| AQUILON, subst. masc. A.− Littér. et poét. 1. Vent du nord, et plus gén. tout vent violent, froid et orageux. La violence des aquilons, l'orageux aquilon : 1. Ainsi, les oiseaux du nord sont la manne des aquilons, comme les rossignols sont les dons des zéphyrs : de quelque point de l'horizon que le vent souffle, il nous apporte un présent de la providence.
Chateaubriand, Génie du Christianisme,t. 1, 1803, p. 185. − Personnifié : 2. L'Éther n'est pas toujours du Zéphyr rafraîchi,
De violente ardeur l'Été le brûle aussi,
L'hirondelle le quitte, et les plaintives grues,
Compagnes du Notus, y ramènent les nues,
Et l'Aquilon cruel y sème les frimas;
Puis encor les Saisons reviennent sur leurs pas.
Moréas, Sylves,À Ernest Raynaud, 1896, p. 227. − P. méton. Le nord : 3. J'écoutai le Seigneur, j'obéis et je dis :
Esprit, soufflez sur eux du couchant, de l'aurore;
Soufflez de l'aquilon, soufflez! ...
Lamartine, Méditations,La Poésie sacrée, 1820, p. 265. 2. P. métaph. Circonstance ou manifestation violente et pénible : 4. ... je me propose de faire pour elle un choix de lectures, d'occupations et de soigner de loin le moral; c'est une plante rare à cultiver, à développer, à préserver du souffle des aquilons.
Maine de Biran, Journal,1818, p. 158. 5. Il parlait, avec un redoublement d'âcreté, de l'Empire, de cette mystification insolente, et de l'immense ruine que la hauteur de l'échafaudage préparait. D'ordinaire, quand le marquis s'échappait de ce côté, je courbais la tête à son aquilon, et respectais, sans essayer de l'entamer, cette conviction orageuse où tournoyait une âme inexpugnable.
Sainte-Beuve, Volupté,t. 2, 1834, p. 110. − [P. allus. au vers. de la fable de La Fontaine, Le chêne et le roseau : ,,Tout vous est aquilon...``] :
6. Je crois que le cœur ne vieillit pas; il y a même des gens chez qui il augmente avec l'âge. J'étais plus sec et plus âpre il y a vingt ans. Je me suis féminisé et attendri par l'usure, comme d'autres se racornissent, et cela m'indigne. Je sens que je deviens vache, il ne faut rien pour m'émouvoir; tout me trouble et m'agite, tout m'est aquilon comme un roseau.
Flaubert, Correspondance,1867, p. 271. Rem. On trouve chez Hugo la périphrase ,,oiseaux aquilons`` pour désigner les aigles : 7. Autour de lui [Satan] planaient les oiseaux aquilons.
Hugo, La Fin de Satan,Hors de la Terre, 1885, p. 771. B.− Emploi techn., HÉRALD. Figure héraldique représentant une tête d'enfant joufflu qui semble souffler avec violence. Les aquilons sont très-rares en armoiries (Grandm.1852). PRONONC. : [akilɔ
̃]. Pour la prononc. par [ki] du groupe qu + i dans ce mot, cf. aquilin. ÉTYMOL. ET HIST. − 1. Début xiies. « vent du nord » (Psautier Oxford, éd. Fr. Michel, 88, 12 ds T.-L. : aquilon e la mer tu crias [aquilonem et mare tu creasti]); 2. ca 1170 « le nord, point cardinal » (Rois, 399 ds Gdf. Compl. : vers aquilun).
Empr. au lat. aquilo, -onis, au sens 1 dep. Ennius, Ann., 489 ds TLL s.v., 376, 35; au sens 2 dep. Varron, Rust., 1, 59, 1, ibid., 277, 19. STAT. − Fréq. abs. littér. : 178. BBG. − Bible 1912. − Chass. 1970. − Dainv. 1964. − Goug. Mots t. 1 1962, pp. 49-50. − Grandm. 1852. − Jal 1848. − Marcel 1938. |