| ARMÉE, subst. fém. A.− [Surtout avec l'art. indéf.] Une armée. Grande unité combattante formée de troupes appartenant à différentes armes : 1. Il disait à la suite de cela qu'on se faisait une idée peu juste de la force d'âme nécessaire pour livrer, avec une pleine méditation de ses conséquences, une de ces grandes batailles d'où vont dépendre le sort d'une armée, d'un pays, la possession d'un trône.
Las Cases, Le Mémorial de Sainte-Hélène,t. 1, 1823, p. 239. 2. Le problème des officiers destinés à encadrer cette armée était plus grave. Si, à la rigueur, on peut faire un soldat en quelques mois, les officiers, surtout dans les grades élevés, et les états-majors ne s'improvisent pas.
Joffre, Mémoires,t. 2, 1931, p. 455. ♦ Corps d'armée. Grande unité combattante entrant dans la composition d'une armée et groupant plusieurs unités plus petites (régiments, bataillons). SYNT. Armée de coalition, d'invasion, de libération, d'occupation; armées belligérantes, blindées, ennemies, fanatiques, héroïques, invincibles, libératrices, mercenaires, motorisées, redoutables, vaincues, victorieuses; affaiblir, assiéger, attaquer, cantonner, commander, encadrer, mobiliser, suivre une armée; une armée peut bivouaquer (ou, forme anc., bivaquer), se défendre, marcher, se replier; capitulation, débandade, défaite, déroute, restes, victoire d'une armée. − Loc. au plur. ♦ Le Dieu des armées. Celui qui décide du sort des armes (cf. J. de Maistre, Les Soirées de Saint-Pétersbourg, t. 2, 1821, p. 52). ♦ P. plaisant. L'Éternel des armées : 3. Impassible et ardent, il continuait d'annoncer la colère de Dieu :
« J'en veux à toi... dit l'Éternel des armées...
Je relèverai tes pans sur ton visage... Je montrerai ta nudité aux nations... et ta honte aux royaumes! »
Hamp, Vin de Champagne,1909, p. 221. ♦ P. anal. Les armées célestes. Les Anges (considérés comme combattant auprès des hommes pour faire triompher la cause et les valeurs divines) : 4. À son nom, les armées célestes tremblent; et plus d'un raconte, dans les régions que j'ai quittées, que Satan lui-même, Satan, l'incarnation du mal, n'est pas si redoutable.
Lautréamont, Les Chants de Maldoror,1869, p. 346. − En partic. ♦ La Grande Armée. Armée réunie par Napoléon Ierpour la campagne de 1812 : 5. L'aîné, soldat de 1792, blessé grièvement à l'attaque des lignes de Wissembourg, adorait l'empereur Napoléon et tout ce qui tenait à la Grande Armée.
Balzac, La Cousine Bette,1846, p. 22. ♦ L'Armée rouge. Armée révolutionnaire (cf. Malraux, Les Conquérants, 1928, p. 72). B.− [Surtout avec l'art. déf.] L'armée (plus rarement les armées). Ensemble des forces militaires d'un pays (ou d'un groupe de pays). − En partic. [Avec un compl. prép. introduit par de] Forces spécialisées dont se compose l'armée. L'armée de terre, l'armée de l'air, l'armée de mer : 6. Si nous regardons l'armée de la cité, dans les premiers temps, nous la trouvons distribuée en tribus, en curies, en familles, « de telle sorte, dit un ancien, que le guerrier ait pour voisin dans le combat celui avec qui, en temps de paix, il fait la libation et le sacrifice au même autel. »
Fustel de Coulanges, La Cité antique,1864, p. 158. 7. Si je me permets de prendre la parole, c'est qu'à Paris, au Service géographique de l'armée, où j'étais avant de venir ici, bien des officiers, et des plus qualifiés, avaient, sur cette triste histoire, une opinion qu'ils évitaient de formuler...
Benoit, L'Atlantide,1919, p. 23. − Locutions ♦ Être aux armées. Effectuer son service militaire : 8. Desroches s'étonna à plusieurs reprises que ce jeune homme ne fût pas aux armées comme tous ceux de notre temps...
Nerval, Les Filles du feu,Émilie, [Œuvres complètes, t. 61], Paris, H. Champion, 1931 [1854], p. 309. ♦ Être cité à l'ordre de l'armée. Être mis à l'honneur pour son dévouement et son courage : 9. ... je trouve ridicule qu'on cite des femmes à l'ordre de l'armée.
Montherlant, L'Exil,1929, p. 25. SYNT. Armée coloniale, consulaire, continentale, fédérale, métropolitaine, nationale, républicaine, royale, territoriale; une armée permanente, professionnelle, régulière; commandement, état-major, officiers, organisation, personnel, recrutement de l'armée; discipline, honneur de l'armée. C.− P. ext. 1. Réunion de personnes défendant une cause ou essayant de faire triompher leurs convictions : 10. ... la tenue raide et guindée qui est devenue (...) la règle du clergé français et a fait de lui une sorte d'armée noire à part du monde et en guerre avec lui.
Renan, Souvenirs d'enfance et de jeunesse,1883, p. 202. 11. Monseigneur Charlot témoignait à cette dame [Madame Cartier de Chalmot] une dilection spéciale et lui disait parfois, avec son sourire d'homme du monde : « Vous êtes générale dans l'armée de la charité chrétienne. »
A. France, L'Orme du mail,1897, p. 64. ♦ L'Armée du Salut. Association protestante de propagande religieuse et de secours aux indigents : 12. Il y a, devant le comptoir, une table ronde où dînent trois femmes de l'Armée du Salut, qui ne mangent que des légumes, et qui se font, en chuchotant, d'édifiantes confidences sous leurs cabriolets à brides.
R. Martin du Gard, Les Thibault,L'Été 1914, 1936, p. 711. 2. Une armée de. Grand rassemblement (de pers. ou de choses) : 13. Compte ce qui sort, un jour de fête seulement, du quartier Saint-Jacques : les bataillons de modistes, les armées de lingères, les nuées de marchandes de tabac; tout cela s'amuse, tout cela a ses amours, tout cela va s'abattre autour de Paris, sous les tonnelles des campagnes, comme des volées de friquets.
Musset, Mimi Pinson,1845, p. 217. 14. Puis, l'armée des verres, rangée par bandes, occupait les deux côtés : les petits verres pour l'eau-de-vie, les gobelets épais pour les canons, les coupes pour les fruits, les verres à absinthe, les chopes, les grands verres à pied, tous renversés, le cul en l'air, reflétant dans leur pâleur les luisants du comptoir.
Zola, Le Ventre de Paris,1873, p. 705. 15. ... et il n'est pas jusqu'à la sèche et maigre grammaire, jusqu'à la perfide et fantasque syntaxe qui ne paraissent tout à coup, impérieuses, mais séduisantes par leurs pièges mêmes, escortées de toutes les parties du discours, bien défendues par les féroces participes, suivies dans l'ordre des préséances par l'immense armée des propositions, les principales, les subordonnées, les capricieuses complétives, les circonstancielles, et les autres (s'il en est...) ...
Valéry, Variété 4,1938, p. 148. Rem. Pour Littré, Nouv. Lar. ill. et DG, armée désigne aussi, ,,dans une mansarde, [un] revêtement d'ardoises qu'on fixe sur la face latérale pour la garantir de la pluie`` (DG). Au regard de la synchr., il s'agit d'un autre mot dér. des sens techn. de armé « équipé, couvert ». PRONONC. : [aʀme]. [ə] muet est transcrit ds Fér. 1768, Fér. Crit. t. 1 1787, Gattel 1841 et Littré. Enq. : /aʀme/. ÉTYMOL. ET HIST. − 1. 1360-70 « troupe destinée à faire la guerre » (Baudouin de Sebourc, éd. Bocca, XXV, 46 ds T.-L. : A noble compaignie et autres [lire autre] belle armee Entra li chevaliers dedens la mer salee); p. ext. 1690 (Fur. : Armée, se dit aussi figurément d'une multitude); 2. 1669 « ensemble des troupes que lève ou fait lever un État pour sa sûreté » (Pascal, Pensées ds Dict. hist. Ac. fr. : On n'achètera une charge à l'armée si cher que par ce qu'on trouvera insupportable de ne bouger de la ville); 1835 (Ac. : Armée [...] Il se dit, absolument, de Toutes les troupes qu'un État lève et entretient pour sa sûreté).
Part. passé fém. adjectivé de armer* étymol. 1; concurrencé puis supplanté à partir du xvies. l'a. fr. ost (< lat. hoste), dep. Roland ds Gdf.; cf. Rabelais qui utilise ost en référence à l'Antiquité (I, 33 ds Hug. : Julien Auguste et tout son oust y moururent de soif), mais armée pour désigner une troupe armée contemporaine (Gargantua, 33 cité par G. Gougenheim, Notes sur le vocab. de Rabelais ds Word, t. 5, 1949, p. 148 : Vostre armée partirez en deux... Mais [dist il] que faict ce pendent la part de nostre armée qui desconfit ce vilain humeux Grandgousier?). STAT. − Fréq. abs. littér. : 15 481. Fréq. rel. littér. : xixes. : a) 20 227, b) 12 614; xxes. : a) 16 079, b) 32 154. BBG. − Bach.-Dez. 1882. − Bal.-Maq. 1968. − Baudhuin 1968. − Bible 1912. − Blanche 1857. − Bouillet 1859. − Bruant 1901. − Cap. 1936. − Criqui 1967 →. − Darm. Vie 1932, p. 195. − Dheilly 1964. − Esn. 1966. − Esn. Poilu 1919. − Foi t. 1 1968. − France 1907. − Frey 1925, p. 210, 258. − Gay t. 1 1967 [1887]. − Gougenheim (G.). Notes sur le vocab. de Rabelais : ost et armée; droite et gauche. Word. 1949, t. 5, pp. 147-148. − Gruss 1952. − Guilb. Aviat. 1965. − Jal 1848. − Lacr. 1963. − Le Breton Suppl. 1960. − Le Clère 1960. − Lep. 1948. − Littré-Robin 1865. − Michel 1856. − Pol. 1868. − Pope 1961 [1952]. − Réau-Rond. 1951. − Réau-Rond. Suppl. 1962. − Schwarz-Hadik 1966. − Spr. 1967. − Tondr.-Vill. 1968. − Will. 1831. − Zastrow 1963, p. 44, 232. |