| ARDOISE, subst. fém. A.− Schiste argileux, de couleurs diverses, qui se divise en feuillets minces et qu'on utilise à divers usages (principalement couverture des maisons, revêtement de sols, tablettes, crayons, etc.) : 1. C'est une de ces places trapèzes autour desquelles tous les styles et tous les caprices de l'architecture bourgeoise au Moyen Âge et à la Renaissance se dressent représentés par des maisons modèles où, selon l'époque et le goût, l'ornementation a tout employé avec un à-propos prodigieux, l'ardoise comme la pierre, le plomb, comme le bois.
Hugo, Le Rhin,1842, p. 254. 2. Des colonnes torses, d'ardoise noire, supportent une architecture historiée, de la même pierre que l'encadrement.
T'Serstevens, L'Itinéraire espagnol,1933, p. 42. B.− P. ext. 1. (Surtout au plur.). Plaques d'ardoise qui servent à couvrir les toits : 3. Sur l'ardoise et la tuile de nos toits, nous voyons l'action de l'air et de la pluie faire éclore des moisissures, des mousses, des lichens; ...
Cabanis, Rapports du physique et du moral de l'homme, t. 2, 1808, p. 243. 4. Automne. Cinq heures du soir. Lutte silencieuse et lente du soleil et de l'ombre. L'ombre gagne. Les arbres en ont jusqu'à la taille; leur cime reste dans la lumière. En haut du pré, les bœufs éclatent de blancheur. Ardoises violettes, tuiles roses ou rouges.
Renard, Journal,1906, p. 1076. 2. Tablette d'ardoise sur laquelle écrivaient les écoliers : 5. Mademoiselle Lefort, m'ayant donné une ardoise avec un crayon, me fit asseoir...
A. France, Le Livre de mon ami,1885, p. 114. 3. Couleur de l'ardoise (gris très foncé, la couleur ordinaire de l'ardoise) : 6. Le vendredi matin, quand le jour a paru, j'ai été faire un tour de jardin. Il avait plu, les oiseaux commençaient à chanter et de grands nuages ardoise couraient dans le ciel.
Flaubert, Correspondance,1852, p. 467. C.− Arg. et pop. 1. Avoir l'ardoise. ,,Avoir crédit chez le mastroquet, l'habitude chez les marchands de vins étant de marquer les comptes sur une ardoise.`` (France 1907). Avoir une ardoise chez un commerçant (pop., vieilli). Avoir du crédit (et des dettes) chez lui : 7. Il devait avoir des ardoises chez tous les « boucs » du quartier, non seulement aux « Grandes émeutes », au môme Naguère, mais encore aux « Mousquetons » et même à la Brasserie Vigogne rue des Blancs-Manteaux...
Céline, Mort à crédit,1936, p. 452. 2. SP., néol. Ardoise (l'). ,,Le tableau d'honneur où figure au jour le jour le nouveau vainqueur du maillot jaune`` (Sandry-Carr. Cycl. 1963). 3. Prendre une ardoise à l'eau. Uriner (l'ardoise désigne, p. méton., l'urinoir). (Cf. Sandry-Carr. 1963). 4. Arg., p. métaph. Couvre-chef (cf. tuile); p. ext. tête. Se fourrer dans l'ardoise que ... Se mettre dans la tête que ... (cf. L. Rigaud, L'Arg. anc. et mod., 1878, p. 13). PRONONC. : [aʀdwa:z]. Seul Dub. écrit : aʀdwɑ:z. Cf. de même DG : àr-dwáz. Enq. : /aʀdwaz/. ÉTYMOL. ET HIST. − 1. a) Fin xiies. « schiste utilisé surtout pour la couverture des toits » (Chr. de Troyes, Perceval, 2966 ds Gdf. Compl. : Vers un palais covert d'ardoise); d'où b) fin xiiies. « feuille découpée dans cette matière » (Richard le beau, 2389 ds Gdf. Compl.); 2. 1379 « morceau d'ardoise sur lequel on écrit » (Invent. de Charl. V, ap. Laborde ds Gdf. Compl. : Une ardoise en un estuy de cuivre); 3. 1852 « couleur », supra ex. 6); 4. 1868 29 nov. « compte ouvert dans un lieu public, chez un marchand » (A. Villemot, Le Temps, feuilleton ds Littré : L'aspirant était un ancien acteur... on prétendait qu'il avait une ardoise au café voisin).
D'un lat. vulg. *ardesia appartenant en propre au nord de la France (au sud prévaut un type *lausa, v. FEW t. 1, p. 132b, 133aet t. 5 p. 211 et sqq.), peut-être dér. d'un gaul. *ard(u)-« haut, élevé » que l'on trouve dans Ardu-enna « Ardennes » (FEW t. 1, loc. cit.; EWFS2; Dottin, p. 112; IEW, 339; Holder), région où sont exploitées des carrières d'ardoise (Gay; Lar. Comm. 1930); l'étymol. proposée par Men. 1750, ardoise réduction de ardenoise « pierre ardenoise », bien que peu probable du point de vue morphol., semble reposer sur une tradition qui situe l'orig. du mot dans cette région. STAT. − Fréq. abs. littér. : 485. Fréq. rel. littér. : xixes. : a) 598, b) 881; xxes. : a) 862, b) 561. BBG. − Ac. Gastr. 1962. − Bach.-Dez. 1882. − Barb.-Cad. 1963. − Baulig 1956. − Bouillet 1859. − Brard 1838. − Chabat 1881. − Chesn. 1857. − Comm. t. 1 1837. − Delorme 1962. − Duval 1959. − Encyclop. méthod. Mécan. t. 1 1782. − Esn. 1966. − France 1907. − Gay t. 1 1967 [1887]. − George 1970. − Gruss 1952. − Jossier 1881. − Laborde 1872. − Larch. Suppl. 1880. − Lar. comm. 1930. − Lar. mén. 1926. − La Rue 1954. − Mont. 1967. − Noël 1968. − Plais.-Caill. 1958. − Pough Index 1969. − Privat-Foc. 1870. − Sandry-Carr. 1963. − Sandry-Carr. Cycl. 1963. − Uv.-Chapman 1956. − Viollet 1875. − Wexler (P. J.). Pour l'ét. du vocab. des vaudevilles. In : [Mél. Cohen (M.)]. The Hague-Paris, 1970, p. 209. |