| ARROGANCE, subst. fém. A.− Comportement fait de mépris et d'insolence, le plus souvent affectés. Parler avec arrogance, une arrogance de matamore. Synon. dédain, suffisance, superbe; anton. humilité, modestie : 1. ... rien qu'à les [tous ces « milliardaires »] apercevoir, cyniques et vautrés à leur place, on découvrait en eux, du premier coup d'œil, l'arrogance la plus affectée, un orgueil de grossièreté étalé dans tout leur maintien, et un mépris stupide et superbe, pour les arts et les élégances de la vieille Europe.
Bourges, Le Crépuscule des dieux,1884, p. 337. 2. Cette insolence était plus apparente que réelle. Sans doute, elle répondait à une disposition méprisante de son caractère; mais elle tenait encore plus à ce qu'il y avait en lui d'automatique et de guindé. Les Juifs de cette espèce ne sont point rares; et l'opinion n'est pas tendre pour eux : elle taxe d'arrogance cette raideur cassante, qui est souvent le fait d'une gaucherie incurable de corps et d'âme.
R. Rolland, Jean-Christophe,La Foire sur la place, 1908, p. 662. 3. Sans doute un certain non-conformisme agressif, une arrogance et une susceptibilité ombrageuse, une certaine surestimation de soi faite de complaisance et d'angoisse apparaîtront-elles plus tard dérisoires au jeune homme qui sort de l'adolescence.
Ricœur, Philos. de la volonté,1949, p. 404. 4. don rodrigo. − Qui ose ici parler avec tant d'arrogance?
don alonso. − Un homme, Monsieur, qui parle avec l'épée.
don rodrigo. − Il trouvera donc quelqu'un pour châtier sa téméraire folie.
Camus, Le Chevalier d'Olmedo,adapté de F. Lope de Vega, 1957, p. 744. SYNT. L'arrogance d'un geste, d'un regard, d'une voix; une hypocrite arrogance; l'arrogance du succès. B.− P. ext. [En tant qu'attitude d'un gouvernement ou d'un courant pol.] :
5. Les financiers ne voulaient que des guerres coloniales; le peuple ne voulait pas de guerres du tout; il aimait que le gouvernement montrât de la fierté et même de l'arrogance; mais, au moindre soupçon qu'un conflit européen se préparait, sa violente émotion aurait vite gagné la Chambre.
A. France, L'Île des pingouins,1908, p. 374. 6. Mais le plus remarquable en ce sens c'est que depuis un temps − exactement depuis les reproches adressés à Benoît XV, lors de la dernière guerre, pour n'avoir point flétri l'arrogance du nationalisme allemand...
Benda, La Trahison des clercs,1927, p. 108. − [En tant que caractère d'un peuple] :
7. Les chants mélancoliques des Indiens (les yaravis que chantent autour des fermes les Indiens dans la campagne péruvienne) disent quelles amours passionnées fermentent dans ces âmes où se mêlent la mélancolie indigène et l'arrogance espagnole.
Barrès, Mes cahiers,t. 14, 1922-23, p. 112. C.− P. anal. [Appliqué à un inanimé] :
8. Les ailes des malheureux [mâles] sont lacérées, leurs tarses arrachés, leurs antennes rongées, et leurs magnifiques yeux noirs, miroirs des fleurs exubérantes, réverbères de l'azur et de l'innocente arrogance de l'été, ...
Maeterlinck, La Vie des abeilles,1901, p. 251. 9. Le papé tira son grand chapeau noir sur ses yeux et marcha tête baissée. Il aurait fallu marcher en fermant les yeux; on voyait quand même le chemin tout rétréci par l'arrogance de ces mauvaises herbes dures, le chemin charretier qui n'avait plus maintenant de blanc et de tanné que l'épaisseur d'un fil.
Giono, Le Grand troupeau,1931, p. 127. PRONONC. : [aʀ
ɔgɑ
̃:s]. Warn. 1968 signale qu'on peut entendre parfois la prononc. : ar-r
ɔ- avec [rr] géminées. Pour Barbeau-Rodhe 1930, la prononc. avec [rr] est rare. Fér. 1768, Land. 1834 et Gattel 1841 notent la 1resyllabe longue. Gattel 1841 ajoute que r se prononce ,,forte``. Aucun dict. du xixes. ne transcrit [rr] géminées. ÉTYMOL. ET HIST. − Ca 1170 (B. de Ste Maure, Ducs Normandie, éd. Fahlin, Upsal 1954, 22592 : Cum par orguil e par bobance E par si estrange arrogance Qu'a rien vivant ne s'umilie; ibid., 17604-5 : Judas com cil qui Deu traï, Plein d'arrogance e plein de mal).
Empr. au lat. arrogantia « id. » (Rhét. Her. 4, 1, 2 ds TLL s.v., 649, 27). STAT. − Fréq. abs. littér. : 160. |