| ARCHITECTE, subst. masc. Personne qui exerce l'art de l'architecture : 1. Qu'il t'est facile à toi, dans le silence du cabinet, de tracer d'une main légère une ligne mince et pure comme un cheveu sur ce papier blanc! Qu'il t'est facile de bâtir des palais et des villes avec ce petit compas et un peu d'encre! Mais l'architecte, qui a dans son pupitre des milliers de plans admirables, ne peut soulever de terre le premier pavé de son édifice, quand il vient se mettre à l'ouvrage avec son dos voûté et ses idées obstinées.
Musset, Lorenzaccio,1834, II, 1, p. 123. 2. L'aspect du Parthénon fait apparaître, plus que l'histoire, la grandeur colossale d'un peuple. Périclès ne doit pas mourir! Quelle civilisation surhumaine que celle qui a trouvé un grand homme pour ordonner, un architecte pour concevoir, un sculpteur pour décorer, des statuaires pour exécuter, des ouvriers pour tailler, un peuple pour solder, et des yeux pour comprendre et admirer un pareil édifice?
Lamartine, Voyage en Orient,t. 1, 1835, p. 139. A.− BÂT. Architecte de l'État, du gouvernement, du département, de la ville. Technicien chargé de la construction, de l'entretien, de la réparation des édifices appartenant à l'État, au département ou à la commune. Architecte naval. ,,Ingénieur de constructions navales chargé de l'étude complète d'un bâtiment...`` (Mét. 1955). Architecte(-)paysagiste. Ingénieur agronome, ou agricole, parfois architecte, spécialisé dans la conception des jardins d'agrément; synon. vieilli architecte de jardins. B.− P. ext. 1. Toute personne qui construit quelque chose : 3. ... un omnibus, hissé gaîment à force de bras tout au sommet de l'entassement, comme si les architectes de cette sauvagerie eussent voulu ajouter la gaminerie à l'épouvante, offrait son timon dételé à on ne sait quels chevaux de l'air.
Hugo, Les Misérables,t. 2, 1862, p. 410. − Spéc. L'Architecte (de l'univers), le grand Architecte (de l'univers), l'Architecte du (des) monde(s), des cieux, l'éternel Architecte, l'Architecte divin, suprême. Dieu, en tant que créateur de toute chose : 4. L'Éternel est son nom, le monde est son ouvrage. (...) les philosophes de l'Antiquité (...) appelaient Dieu le grand Architecte de l'univers. C'est qu'en effet l'univers porte le signe éclatant de son impuissance personnelle, s'il est permis de parler ainsi, et ceux-là même qui ne s'élèvent pas jusqu'à l'idée de sa création, y discernent pourtant la main de l'artiste qui l'a touché et construit.
Lacordaire, Conf. de Notre-Dame,1848, p. 65. − En partic. a) Dans les religions anciennes : 5. ... les Égyptiens, regardant le soleil comme un grand dieu, architecte et modérateur de l'univers, expliquaient non-seulement la fable d'Osiris, mais encore toutes leurs fables religieuses généralement par les astres et par le jeu de leurs mouvemens, ...
Dupuis, Abr. de l'Orig. de tous les cultes,1796, p. 13. b) FRANC-MAÇONN. Le grand Architecte (de l'univers). Nom sous lequel les loges maçonniques désignent Dieu. ,,Les rituels de la Maçonnerie ordinaire parlent d'un Dieu qu'on décore du nom de Grand Architecte de l'Univers. Dans la Haute-Maçonnerie palladique et luciférienne, ce grand architecte est Satan ou Lucifer. Enfin, pour les parfaits initiés, il est un dieu subordonné à Lucifer, dieu créateur. C'est la génération divinisée, le Phallus.`` (Margiotta, Le Palladisme, p. 93 ds Tondr.-Vill. 1968). 2. P. anal. [En parlant d'un animal qui montre ingéniosité, méthode et habileté dans la construction de son habitation] :
6. Une énorme fourmilière s'élevait tout auprès de la tête du paysan. Son bâton n'avait pas voulu la démolir, pour ne pas détruire une ville laborieusement bâtie par ces petits architectes du bon Dieu, comme il me le dit après.
Lamartine, Le Tailleur de pierre de Saint-Point,1851, p. 418. − P. compar. Se dit par exemple des éléments qui modèlent le relief : 7. ... le travail des eaux primitives a tout fait ici comme dans les autres vallons, (...) la pluie, la neige, les Gaves ou torrents, sont les véritables architectes de tout ce que nous y avons admiré.
Dusaulx, Voyage à Barège,1796, t. 2, p. 166. C.− Au fig. ou p. métaph. Personne (écrivain, savant, etc.) qui édifie, à partir d'éléments organisés suivant un plan déterminé, de vastes ensembles structurés : 8. Hugo m'a dit que bien des personnes voyaient en moi un très audacieux architecte et que la Comédie humaine avait toutes les proportions d'un grand monument, ainsi, du moment où les lacunes nuisaient à la vente, je m'y suis mis avec intrépidité, ...
Balzac, Correspondance,1844, p. 664. 9. De tout temps, les systèmes ont été plus ou moins ambitieux et instinctivement orgueilleux; aussi voit-on souvent les hommes systématiques se placer au-dessus des expérimentateurs. On les entend fréquemment accuser les expérimentateurs de se perdre dans le détail des faits, tandis que, eux, généralisent et construisent. Ils seraient en un mot les architectes de la science tandis que les expérimentateurs n'en seraient que les maçons.
C. Bernard, Principes de méd. exp.,1878, p. 192. − Personne qui prend une part active à l'édification de quelque chose (vaste œuvre collective, importante entreprise individuelle, etc.) : 10. ... nous royalistes, nous quelque peu architectes de l'édifice royal, qu'avons-nous besoin de ces colonnes tremblantes pour soutenir notre ouvrage?
Mmede Chateaubriand, Mémoires et lettres,1847, p. 139. 11. Tout ce qu'il avait échafaudé aboutissait à cette embûche. Il était l'architecte laborieux de sa catastrophe.
Hugo, Les Travailleurs de la mer,1866, p. 217. 12. le lieutenant. − ... Je crois donc que la première différence entre le grand homme et l'homme du commun, c'est que le grand connaît sa puissance et sait qu'il peut inventer l'avenir. Devant cet abîme obscur dont nous parlions, il esquisse le plan de ce qui sera. Il jette des passerelles; il réunit des matériaux; il est l'architecte de sa vie et de celle des autres.
Maurois, Dialogues sur le commandement,1924, p. 19. − [En parlant de choses abstr. personnifiées, p. ex. de l'imagination, faculté créatrice, constructive] :
13. Comment s'est-il évanoui, cet édifice de bonheur, dont une imagination exaltée avoit été l'amoureux architecte, semblable à ces palais de nuages que dore quelques instans un soleil prêt à s'éteindre?
Chateaubriand, Génie du Christianisme,t. 1, 1810, p. 376. Rem. Peut s'employer except. comme adj. : 14. Je songe aller à Londres. Ma filandreuse journée a inventé ça et j'irai tantôt. C'est stupide évidemment : mieux vaudrait revenir d'avance aux recherches sur la nature de l'espace et des directions, aux rêveries architectes de construire les immenses villes et les parcs, aux mouvements et aux nombres d'une Manche sabouleuse et mécanique...
Valéry, Correspondance[avec Gide], 1890-1942, p. 203. PRONONC. ET ORTH. : [aʀ
ʃitεkt]. Fér. Crit. t. 1 1787 écrit architècte. ÉTYMOL. ET HIST. − 1. 1510 « personne qui, par profession, trace les plans d'un édifice et en contrôle la construction » (J. Le Maire,
Œuvres, IV, 397, Stecher d'apr. Delboulle ds R. Hist. litt. Fr. t. 2, pp. 259-260 : Simple ouvrier et architecte que je suis); 2. 1546 p. ext. « personne ou entité qui élabore qqc. » (Rabelais, Le Tiers Livre, éd. crit. commentée par Screech, Genève [1964] p. 225 : Quand vous oirez dire de quelqu'un ces trois motz : « Il est marié », si vous dictez : « Il est doncques, ou a esté, ou sera, ou peult estre coqu », vous ne serez dict imperit architecte de consequences naturelles); en partic. 1572 grand architecteur, souverain architecte « Dieu » (Ambroise Paré, Introduction à la connoissance de la Chirurgie, préface ds Dict. hist. Ac. fr.).
Empr. au lat. architectus (dep. Plaute, Truc. prol., 3 ds TLL s.v., 465, 37) sens propre, Vitruve, 1, 1, 1, ibid., 465, 19; fig., Cicéron, Epist., 9, 2, 5, ibid., 466, 13. Influence probable de l'ital. architetto « id. » (Wind, p. 50) lui-même empr. au lat. est attesté au sens 2 dep. la 2emoitié du xives. (Pétrarque, I Trionfi in Le rime sparse e i trion fi [1352-1374] IV, 2, 60 ds Batt.); au sens 1 seulement dep. le 1erquart du xvies. (Arioste, Le Roland Furieux [1516-1521] 34-53 ds Batt.); influence d'ouvrages théoriques ital. tels que : Opere d'Architettura e Prospettiva de Sebastiano Serlio [né à Bologne en 1475, mort à Lyon ou à Fontainebleau en 1555] traduit en fr. par Jean Martin sous le titre : Le premier livre d'architecture en 1545. Dès Tertullien, architectus a désigné le Saint-Esprit (R. Braun, « Deus christianorum », recherches sur le vocab. doctrinal de Tertullien, Paris, 1962, p. 387). STAT. − Fréq. abs. littér. : 1 077. Fréq. rel. littér. : xixes. : a) 1 564, b) 1 381; xxes. : a) 2 014, b) 1 293. BBG. − Archéol. chrét. 1924. − Bach.-Dez. 1882. − Bailly-Roche 1967. − Bible 1912. − Blanche 1857. − Bouillet 1859. − Chabat 1881. − Gay t. 1 1967 [1887] (s.v. architecteur). − Giteau 1970. − Goug. Lang. pop. 1929, p. 79. − Jossier 1881. − Laborde 1872. − Laurent (P.). Contribution à l'hist. du lex. fr. Romania. 1925, t. 51, p. 34. − Lemeunier 1969. − Le Roux 1752. − Mét. 1955. − Morreale (M.). Apuntes para la historia del termino arquitecto. Hispanic review. 1959, t. 27, pp. 123-136. − Noël 1968. − Réau-Rond. 1951. − Réau-Rond. Suppl. 1962. − Tondr.-Vill. 1968. − Viollet 1875. − Wind 1928, p. 50. |