| APPESANTIR, verbe trans. I.− Emploi trans. A.− [Le suj. désigne une chose] Rendre (plus) pesant. 1. [L'obj. désigne un inanimé] Rendre quelque chose plus pesant : 1. Les cartouches de l'ami de Roglin appesantissaient ma poche.
Abellio, Heureux les pacifiques,1946, p. 255. 2. [L'obj. désigne une pers. ou un aspect, une partie de la pers.] a) Rendre lourd, pesant. Le sommeil appesantit les paupières : 2. Le dimanche, aux courses, les tribunes se garnirent de femmes chargées, appesanties de perles, de diamants.
A. France, L'Île des pingouins,1908, p. 413. b) Rendre quelqu'un moins apte à l'exercice de ses facultés : 3. À guetter les bruits du soir jusqu'à l'aube, une torpeur appesantit les membres. Le front est lourd, l'échine endolorie. Lecouvreur se lève cependant.
Dabit, L'Hôtel du Nord,1929, p. 46. SYNT. L'âge appesantit le vieillard, le sommeil appesantit les sens, l'ivresse appesantit les dormeurs, la torpeur appesantit les membres, la fatigue appesantit les membres; la tête appesantie par le travail. − Emploi abs. : 4. Il est essentiel de ne pas laisser le péché séjourner dans mon cœur. Quelque petit qu'il soit, il appesantit; la lumière de la grâce s'éteint.
Dupanloup, Journal intime,1876, p. 57. B.− P. métaph. ou au fig. [Le suj. désigne un être vivant] Faire peser plus lourdement. 1. Style biblique. [En parlant de Dieu] Dieu appesantit sa main, son bras. Dieu inflige un châtiment sévère : 5. Oui, ô Dieu, nous serons fidèles (...) Frappe, appesantis ta main; elle nous sera toujours douce.
Renan, Feuilles détachées,1892, p. 52. 2. [En parlant d'une autorité, de quelque chose de supérieur à l'individu] Rendre plus oppressif : 6. ... les biens du clergé, qui devaient servir à libérer l'État, à soulager le peuple, n'auront servi qu'à vous rendre vos fers, qu'à appesantir sur nos têtes le joug de la servitude et de la misère.
Marat, Les Pamphlets,C'est un beau rêve, gare au réveil, 1790, p. 234. II.− Emploi pronom. A.− [Le suj. désigne un inanimé concr. ou abstr.] 1. S'appesantir.Devenir pesant. Les yeux s'appesantissent. − P. compar. : 7. L'atmosphère, qui s'était allégée pendant la démonstration du petit homme, s'appesantit de nouveau.
G. Roy, Bonheur d'occasion,1945, p. 185. 2. S'appesantir sur qqn ou qqc. a) Peser progressivement sur quelqu'un ou quelque chose. L'âge s'appesantit sur qqn, la nuit s'appesantit sur la plaine : 8. ... un instant après, un bruit de toile froissée parvint aux oreilles de Dantès, le lit cria sur ses ressorts, un pas alourdi comme celui d'un homme qui soulève un fardeau s'appesantit sur la dalle, ...
A. Dumas Père, Le Comte de Monte-Cristo,t. 1, 1846, p. 245. 9. Depuis quelques années il sentait s'appesantir sur lui ce poids de la solitude qui écrase quelquefois les vieux garçons. Jadis, il était fort, alerte et gai, donnant tous ses jours au sport et toutes ses nuits aux fêtes. Maintenant, il s'alourdissait et ne prenait plus plaisir à grand'chose. Les exercices le fatiguaient, les soupers et même les dîners lui faisaient mal, les femmes l'ennuyaient autant qu'elles l'avaient autrefois amusé.
Maupassant, Contes et nouvelles,t. 2, Duchoux, 1887, p. 698. b) Péj. Tomber lourdement et brutalement sur quelqu'un, l'accabler. Un malheur, le sort s'appesantit sur qqn. − Style biblique. [En parlant de la « main » de Dieu, de la colère divine] Infliger un lourd châtiment. Le bras, la main, la colère de Dieu s'appesantit sur le pécheur : 10. Alors il dit que Dieu lui avait révélé que si les aides n'étaient point abolies, sa main s'appesantirait sur le roi; qu'il le punirait en sa personne, et le priverait de toute postérité.
Barante, Hist. des ducs de Bourgogne,t. 1, 1821-24, p. 351. B.− [Le suj. désigne une pers.] 1. S'appesantir.Devenir moins apte à l'exercice de ses facultés : 11. Son mari, au contraire, s'appesantissait; le guignon l'engraissait, le rendait plus épais et plus mou. Ces trente années de lutte ne les menèrent cependant pas à la ruine.
Zola, La Fortune des Rougon,1871, p. 59. 2. S'appesantir sur qqc. a) Physiquement, rare. Se laisser aller pesamment : 12. Et, pour clore ce défilé, comme majesté dernière, le baron Gouraud s'appesantissait au soleil, sur les doubles oreillers dont on garnissait sa voiture.
Zola, La Curée,1872, p. 595. b) Intellectuellement, usuel. S'arrêter longuement et lourdement sur quelque chose. S'appesantir sur les détails, sur un sujet : 13. Je dis que, lorsqu'une chose passe mon intelligence, j'ai l'habitude de ne pas m'appesantir sur cette chose et de passer à une autre.
A. Dumas Père, Le Comte de Monte-Cristo,t. 1, 1846, p. 420. 14. J'ai fini cet après-midi par laisser là les corrections, je n'y comprenais plus rien; à force de s'appesantir sur un travail, il vous éblouit; ce qui semble être une faute maintenant, cinq minutes après ne le semble plus; c'est une série de corrections et de recorrections des corrections à n'en plus finir.
Flaubert, Correspondance,1853, p. 263. − Emploi abs. : 15. Qui se hâte a compris; il ne faut point s'appesantir : on trouverait bientôt que les plus clairs discours sont tissus de termes obscurs.
Valéry, Une Soirée avec Monsieur Teste,1895, p. 89. PRONONC. : [apəzɑ
̃ti:ʀ]. Demi-longueur pour [ɑ
̃] ds Passy 1914 et Barbeau-Rodhe 1930. Warn. 1968 admet l'élision de [ə]. ÉTYMOL. ET HIST. − 1. 1119 intrans. apesantir « devenir lourd, pesant » (Ph. de Thaon, Bestiaire, éd. Walberg, 2046 ds T.-L. : quant il [l'aigle] enveillist E s'ele apesantist) − fin xves., O. de St Gelais ds Gdf. Compl.; 2. xiiies. trans. fig. « rendre (qqn) moins apte à l'exercice de ses facultés, l'accabler » (G. de Cambrai, Barlaam et Josaphat, éd. C. Appel, 4725 ds T.-L. : La tristeche k'il a defors, L'ire k'il a dedens le cors, L'apesantist et tient molt coi, Car il redoute molt le roi); ca 1410 « rendre plus lourd à supporter » (J. Legrant, Liv. de bonnes meurs, fo9ads Gdf. Compl. : Par impacience ne faisons synon apesantir nostre mal et languir); 1690 appesantir sa main sur « punir, frapper » (Fur. : Dieu appesantit quelquefois sa main sur les pecheurs); 1690 pronom. fig. s'appesantir sur (La Bruyère, Caract., 5eéd., chap. 1, no39 ds Trév. 1704 : [Théophile de Viau] charge ses descriptions, s'appesantit sur les détails).
Dér. de pesant*; préf. a-1*, dés. -ir. STAT. − Fréq. abs. littér. : 228. Fréq. rel. littér. : xixes. : a) 363, b) 317; xxes. : a) 346, b) 280. |