| ARDEUR, subst. fém. A.− Chaleur très vive. L'ardeur du feu : 1. ... plus loin de jeunes garçons, les bras attachés ensemble, s'essayoient à qui supporteroit plus long-temps l'ardeur d'un charbon enflammé; ...
Chateaubriand, Les Natchez,1826, p. 111. 2. La chaleur humide de ce printemps faisait souhaiter les ardeurs de l'été.
Camus, La Peste,1947, p. 1239. SYNT. Ardeur brûlante; ardeur du brasier, de la canicule, de la flamme, du soleil. − MÉD. Sentiment de chaleur ressenti lors de certaines maladies : 3. J'avais à peine la force de parler, madame la Comtesse, et les larmes inondaient mon visage. Il m'a tendu sa main brûlante de l'ardeur de la fièvre, et m'a dit : Je suis touché de vos sentimens.
Sénac de Meilhan, L'Émigré,1797, p. 1663. SYNT. Ardeur fiévreuse; ardeur de la soif. ♦ Ardeur d'estomac. Pyrosis. ♦ Ardeur d'urine. ,,Sentiment de chaleur ardente que l'on éprouve, dans certaines maladies, au col de la vessie ou dans le canal de l'urèthre, lors de l'émission de l'urine.`` (Littré-Robin 1865). − VÉTÉR. (méd.). Ardeurs. Maladies prurigineuses de la peau du cheval. B.− Au fig. 1. Vivacité ou vigueur que l'on apporte à faire quelque chose : 4. Il est impossible de ne pas apercevoir un fond de mélancolie chez les femmes écossaises. Cette mélancolie est surtout séduisante au bal où elle donne un singulier piquant à l'ardeur et à l'extrême empressement avec lesquels elles sautent leurs danses nationales.
Stendhal, De l'Amour,1822, p. 158. 5. Moins il venait de notables, moins de notables avaient envie de venir. Quelques-uns, pourtant, furent tout de suite à mes côtés et apportèrent aux devoirs qu'ils assumaient à l'improviste une ardeur et une activité grâce auxquelles, en dépit de tout, le navire prit et tint la mer.
De Gaulle, Mémoires de guerre,1954, p. 84. 6. Je voulais rester au cours Désir et pourtant je ne m'y plaisais plus. Je continuai à travailler avec ardeur, mais ma conduite s'altéra. La directrice des classes supérieures, Mademoiselle Lejeune, une grande femme sèche et vive à la parole facile m'en imposait; mais je me moquais avec Zaza et quelques camarades des ridicules de nos autres professeurs.
S. de Beauvoir, Mémoires d'une jeune fille rangée,1958, p. 124. SYNT. Ardeur agressive, batailleuse, belliqueuse, conquérante, créatrice, extrême, furieuse, guerrière, juvénile, patriotique, religieuse, sauvage; une âpre, belle, excessive, généreuse, infatigable, noble, nouvelle ardeur; ardeur de l'adolescence, de l'âge, de la discussion, de la jeunesse, de la poursuite; ardeur au combat, au travail. 2. Ardeur de + subst. ou inf., ardeur à + subst. ou inf. et plus rarement ardeur pour + subst. ou inf.Désir violent de quelque chose : 7. L'ardeur du butin était si grande, surtout parmi les Bretons, qu'en ce moment tout leur désir était de traiter de la même sorte la riche ville de Bruges.
Barante, Hist. des ducs de Bourgogne,t. 1, 1821-24, p. 266. 3. Passion − Fréquemment au plur. Passion amoureuse, désir. Il lui cachait son ardeur; il n'avait plus pour elle ces ardeurs insensées (Ac.1835-1932) : 8. ... cependant ces symptômes disparaissent; mais ils laissent après eux ce feu dévorant que la nature a allumé, et que le plaisir seul peut éteindre. Victime d'un besoin qu'elle ignore, une secrète ardeur la consume; à des jours inquiets, succèdent des nuits plus agitées encore; ...
Laclos, De l'Éducation des femmes,1803, p. 439. 9. Car elle [Geneviève] se montra finalement cruelle aux ardeurs qu'elle avait attisées. Ardeurs d'autant plus dangereuses qu'elles avaient embrasé un homme rude, plein de bonne foi et d'un tempérament téméraire.
Bosco, Le Mas Théotime,1945, p. 33. 10. ... alors j'ai la ressource de fourrager en pensée dans les nichons de Gerty; je peux même, de longues heures durant, entretenir en moi cette volonté formelle de ne pas les fourrager qu'en pensée, et de les peloter réellement, ce soir, au nom de Dieu qui créa la beauté, et l'ardeur des mâles, et le besoin de viol des femelles, ce soir, à la première occasion, quand elle sera en train de vérifier les épingles de mon bandage.
Abellio, Heureux les pacifiques,1946, p. 307. − [Dans le lang. des mystiques] :
11. ... que le cœur humain puisse battre pour son prochain d'une charité véritable : ceci paraît à bien des gens que je connais simplement impossible, − et presque monstrueux. (...). N'est-ce pas un fait positif que, depuis vingt siècles, des milliers de mystiques ont puisé à sa flamme des ardeurs tellement passionnées qu'elles laissent loin derrière elles, en éclat et en pureté, les élans et les dévotions de n'importe quel amour humain?
Teilhard de Chardin, Le Phénomène hum.,1955, p. 329. ♦ Ardeur des sens, du tempérament. Propension aux plaisirs de l'amour. SYNT. Ardeur charnelle, sensuelle, voluptueuse. 4. [En parlant d'un animal] Activité, fougue : 12. Ce sont des râles, des cris gutturaux, comme ceux qu'on pousse à la chasse pour exciter l'ardeur des chiens.
T'Serstevens, L'Itinéraire espagnol,1933, p. 153. 5. MAR. ,,Qualité d'un bateau ardent`` (Soé-Dup. 1906) : 13. L'ardeur ou la mollesse d'un bateau peuvent dans certaines limites se corriger par une meilleure disposition de ses voiles. On rend un bateau plus ardent en bordant davantage les voiles d'arrière. Il devient au contraire moins ardent en bordant davantage les focs.
Soé-Dup.1906. C.− Ardeurs. Anges occupant un certain rang dans la hiérarchie céleste. (Attesté ds Littré) : 14. Les puissances célestes les plus sublimes (...) toutes ces hautes Ardeurs ne pourroient cependant entrer dans les espaces du Père sans être anéanties...
Chateaubriand, Fragments du Génie du Christianisme primitif,1800, pp. 231-32. Rem. ,,Les poètes disent ardeur au singulier et au pluriel, pour dire amour. (...). Au propre, on le met au pluriel dans les phrases suivantes : Les ardeurs du soleil, les ardeurs de la canicule, les ardeurs de l'été.`` (Lav. Diffic. 1846). Les ex. attestent que cet emploi se rencontre également au singulier. PRONONC. : [aʀdœ:ʀ]. ÉTYMOL. ET HIST. − 1. 1120-50 « chaleur brûlante » (Gd mal fit Adam, éd. H. Suchier, I, 105 ds T.-L. : Senz repos ardor aux enfers); 2. au fig. a) 1170-91 « désir charnel » (Béroul, Tristan, éd. E. Muret, 1195, ibid. : Sire, en nos les lépreux a si grant ardor, Soz ciel n'a dame qui un jor Pëust sofrir nostre convers); b) 1203 « passion amoureuse » (Chastelain de Coucy, éd. Crapelet, 239, ibid. : Moult souvent souspiroit d'ardour); c) mil. xives. « désir violent » (Li Batard de Bouillon, éd. A. Scheler, Bruxelles 1877, 170, ibid. : de combattre as Turs avoient grant ardour). Rem. Nombreuses attest. au masc., au xvies. (Hug.).
Empr. au lat. ardor attesté dep. Accius au sens 1 (Trag. 581 ds TLL s.v., 489, 48); dep. Lucrèce au sens 2 b (4, 1086 ds OLD, I, 165) et dep. Cicéron au sens 2 c (Orat., 108, ibid.). STAT. − Fréq. abs. littér. : 2 815. Fréq. rel. littér. : xixes. : a) 4 953, b) 3 675; xxes. : a) 4 269, b) 3 207. BBG. − Bruant 1901. − Goug. Mots t. 2 1966, p. 20. − Lacr. 1963. − Lew. 1960, p. 170. − Littré-Robin 1865. − Noter-Léc. 1912. − Nysten 1824. − Sexol. 1970. − Soé-Dup. 1906. |