| ARQUER, verbe. A.− Emploi trans. 1. Courber en arc. a) [Le suj. désigne une pers. ou un animal; l'obj. gén. une partie du corps] :
1. Elle poussa un petit cri de surprise en le voyant; puis elle l'enveloppa de son regard profond, arqua ses lèvres en un charmant sourire, et lui dit : − Comment! Monsieur, vous voilà?
Ponson du Terrail, Rocambole,t. 2, Le Club des valets de cœur, 1859, p. 281. 2. Un rauque grondement monte, roule et grandit.
Tout un monde effrayé rampe sous les arbustes;
Une souple panthère arque ses reins robustes
Et de l'autre côté du ravin noir bondit.
Leconte de Lisle, Poèmes barbares,Les Clairs de lune, 1878, p. 179. b) [Le suj. désigne un inanimé abstr.] :
3. Une expression de hauteur dédaigneuse arquait même ses lèvres à demi, tandis que la veuve parlait.
Ponson du Terrail, Rocambole,t. 2, Le Club des valets de cœur, 1859p. 92. 2. Emplois techn. a) HORTIC. Pratiquer l'arcure (cf. arcure A). Arquer une branche, une tige. Rem. Attesté ds É.-A. Carrière, Encyclop. hortic., 1862. b) MAR. [Le suj. désigne une force naturelle telle que le vent, la tempête, etc.] Faire subir une déformation à un bâtiment, lui faire prendre de l'arc ou de l'arcure (cf. arc II B 2 c et arcure C). Arquer un navire, un bordage (cf. A. Croneau, Constr. pratique des navires de guerre, t. 1, 1892, p. 2). c) TECHNOL. Arquer une pièce de bois, une poutre, une barre de fer. La courber en arc. Rem. Attesté ds Ac. 1835-1932, Lar. 19e, Littré, Guérin 1892, DG, Pt Lar. 1906, Rob., Lar. encyclop., Quillet 1965. B.− Emploi intrans. 1. [Le suj. désigne un inanimé concr.] Fléchir, devenir courbe. Cette poutre commence à arquer (Ac.1835). Rem. Attesté ds tous les dict. généraux. − Spéc., MAR. [Le suj. désigne un bâtiment] ,,Dont la quille est courbée dans le sens vertical`` (Ac. Compl. 1842). 2. Lang. pop. [Le suj. désigne toujours une pers. ou un animal] Marcher (cf. A. Le Breton, Du Rififi chez les hommes, 1953, p. 129) : 4. ... puis encore le tantôt, toujours d'un banc vers un autre, ainsi de suite, jusqu'au square Louvois... et appuyé sur les devantures... Je pouvais plus arquer. Je voulais plus rentrer chez Gorloge...
Céline, Mort à crédit,1936, p. 228. ♦ Ne plus pouvoir arquer. Ne plus pouvoir marcher; rare, ne pas être en état de discuter (cf. Éd. 1967; confusion avec arguer). C.− Emploi pronom. 1. Sens gén. Se courber en arc, s'arrondir, se plier. a) [Le suj. désigne une pers. ou un animal] S'arquer, s'arquer sur : 5. ... Jacques, (...), se tournait vers son frère sans pouvoir lui-même reprendre souffle. La contraction des membres était telle que, déjà, le corps raidi ne touchait plus le matelas qu'aux talons et à l'occiput; néanmoins, de minute en minute, il s'arquait davantage; et, lorsque la tension musculaire parvint à son intensité suprême, il s'immobilisa dans une sorte d'équilibre vibrant qui, un instant, exprima vraiment le paroxysme de l'effort.
R. Martin du Gard, Les Thibault,La Mort du père, 1929, p. 1276. − Lang. pop. Se voûter, se courber sous le poids de l'âge. (Attesté ds A. Delvau, Dict. de la lang. verte, 1867; G. Delesalle, Dict. arg.-fr. et fr.-arg., 1896; France 1907). b) [Le suj. désigne une partie du corps] :
6. Le noble front de César se fronçait, les sourcils s'arquaient; le visage devenait grave, pathétique; ou s'égayait, selon le sujet de la conversation à laquelle le maître affectait de prendre un intérêt intense, mais de pure civilité.
Blanche, Mes modèles,1928, p. 146. c) [Le suj. désigne un végétal] :
7. ... et, tout autour du tronc, s'étend un vaste espace ombreux, que l'arbre investit, sur lequel il règne, étalant ses branches colossales comme pour repousser toute autre végétation. Ces branches s'arquent, se voûtent et, de leur extrémité au loin retombée, touchent le sol. L'on respire un instant dans ces belles clairières couvertes; mais, sitôt qu'on en sort, on est tout empêtré dans l'enchevêtrement confus des ramures; ...
Gide, Le Retour du Tchad,1928, p. 870. 2. Emplois techn. a) ARCHIT. Se plier en forme d'arc (cf. Claudel, Art poét., 1907, p. 211). b) MAR. [Le suj. désigne un bâtiment, ou la quille, le mât d'un bateau] Subir une déformation par suite de l'affaissement de la proue et de la poupe. Prendre de l'arc ou de l'arcure (cf. L.-A. de Bougainville, Voyage autour du monde, 1773, p. 24). c) TECHNOL. [Le suj. désigne une pièce de bois ou de fer] Se déformer, par un défaut de construction ou une charge trop grande (attesté ds Chabat 1881). PRONONC. : [aʀke], j'arque [ʒaʀk]. ÉTYMOL. ET HIST. − 1266 archer intrans. « se courber en arc, fléchir » (Compl. d'Outrem. Jubin. II, 247 ds Gdf. Compl. : De si tres grant fois il me carche Que toute l'eschine m'en arche); xvies. arquer trans. « courber, voûter en arc » (Paré, 38 ds Littré : Ces pierres estoient faites en façon d'une corne de mouton, non pas si longues, ny si courbées, mais communement estoient arquées); d'où 1690 mar. intrans. et pronom. (Rich.).
Empr. au lat. arcuo « courber en arc », sous la forme arquo ds Not. Tir. 100, 79 ds TLL s.v., 475, 56 : arquat; forme arcuo Varron, Rust., 3, 5, 15, ibid., 475, 46; de arcus (arc*). STAT. − Fréq. abs. littér. : 37. BBG. − Chabat t. 1 1875. − Chesn. 1857. − Éd. 1967. − Esn. 1966. − France 1907. − Jal 1848. − Jossier 1881. − Le Breton 1960. − Sandry-Carr. 1963. − Soé-Dup. 1906. |