| ARMER, verbe. I.− Emploi trans. A.− Munir d'armes, donner des armes. 1. [Le compl. d'obj. désigne une pers. ou une collectivité] a) Vx. Revêtir quelqu'un d'une armure. ♦ Armer qqn de pied en cap, armer qqn de toutes pièces. Revêtir quelqu'un d'une armure complète protégeant le corps de la tête aux pieds (infra B et armé* II A). ♦ Armer qqn chevalier ou l'adouber*. Faire quelqu'un chevalier au cours d'une cérémonie où lui sont remises les armes (cf. Barante, Hist. des ducs de Bourgogne, t. 2, 1821-24, p. 185). b) Armer qqn, armer un pays. Le munir d'armes défensives et offensives : 1. Mais il fallait aussi recruter, encadrer, armer, les éléments qui iraient, à mesure, renforcer ces avant-gardes, tant au Sahara que sur le Nil.
De Gaulle, Mémoires de guerre,1954, p. 120. ♦ [Le compl. d'obj. peut ne pas être exprimé] Faire des préparatifs de guerre : 2. Vers le 13 février, les bonnets rouges se montrèrent dans les rues de Paris, et la municipalité fit fabriquer des piques. Le Manifeste des Émigrés parut le 1ermars. L'Autriche armait. Paris était divisé en sections, plus ou moins hostiles les unes aux autres.
Chateaubriand, Mémoires d'Outre-Tombe,t. 1, 1848, p. 373. − Au fig. et p. méton. Inciter quelqu'un à prendre les armes : 3. L'hallucination collective, qui suscite et arme les fanatismes, ne naît pas d'un hasard, ne se dépense jamais en vain.
Colette, La Jumelle noire,1938, p. 32. 2. [Le compl. d'obj. désigne une chose] a) Vx, HÉRALD. Armer un écusson. Représenter les armoiries sur un écusson. b) Armer une place, un fort. Lui fournir les armes nécessaires à sa défense : 4. Cependant, nous apprenions que tous les permissionnaires avaient été rappelés, qu'on continuait à armer les forts de l'Escaut et que la mise en état de défense d'Anvers était poussée activement.
Joffre, Mémoires,t. 1, 1931, p. 215. − P. anal. ♦ Armer un mur. Munir de pièces de fer, de pointes, de crocs pour en empêcher l'escalade : 5. Ils gagnèrent la terrasse du jardin, au-dessus du carrefour où la rue de Bourgogne débouche sur le boulevard Saint-Germain. Ils se penchèrent sur les artichauts de fer dont Madier de Montjau arma le petit mur, pour défendre le palais contre la colère du peuple.
De Vogüé, Les Morts qui parlent,1899, p. 438. ♦ Armer un arbre. Entourer son tronc d'épines ou d'un dispositif spécial pour le protéger (cf. Chénier, Élégies, Les Amours, 1794, p. 40). − P. méton. Armer une arme à feu (pistolet, fusil, revolver, carabine...). La mettre à l'armé, abattre le chien de la batterie, en tendant le ressort, pour permettre de faire feu dès que le besoin s'en fait sentir : 6. Il arma les chiens du fusil et resta debout, à trois pas.
Pourrat, Gaspard des Montagnes,La Tour du Levant, 1931, p. 142. Rem. En ce sens, peut s'employer absolument. c) P. ext. Munir quelque chose de ce qui lui est nécessaire pour permettre son bon fonctionnement, sa protection. − BÂT. Armer du ciment, du béton. Les rendre plus résistants en y incorporant une armature de fers entrecroisés (cf. A. Brongniart, Traité des arts céram., 1844, p. 93). − MAR. Armer un navire. Le ,,pourvoir du personnel, du matériel et des approvisionnements nécessaires à la navigation que doit effectuer ce navire.`` (Le Clère 1960). SYNT. Armer en guerre. Pourvoir un bateau de tout ce qui lui est nécessaire pour faire la guerre. Armer en guerre et en marchandise, ou armer en flûte. ,,Munir un navire de guerre de quelques-unes seulement des bouches à feu qui complèteraient son armement en guerre, et lui faire faire l'office d'une flûte ou d'un navire de transport de commerce.`` (Jal 1848). Armer en course. ,,Locution sans emploi depuis l'abolition de la course. (...) Transformer un navire de commerce en corsaire en le pourvoyant d'armes d'attaque et en munissant son capitaine d'une lettre de marque.`` (Le Clère 1960). Armer le cabestan. ,,Mettre les barres dans les trous pratiqués à la tête d'un cabestan pour faire virer cet engin.`` (Jal 1848). Armez! (les avirons). ,,Commandement ayant pour but de faire disposer les avirons pour ramer ou nager, de manière que les hommes n'aient qu'à agir dessus quand ils en recevront l'ordre.`` (Gruss 1952; cf. Verne, L'Île mystérieuse, 1874, p. 234). ♦ P. ext., vx. [En parlant d'un marin] S'embarquer, faire partie de l'équipage. − MINÉR. Armer un puits. ,,L'équiper pour l'extraction.`` (Lar. encyclop.). − MUS. Armer la clé. ,,Garnir la portée des signes nécessaires pour indiquer la tonalité.`` (M. Brenet, Dict. pratique et hist. de la mus., 1926, p. 22). − TECHNOL. Armer un aimant. Le renforcer avec une plaque de fer doux. ♦ Plus gén. Armer (un appareil quelconque, une machine...). Mettre en état de fonctionnement : 7. L'homme réduit de l'eau en vapeur pour armer des machines puissantes, et pour cela il ne change pas la proportion de vapeur d'eau dans l'atmosphère...
C. Bernard, Principes de méd. exp.,1878, p. 70. ♦ P. plaisant. [Il] arma ses yeux de son lorgnon puissant (A. France, Sur la pierre blanche,1905, p. 223)[il] arma son stylographe (Estaunié, L'Ascension de M. Baslèvre,1919, p. 244). 3. [Le compl. d'obj. désigne un animal; le suj. est l'arme naturelle de cet animal] Protéger, servir de moyens de défense ou d'attaque (cf. Cuvier, Leçons d'anat. comp., t. 2, 1805, p. 615). − [Le suj. est une pers.] Renforcer les armes naturelles d'un animal (en l'occurr. les ergots du coq) (cf. Van der Meersch, L'Empreinte du dieu, 1936, p. 116). ♦ FAUCONN. Armer un oiseau. ,,Lui attacher au pied des jets, des sonnettes, des vervelles, etc.`` (Baudr. Chasses 1834). Armer les cures de l'oiseau. ,,Mettre un peu de chair auprès des remèdes qu'on donne au faucon, pour les lui faire avaler.`` (Baudr. Chasses 1834). B.− P. métaph. et au fig. Fortifier, fournir à quelqu'un les armes (intellectuelles, morales...) nécessaires pour supporter une situation quelconque, en particulier pour se défendre de quelque chose ou de quelqu'un : 8. Mais une autre phrase, plus rapide, plus sévère et plus forte, brillante comme une épée nue, vous armait de confiance et de courage.
Guéhenno, Jean-Jacques,Grandeur et misère d'un esprit, 1952, p. 340. ♦ Armer de pied en cap. Pourvoir de moyens de défense (comparables à une armure) (cf. Balzac, La Maison Nucingen, 1838, p. 642). II.− Emploi pronom. A.− Se munir d'une arme offensive ou défensive ou de toute chose pouvant en tenir lieu : 9. La résistance armée s'organisait, s'armait d'armes secrètes, prises un peu partout, volées dans les arsenaux, cachées en 1940, lors de l'armistice, parachutées par les Anglais...
E. Triolet, Le Premier accroc coûte deux cents francs,1945, p. 75. − P. iron. S'armer de pied en cap, s'armer jusqu'aux dents. S'armer plus que ne l'exige la situation (cf. Mérimée, Carmen, 1847, p. 5). − Empl. abs. Prendre les armes : 10. Elle [la reine] bombardait son premier ministre de notes belliqueuses. Les organisateurs de meetings pro-russes auraient dû être poursuivis. Qu'attendait-on pour s'armer?
Maurois, La Vie de Disraëli,1927, p. 290. ♦ TAUROM. (cf. Montherlant, Les Bestiaires, 1926, p. 441). − P. ext., ÉQUIT. [En parlant d'un cheval] Résister ,,à l'action des mors de la bride, en se défendant contre son cavalier ou contre ses aides.`` (Privat-Foc. 1870). − P. anal. et p. ext. Se munir de tout ce qui est nécessaire pour mener à bien une tâche. [Il] s'arma d'une énorme paire de lunettes (About, La Grèce contemporaine,1854, p. 272);[ils] s'armèrent de marteaux et de clous (Hémon, Maria Chapdelaine,1916, p. 111). B.− Au fig. Se fortifier, se donner à soi-même les armes (intellectuelles, morales, etc.) qui permettent d'affronter une situation : 11. À ces mots, il ne put s'empêcher de tressaillir; cependant, voulant me dérober son émotion, il s'arma d'un front sévère; et, en élevant la voix : En effet, dit-il, je ne suis plus que ton juge.
Mmede Genlis, Les Chevaliers du Cygne,t. 3, 1795, p. 148. 12. Ces grands comédiens [les enfants] savent d'un seul coup se hérisser de pointes comme une bête ou s'armer d'humble douceur comme une plante et ne divulguent jamais les rites obscurs de leur religion.
Cocteau, Les Enfants terribles,1929, p. 9. − Absol. S'armer ou s'armer contre.Se fortifier, se défendre contre quelqu'un ou contre quelque chose : 13. Celui qui chantait dans les supplices, qui avait injurié Dieu et la beauté, qui s'armait contre la justice et l'espérance, qui se séchait glorieusement à l'air du crime, veut seulement se marier avec quelqu'un qui « ait un avenir ».
Camus, L'Homme révolté,1951, p. 116. III.− Emploi intrans. [Le suj. désigne le navire] Être équipé (cf. Hamp, Marée fraîche, 1908, p. 30). PRONONC. : [aʀme], j'arme [ʒaʀm]. ÉTYMOL. ET HIST. − 1. 2emoitié xes. « munir d'armes offensives ou défensives » part. passé adj. (Passion, éd. D'Arco Silvio Avalle, 367 : Armaz vassalz dunc lor liuret, lo monument lor comandet); 1085-1110 armer (qqn) a chevalier « armer (qqn) chevalier » (Gormont et Isembard, fragm. éd. Heiligbrodt, 332 ds T.-L.); av. 1573 fig. « munir de force morale » (Gasp. de Tavannes, Mém., p. 300 ds Gdf. Compl. : La crainte de mort et perte de biens arment les femmes); 2. 1200-1206 mar. « équiper (un navire en hommes) » (R. de Clary, Constantinople, éd. Hopf, 36 ds T.-L. : je prendrai quatre galies avec mi, si les ferai armer de la plus aidant gent que nous arons); 1395 « id. (en matériel) » (Voyage de Jérusalem du seigneur d'Anglure, éd. F. Bonnardot et A. Longnon, 340, ibid.).
Du lat. armare; 1, sens propre, Cicéron, Caecin., 2 ds TLL s.v., 617, 65; « armer chevalier », lat. médiév. av. 1143 Orderic Vidal, lib. 12, c. 18, éd. Leprévost, IV, 358 ds Nierm.; emploi fig. Cicéron, Dom., 141 ds TLL s.v., 619, 46; 2 mar., César, Gall., 3, 13, 1, ibid., 618, 72. STAT. − Fréq. abs. littér. : 1 007. Fréq. rel. littér. : xixes. : a) 2 242, b) 1 420; xxes. : a) 925, b) 1 050. BBG. − Barber. 1969. − Baudr. Chasses 1834. − Gruss 1952. − Guilb. Aviat. 1965. − Jal 1848. − Le Breton Suppl. 1960. − Le Clère 1960. − Mots rares 1965. − Pierreh. Suppl. 1926. − Privat-Foc. 1870. − Rougnon 1935, p. 19. − Soé-Dup. 1906. − Will. 1831. |