| APPRÊTER, verbe trans. I.− Emploi trans. Préparer. A.− [Le compl. désigne une pers., ou un de ses attributs] Préparer attentivement en vue d'une décision, d'un événement imminent; spéc., arranger soigneusement la toilette de quelqu'un : 1. Le dimanche, maman m'apprêtait pour aller à la messe. J'avais de très beaux gants mais des souliers qui me blessaient.
Chardonne, Romanesques,1937, p. 123. − Au fig. Arranger par artifice : 2. ... des mères nobles, de vieilles dames avec boudins flageolant sous leurs brides (...) apprêtaient sur le seuil leurs mines contrites et préparaient leurs larmes.
Huysmans, En ménage,1881, p. 123. − Vx. Apprêter à rire; disposer (les autres) à rire : 3. Je défie qu'on trouve dans mon livre cette ligne vide de sens; elle sort du cerveau de M. Guizot, et s'il la donne pour apprêter à rire, c'est donc de lui qu'on doit rire.
Fourier, Le Nouv. monde. industr.,1830, p. 35. B.− [Le compl. désigne une chose concr.] Faire subir une préparation à une chose en vue de son usage prochain. 1. En gén. : 4. D'autres fois, mettant à profit la malléabilité du limon humide qui revêt la grotte, le paléolithique y laisse errer l'extrémité de ses doigts; il advient qu'il les trempe aussi dans la couleur, apprêtée sans doute pour les fards, ...
Huyghe, Dialogue avec le visible,1955, p. 107. − En partic. Préparer (un repas); accommoder (un mets). Apprêter les escalopes à la crème (Ambrière, Les Grandes vacances,1946, p. 14): 5. Passer ma vie à tes pieds, te servir comme ton esclave, apprêter ton repas et ta couche, dans quelque coin ignoré de l'univers, eût été pour moi le bonheur suprême : ...
Chateaubriand, Génie du Christianisme,t. 2, 1803, p. 242. − Emploi abs. Ce cuisinier apprête bien (à manger). (Cf. Ac. 1835-1932). 2. TECHNOL. Donner l'apprêt (à un cuir, à une étoffe, etc.). (Cf. apprêt B 2 c) : 6. ... Mais moi,
La Haine, chaque jour, me tuyaute et m'apprête
La fraise dont l'empois force à lever la tête;
Chaque ennemi de plus est un nouveau godron
Qui m'ajoute une gêne, et m'ajoute un rayon :
...
E. Rostand, Cyrano de Bergerac,1898, II, 8, p. 94. Rem. ,,Chez les potiers d'étain, limer la pièce pour la rendre plus facile à tourner`` (Lar. 19e, Nouv. Lar. ill.); d'où le dér. apprêtoir, subst. masc., ,,sorte de selle dont fait usage celui qui fabrique de la vaisselle d'étain`` (Chesn. 1857; attesté ds Ac. Compl. 1842, Besch. 1845, Lar. 19e, etc.). II.− Emploi pronom. S'apprêter.Se préparer soigneusement en vue d'une chose imminente. A.− Emploi abs. [Avec ou sans compl. circ.] S'apprêter (pour). 1. Emploi réfl. [Le suj. désigne une pers.] Se préparer soigneusement, prendre ses dispositions en vue d'une action imminente; spéc., s'équiper, s'habiller. S'apprêter pour la bataille, pour le bal : 7. − En attendant, vicomte, comme il nous faut toujours sept ou huit heures pour arriver là-bas, soyez exact.
− Soyez tranquille, je n'ai rien d'autre à faire d'ici là que de m'apprêter.
A. Dumas Père, Le Comte de Monte-Cristo,t. 2, 1846, p. 379. 8. L'heure de la fuite, il le comprit, était passée pour lui, et il s'apprêta pour le combat.
Ponson du Terrail, Rocambole,L'Héritage mystérieux, t. 1, 1859, p. 597. 9. − Électre, le roi t'ordonne de t'apprêter pour la cérémonie. Tu mettras ta robe noire et tes bijoux.
Sartre, Les Mouches,1943, I, 5, p. 33. − Au fig., péj. Préparer méticuleusement ses dispositions intérieures. Anton. être spontané : 10. Il faudra continuer à ne communiquer avec toi que par correspondance, c'est-à-dire renoncer au contact direct, à l'échange immédiat des pensées et des sensations et presque involontairement apprêter mes idées, les composer au lieu de te les livrer vivantes et tressaillantes encore.
J. Rivière, Correspondance[avec Alain-Fournier], 1905, p. 161. 2. Emploi pronom. passif. [Le suj. désigne un inanimé concr. ou abstr.] Être en cours de préparation en vue de quelque chose d'imminent : 11. C'est une heure charmante, en voyage, que celle du soir, lorsque, dans une contrée solitaire et sauvage, on erre doucement, à l'aventure, sans autre soin que de voir ce qui se présente, que de converser avec le passant, que d'amener à point un appétit que la marche a déjà aiguisé, et que le repas qui s'apprête va bientôt satisfaire.
Toepffer, Nouvelles genevoises,1839, p. 334. 12. judith. − Pourquoi à nous deux? Pourquoi ce cri de combat?
le garde. − Parce que le combat s'apprête, ma fille...
Giraudoux, Judith,1931, III, 7, p. 234. Rem. Apprêter, préparer, disposer : ,,On apprête pour faire ce qu'on va faire; on prépare pour être en état de faire ce qu'on doit faire (...). (...) Il y a dans le mot apprêter une idée d'industrie et de recherche; dans le mot préparer une idée de prévoyance et de diligence...`` (Guizot 1864). B.− S'apprêter à.Se préparer à. 1. [Suivi d'un inf.] :
13. Une garnison nombreuse, commandée par le sire Jean de Luxembourg, fut mise dans Arras. On en fit sortir les femmes, les enfans et les bouches inutiles; on brûla d'avance les faubourgs; enfin l'on s'apprêta à soutenir un terrible siège.
Barante, Hist. des ducs de Bourgogne,t. 4, 1824, p. 8. 14. Un soir, Lecouvreur s'apprêtait à fermer boutique, quand un homme franchit le seuil.
Dabit, L'Hôtel du Nord,1929, p. 100. 2. [Le compl. est un subst. d'action] :
15. ... plein de courage et de confiance, il s'apprêtait à un combat dont l'issue ne lui paraissait pas douteuse.
Karr, Sous les tilleuls,1832, p. 51. 16. La vertu (...) semble se rapprocher du devenir en s'apprêtant à la mort, ...
Vuillemin, Essai sur la signification de la mort,1949, p. 230. Rem. Ds les deux derniers ex. on voit le sens du verbe s'affaiblir en direction de « s'attendre à », l'idée de préparation (intérieure) restant cependant sous-jacente. PRONONC. : [apʀ
εte], j'apprête [ʒapʀ
εt]. Pt Rob. transcrit la 2esyllabe du verbe par [e] fermé (cf. aussi Fél. 1851). Warn. 1968 donne les 2 possibilités de prononc. Il réserve celle avec [ε] ouvert au lang. soutenu, celle avec [e] fermé au lang. cour. Les dict., de Fér. 1768 à Littré, notent la 2esyllabe longue. ÉTYMOL. ET HIST. − 1. a) 980 aprester « préparer, rendre prêt pour un usage prochain » (Passion de Clermont, 24, éd. D. S. Avalle : ben li aprestunt o ss'assis); ca 1120 spéc. « préparer les mets » (Psautier Oxford, éd. F. Michel, 64, 10 ds T.-L.); b) 1539 absolu s'apprester « faire des préparatifs de toilette » (Estienne, Dict. fr.-lat.); 2. 1694 technol. « soumettre à un apprêt » (Ac. : Un conroyeur qui appreste du cuir. Un chapelier qui appreste un chapeau).
Dér. du rad. de l'adv. lat. praesto « sous la main, à la disposition de » (v. prêt), prob. par l'intermédiaire du lat. médiév. *appraestare. STAT. − Fréq. abs. littér. : 1 020. Fréq. rel. littér. : xixes. : a) 1 180, b) 1 230; xxes. : a) 1 596, b) 1 709. BBG. − Brun 1968. − Cham. 1969. − Chauss. 1969. − Comte-Pern. 1963. − Encyclop. méthod. mécan. t. 1 1782; t. 2 1783. − Gottsch. Redens. 1930, p. 188, 190. − Le Roux 1752. − Michel 1856. − Mots rares 1965. − Noter-Léc. 1912. − Pierreh. Suppl. 1926. − Will. 1831. |