| ARGILE, subst. fém. I.− Terre glaise, composée de silicate d'alumine hydraté résultant surtout de la décomposition des feldspaths, ayant généralement l'aspect d'une terre molle, de couleur grise ou rougeâtre et utilisée en poterie et en briqueterie : 1. Se sont-ils fixés là uniquement parce que cette région leur fournissait tout ce qui suffisait à leurs besoins : silex pour l'outillage, argile pour la poterie, coquillages, poissons et gibier pour la nourriture? Ceci est fort possible.
S. Blanc, Initiation à la préhist.,1932, p. 36. 2. Mais lorsque l'évaporation enlève l'eau de l'argile, celle-ci perd ses qualités, se fendille, s'émiette; l'œuvre que la main de l'artiste ou de l'artisan a créée directement est de brève durée si l'on ne trouve le moyen de conserver l'invention périssable.
− L'argile est malléable quand elle est froide et humide, mais elle acquiert une dureté remarquable aux grandes chaleurs; on rend donc l'œuvre quasiment inaltérable grâce à la cuisson : la forme éphémère devient ainsi apte à traverser les siècles.
G. Fontaine, La Céram. fr.,1965, p. 1. A.− Argile + adj. ou subst. introd. par la prép. à, plus rarement de (déterminant son origine, sa nature, son utilisation, le traitement qu'elle a subi...). ♦ Argile à blocaux. Argile mêlée de sable et de blocs formés par l'ancienne moraine de fond d'un glacier : 3. Le terrain erratique du nord est surtout formé par un limon argileux avec cailloux anguleux ou roulés, qualifiés d'argile à blocaux ou boulderclay.
A. de Lapparent, Abr. de géol.,1886, p. 383. ♦ Argile calcinée : 4. Une argile calcinée ne conserve aucune plasticité et ne peut même la reprendre par humectation; il faut qu'il y ait ici autre chose qu'une propriété mécanique telle que serait la liaison par viscosité.
A. Brongniart, Traité des arts céram.,1844, p. 251. ♦ Argile colloïdale. Constituée de particules de moins de un micron : 5. La taille de ces éléments peut aller de quelques centimètres (maximum 25 cm) pour les galets, jusqu'à moins d'un micron pour des argiles colloïdales fines, en passant par les graviers, les sables grossiers, les sables fins, les sablons (ou poudres), les vases.
J.-M. Pérès, La Vie dans l'océan,1966, p. 66. ♦ Argile ferrugineuse (cf. argile ocreuse) : 6. Là, parmi les argiles ferrugineuses, les sables striés de cailloux, les pierres sur lesquelles s'assied la couche arable, ils [les vieux ceps] absorbent âprement une sève puissante.
Pesquidoux, Chez nous,t. 1, 1921, p. 58. ♦ Argile figuline. Argile à modeler (ou argile commune, glaise) : 7. J'ai cru devoir diviser les argiles sous le rapport de leurs propriétés et de leur emploi dans l'art céramique en deux variétés principales : l'argile plastique et l'argile figuline...
A. Brongniart, Traité des arts céram.,1844, p. 60. ♦ Argile fine ou blanche ou terre à pipe. Argile mélangée au sable fin (entre dans la composition de diverses poudres à blanchir et à polir). ♦ Argile glaciaire : 8. Les terres le mieux appropriées au blé sont les argiles un peu mêlées, ni trop compactes, ni trop imperméables, qu'ont répandues les anciens glaciers sur une grande partie du centre de l'Europe et de l'Amérique du Nord et qui sont les argiles glaciaires ou fluvio-glaciaires, ...
J. Brunhes, La Géogr. humaine,1942, p. 134. ♦ Argile(s) kaolinique(s) ou terre à porcelaine : 9. Toutes les argiles kaoliniques donnent avec l'alumine de la chaux, de la magnésie, etc. qui y sont mélangées à l'état de silicates...
A. Brongniart, Traité des arts céram.,1844, p. 42. ♦ Argile lacustre : 10. Les traits caractéristiques dont se compose l'Alsace ne se dégagent pas tout de suite, quand on y pénètre par Montbéliard ou par Belfort. Au sortir de la brillante vallée du Doubs, c'est d'abord une impression de tristesse. Les argiles lacustres d'époque tertiaire ont déposé un manteau de terres froides, parsemées d'étangs, uniforme, où dominent les prairies et les bois. Les eaux indécises se traînent dans ce paysage effacé.
Vidal de La Blache, Principes de géogr. hum.,1921, p. 221. ♦ Argile(s) meulière(s) : 11. Les plateaux n'ont point encore la sécheresse que leur extrême perméabilité leur communique dans la Beauce : des argiles meulières, dues à une transformation siliceuse à laquelle le voisinage des sables n'est pas étranger, entretiennent de l'humidité et même quelques étangs à la surface.
Vidal de La Blache, Tableau de la géogr. de la France,1908, p. 136. ♦ Argile ocreuse, ou argile martiale, ferrugineuse. Argile colorée en rouge par l'oxyde de fer anhydre, ou en jaune par de l'oxyde de fer hydraté : 12. § 3. − Bol d'Arménie, argile ocreuse, terre de Lemnos, bol oriental, bol rouge. On désigne sous ces différents noms une couleur rouge jaunâtre...
Nouv. manuel complet du fabricant de couleurs,t. 2, 1884, p. 81 (encyclop. Roret). ♦ Argile plastique. Argile particulièrement apte à être modelée (sert aux statuaires). Synon. glaise, argile figuline, argile à poterie : 13. Nous ne connaissons chez les anciens aucune poterie à pâte blanche (...) [Et pourtant] on trouve partout de l'argile plastique, on trouve partout de cette argile qui cuit blanc; ils la connaissaient, ils s'en servaient même pour engobes à basse température.
A. Brongniart, Traité des arts céram.,1844, p. 29. ♦ Argile réfractaire. Argile qui résiste à des températures de 1 600 à 1 700oet davantage et où il entre du calcaire, du fer oxydé, du fer sulfuré : 14. Les briques réfractaires sont faites avec de l'argile réfractaire qui peut supporter une température élevée sans fusion ni retrait excessif au gauchissement.
R. Champly, Nouvelle encyclop. pratique,t. 15, 1927, p. 30. ♦ Argile rouge des grands fonds. Boues des grands fonds océaniques comprenant argile (85 %), granules cosmiques, poussières volcaniques : 15. De nos jours, lesdites synthèses sont réduites à quatre produits principaux, qui sont fort loin de figurer dans la totalité des sédiments terrigènes et pélagiques : d'une part, une zéolithe, la phillipsite, et les concrétions manganésiennes, réservées à un dépôt extrêmement spécial, l'argile rouge des grands fonds; ...
L. Cayeux, Causes anc. et causes actuelles en géol.,1941, p. 68. ♦ Argile sédimentaire. L'argile en tant qu'elle constitue un dépôt géologique : 16. Les argiles sédimentaires sont impures, souvent colorées quelquefois noirâtres.
J. Cahen, E. Bruet, Carrières, plâtrières, ardoisières,1926, p. 266. ♦ Argile à silex. Argile brune avec rognons durs de silex (existe sur les dépôts crétacés) : 17. L'affleurement des argiles à silex les [masses forestières] déroule en franges le long des vallées (Caux).
Vidal de La Blache, Principes de géogr. hum.,1921, p. 183. ♦ Argile smectique. Argile riche en silice et contenant beaucoup d'eau. Synon. terre à foulon ,,dont la propriété est d'absorber les graisses d'où son emploi dans l'industrie du tissage des draps`` (Grand. 1962) : 18. Dans la faïence brune on se sert des argiles que les minéralogistes ont nommées smectique et figuline.
Bastenaire, Daudenart, L'Art de fabriquer la faïence...,1828, p. 17. B.− Subst. + argile.Pot, assiette, figures d'argile : 19. La chair de mon visage pèse à mes os comme un masque d'argile, et cette douleur est tout ce qui me reste des larmes.
J. Bousquet, Traduit du silence,1935-36, p. 67. − [Plus particulièrement pour qualifier un goût, une couleur, une odeur] :
20. Mais, malgré eux, leur cœur se soulevait. Ils souffraient surtout du manque de sel, leur estomac se refusait à garder cette bouillie fade des betteraves, ces morceaux de chair à moitié cuite, gluante, d'un goût d'argile.
Zola, La Débâcle,1892, p. 454. 21. ... il avait des yeux d'un bleu étonnament clair − chose rare au pays de Québec − à la fois aigus et simples, dans un visage couleur d'argile surmonté de cheveux d'une teinte presque pareille et éternellement haché de coupures.
Hémon, Maria Chapdelaine,1916, p. 58. 22. « Le curé va porter le bon Dieu chez un tel... », plus d'un tournait la tête et bourrait sa pipe en silence... Et maintenant il était là, dans le jour cru et blême, avec ce vague parfum d'encens mêlé à l'odeur fade de l'argile, son surplis plaqué de boue et le petit clergeon qui renifle, tenant sa croix tout de travers.
Bernanos, Monsieur Ouine,1943, p. 1495. C.− P. méton., littér. Terre : 23. Ou bien, par delà la gare, dans le chemin d'argile qui contourne les Réservoirs, n'as-tu pas [ô Nue] en passant gardé du soleil Jean de Cérizolles, auprès de qui, sous un voile épais, se hâte la facile épouse d'Etcheyralas?
Toulet, La Jeune fille verte,1918, p. 199. II.− Au fig. A.− [P. réf. à la terre dont, selon la Bible, le premier homme fut formé] :
24. Ce petit grandira. De quelle argile est-il fait? De la première fange venue. Une poignée de boue, un souffle, et voilà Adam. Il suffit qu'un dieu passe. Un dieu a toujours passé sur le gamin.
Hugo, Les Misérables,t. 1, 1862, p. 689. B.− [P. réf. à la nature molle et malléable de cette matière] :
25. Je suis d'argile pour recevoir les impressions et de bronze pour les garder; ...
Flaubert, Correspondance,1866, p. 227. C.− [P. réf. au peu de consistance, à la fragilité de cette matière] :
26. ... beaux royaumes de boue, belles nations d'argile crouleront sous l'essieu de notre chariot.
Quinet, Ahasvérus,1833, p. 211. − [En parlant d'une pers., d'un pouvoir, p. réf. à la statue colossale en métal précieux que, selon la Bible (Daniel, II, 31-45), Nabuchodonosor vit en songe s'effondrer sous une pierre qui vint frapper la partie de ses pieds qui était en argile] Statue, colosse aux pieds d'argile. Être qui a de l'éclat, mais dont la consistance est mal assurée : 27. ... élevant enfin, mais sur des pieds d'argile, un colosse qui, après avoir opprimé l'Europe, devait encore la fatiguer longtemps du poids de ses débris.
Condorcet, Esquisse d'un tableau hist. des progrès de l'esprit hum.,1794, p. 95. DÉR. Argilifère, adj.Qui contient de l'argile. Calcaire argilifère. 1838 (Ac. Compl. 1842); suff. -fère*. PRONONC. ET ORTH. − 1. Forme phon. : [aʀ
ʒil]. 2. Hist. − Littré fait la rem. suiv. : ,,Quelques-uns écrivent argille (c'est une orthographe ancienne) et mouillent les ll (c'est une prononciation condamnée par le bon usage).`` Cf. aussi Fér. 1768 : ,,Quelques-uns mettent deux ll, mais n'en prononcent qu'une`` et Fér. Crit. t. 1 1787 : ,,Trév. écrit Argille. L'Acad. a bien fait de ne mettre qu'une l.`` Littré signale également que : ,,Voltaire a fait argile masculin, ce qui est une faute`` (cf. Lar. 19eet Nouv. Lar. ill.). Pour l'explication du choix de ce genre par Voltaire et d'autres auteurs, cf. Besch. 1845. − Argilifère. Seule transcription ds Littré : ar-ji-li-fê-r'. ÉTYMOL. ET HIST. − Ca 1190 argille (Herman. Bible, B.N. 1444, fo35 vods Gdf. Compl.); xives. argile (G. Briton, Voc. lat.-fr., éd. E.-A. Escallier ds T.-L.).
Du lat. argilla, aussi argila « terre glaise » (iers. av. J. C., Varron, De lingua latina, 5, 158 ds TLL s.v., 530, 16), empr. au gr. α
́
ρ
γ
ι
λ(λ)ο
ς « id. ». La forme a. fr. ardille (Renart ds T.-L.) s'explique selon Fouché p. 843, par le fait qu'au stade ardyīla [d prépalatal] le y a pu se fondre dans l'i suivant avant le passage de [dy] à [d'žy]. STAT. − Fréq. abs. littér. : 579. Fréq. rel. littér. : xixes. : a) 762, b) 1 024; xxes. : a) 763, b) 804. BBG. − Alex. 1768. − Bach.-Dez. 1882. − Bader-Th. 1962. − Baulig 1956. − Bible 1912. − Bouillet 1859. − Brard 1838. − Chabat t. 1 1875. − Chesn. 1857. − Comm. t. 1 1837. − Duval 1959. − Fromh.-King 1968. − Géogr. t. 3 1968. − George 1970. − Grand. 1962. − Jossier 1881. − Lar. comm. 1930. − Lar. méd. 1970. − Lar. mén. 1926. − Littré-Robin 1865. − Marcel 1938. − Méd. Biol. t. 1 1970. − Noël 1968. − Noter-Léc. 1912. − Nysten 1814-20. − Plais.-Caill. 1958 et s.v. argilifère. − Pough Index 1969. − Privat-Foc. 1870. − Uv.-Chapman 1956. − Vinc. 1910. |