.
Les procédures électorales employées en France entre 1789 et 1945 ne furent, à l'exception d'une courte période, que des variantes de deux systèmes fonctionnant à la majorité des voix : à chaque élection la représentation de la circonscription était attribuée au candidat ou à la liste de candidats ayant obtenu le plus grand nombre de voix. Le premier système fut le vote portant sur un candidat individuel : il s'agit du système dit scrutin uninominal qui a toujours été employé en Grande-Bretagne, excepté, pendant une certaine période, dans les circonscriptions universitaires maintenant abolies. Les circonscriptions étaient basées sur l'arrondissement, et ce système est donc aussi appelé scrutin d'arrondissement. Le second système comportait le vote pour une liste de candidats à la majorité simple − système dit scrutin de liste majoritaire; pour celui-ci, des circonscriptions plus grandes étaient nécessaires, et l'on choisit le département.
Lidderdale, Le Parlement fr., 1954, p. 95.
P. métaph. (le scrutin d'arrondissement ayant été critiqué comme non représentatif) :
10. Elle [la génération de 1885] reconnaît (...) que les nouvelles de Maupassant, c'est le scrutin d'arrondissement du roman, miroir brisé où il ne reconnaît pas son image.
Thibaudet, Hist. de la litt. fr. de 1789 à nos jours, 1936, p. 409 .3. COMPTAB. [En parlant d'un poids, d'une somme ou de toute autre mesure] Action de supprimer ou d'ajouter des unités en finale, de façon à former un chiffre rond; résultat de cette action (cf. Littré, Guérin 1892, Quillet 1965). C.− Action de donner, de prendre plus de force, d'harmonie; fait de se circonscrire dans les limites d'une perfection particulière, parfois trop recherchée et trop exclusive. 1. LITT. [En parlant d'une période, d'une phrase] :
11. Je crois que l'arrondissement de la phrase n'est rien, mais que bien écrire est tout, parce que « bien écrire c'est à la fois bien sentir, bien penser et bien dire » (Buffon). Le dernier terme est donc dépendant des deux autres, puisqu'il faut sentir fortement afin de penser, et penser pour exprimer.
Flaubert, Correspondance,1876, p. 290. 2. Domaine moral, psychol.; rare : 12. L'acte volitif, remarque Schopenhauer, vise toujours un « quelque chose ». Étant essentiellement transitif, le vouloir purissime qui est véritable bonne volonté ou bienveillance extatique refuse décidément toute circularité : il exclut à la fois la voluminosité et le principe de la clôture, l'existence spatiale et l'arrondissement de la complaisance; d'une part il est cercle réduit à un point ou sphère concentrée en son centre, presque-rien sans dimensions; d'autre part il est le point-origine d'une extase dont le voulu est la fin, le principe d'une ouverture qui résiste à la tentation du tournoiement et du recourbement.
Jankélévitch, Le Je-ne-sais-quoi et le presque-rien,1957, p. 239. PARAD. a) (Quasi-) synon. accroissement, agrandissement, arc, augmentation, complément, courbe, extension, rondeur, voûte. b) Anton. angle. DÉR. Arrondissementier, ière, subst.,rare a) Pol. Personne favorable au scrutin d'arrondissement (cf. Lar. univ., Rob., Lar. encyclop., Quillet 1965.b) Commissaire de police responsable d'un commissariat d'arrondissement, p. oppos. à divisionnaire (cf. Nizan, La Conspiration, 1938, p. 212).(fin xixes., d'apr. Lar. Lang. fr.; suff. -ier*). PRONONC. : [aʀ
ɔ
̃dismɑ
̃]. Passy 1914 note une durée mi-longue pour la 2esyllabe du mot. 1resyllabe longue ds Fér. 1768 et Gattel 1841; Fér. 1768 et Fér. Crit. t. 1 1787 indiquent que la 2esyllabe est longue aussi. Fér. Crit. t. 1 1787 et Gattel 1841 ajoutent que r se prononce ,,forte``. ÉTYMOL. ET HIST. − 1. 1458, avr. « état de ce qui est arrondi » (Chirog., A. Tournai ds Gdf. Compl. : Certain arrondissement ou rabat, qui est, de present, en le pointe du mur de la maison dudit de le Cuvelerie, respondant en la courchelle de l'eritage vendu, portant noef pos ou environ, pour plus aise et ample voye, demorra ainsy qu'il est de present); 1539 arrondissement (Est.); 1621 peint. « action de faire sentir les rondeurs » (E. Binet ds Brunot t. 6, p. 690); 1671 rhét. « fait de rendre harmonieux » (F. Pomey, Le Dict. royal augmenté, Lyon); 1690 « agrandissement d'un domaine » (Fur.); xviiies. « territoire qui constitue un accroissement » (St Simon, II, 321 ds Rob.); 2. 1737 p. ext. « division territoriale; circonscription administrative » (Arrêt sur la gabelle de Franche-Comté, 12 mars 1737 ds Dict. hist. Ac. fr. : L'arrondissement où l'on est obligé de rapporter les billets ou certificats); cf. 1779 « id. » (De l'Administration provinciale et de la réforme de l'impot, Bâle, 1779, liv. V, ch. 5 ds Brunot t. 6, p. 452).
Dér. du rad. du part. prés. de arrondir*; suff. -ement (-ment1*). STAT. − Fréq. abs. littér. : 534. Fréq. rel. littér. : xixes. : a) 1171, b) 754; xxes. : a) 600, b) 506. Arrondissementier. Fréq. abs. littér. : 2. BBG. − Bach.-Dez. 1882. − Barr. 1967. − Bél. 1957. − Blanche 1857. − Bouillet 1859. − Canada 1930. − Cap. 1936. − Chabat t. 1 1875. − France 1907. − George 1970. − Larch. Suppl. 1880. − Le Clère 1960. − Lemeunier 1969. − Littré-Robin 1865. − Mar. Lex. 1933. − Mar. Lex. 1961 [1951]. − Plais. 1969. − Pol. 1868. − Réau-Rond. 1951. − Spr. 1967. − Springh. 1962. − Vachek 1960. |