| APPARTENIR, verbe intrans. I.− Forme pers. Appartenir à. A.− [En parlant d'une chose, d'un animal] Être la propriété de quelqu'un : 1. Quelquefois il chassait à courre, montant une parfaite jument arabe qui appartenait à sa maîtresse, sautant tout et gagnant l'estime des cavaliers les plus exigeants.
Maurois, La Vie de Disraëli,1927, p. 87. 2. Avant l'occupation hollandaise, ces terres appartenaient aux Indiens mohicans.
Morand, New-York,1930, p. 241. − P. ext. [En parlant d'une chose abstr.] Être le propre de : 3. Seule la masse comprend la masse; la communauté de sentiments et de pensées appartient aux gens du commun.
Gide, Journal,1924, p. 794. 4. Le succès de l'action appartient à celui qui joint le maximum d'audace au maximum de préparation.
Mounier, Traité du caractère,1946, p. 426. B.− [Le suj. désigne une pers.] 1. Être au service de quelqu'un, lui être attaché : 5. ... « Nous ne reconnaissons que notre roi, nous ne reconnaissons que notre roi, nous n'appartenons point à la nation, nous ne voulons appartenir qu'à lui » ...
Marat, Les Pamphlets,Nouv. dénonciation contre Necker, 1790, p. 106. − En partic. dans le lang. de l'amour ♦ [En parlant d'une femme] Se donner corps et âme par amour : 6. Il vouloit que Claire lui appartînt; eh! ne s'est-elle pas donnée mille fois à lui dans son cœur?
MmeCottin, Claire d'Albe,1799, p. 175. ♦ Plus rarement. [En parlant d'un homme] :
7. Mais c'était toujours Annette qui surgissait sur la toile. La mère avait disparu, s'était évanouie laissant à sa place cette autre figure qui lui ressemblait étrangement. C'était la petite avec ses cheveux un peu plus clairs, son sourire un peu plus gamin, son air un peu plus moqueur, et il sentait bien qu'il appartenait corps et âme à ce jeune être-là, comme il n'avait jamais appartenu à l'autre, comme une barque qui coule appartient aux vagues!
Maupassant, Fort comme la mort,1889, pp. 294-295. 2. Faire partie organique d'un ensemble. Ce soldat appartient à tel régiment (Ac. 1878-1932) : 8. Il appartient à une très honorable famille, comme tous les voleurs.
Renard, Journal,1897, p. 439. − P. anal. [En parlant d'une chose concr. ou abstr.] Cela n'appartient pas à mon sujet (Ac.1835-1932) : 9. Une des premières étapes de Maxence était le poste d'Aleg, petit fortin crénelé qui couronne une faible hauteur rocheuse. Tout proche du fleuve, il appartient déjà au désert par l'aridité qu'il domine, par cet air de pauvreté fière qui est la marque du Sahara.
Psichari, Le Voyage du Centurion,1914, p. 8. II.− Emploi pronom. S'appartenir. A.− Emploi réciproque. Être l'un à l'autre : 10. Car Élisabeth, comme une amoureuse retarde son plaisir pour attendre celui de l'autre, le doigt sur la gâchette, attendait le spasme mortel de son frère, lui criait de la rejoindre, l'appelait par son nom, guettait la minute splendide où ils s'appartiennent dans la mort.
Cocteau, Les Enfants terribles,1929, p. 189. B.− Emploi pronom. réfl. Être maître de ses actes. Je m'appartiens encore un peu. − [Le plus souvent à la forme négative] :
11. J'ai cru aux mots sacrés qui n'ont pas de sens... J'ai cru qu'on pouvait se donner à un homme jusqu'à ne plus s'appartenir... On reste deux êtres toujours différents... On reste soi-même... Je suis ce que je suis...
Chardonne, L'Épithalame,1921, p. 435. − Ne plus s'appartenir. N'être plus maître de son temps. J'ai tant d'occupations que je ne m'appartiens plus (Ac.1878-1932). III.− Emploi impers. A.− Il appartient à qqn [ou à une fonction, etc., de qqn] de + inf.C'est le privilège ou la fonction de quelqu'un de... : 12. On me dit une nouvelle qui me fait un extrême plaisir. Il appartenait à votre cœur de sentir tout le prix de l'héroïque conduite de notre excellent ami, et de justifier le sort en vous donnant à lui, en assurant ainsi à sa vertu la récompense que Dieu lui permet sur cette terre.
Mmede Staël, Lettres diverses,1793, p. 465. 13. Sans doute quelques réformes, peu à peu, pourront être introduites, tant du côté du juge et de l'interrogatoire, que de celui des jurés... Il ne m'appartient pas ici d'en proposer.
Gide, Souvenirs de la Cour d'assises,1913, p. 619. − Péj. C'est le triste privilège de... : 14. Il appartient aux esprits aveugles de croire que le mal ne se découvre qu'aux misérables qui s'en laissent peu à peu dévorer.
Bernanos, La Joie,1929, p. 561. B.− DR. Ainsi qu'il appartiendra. Selon ce qui conviendra. À tous ceux qu'il appartiendra. À tous ceux qu'une affaire concernera et qui auront intérêt à en prendre connaissance. PRONONC. ET ORTH. : [apaʀtəni:ʀ], j'appartiens [ʒapaʀtjε
̃]. Enq. : /apaʀtjẽ/ (il) appartient. Fér. Crit. t. 1 1787 propose la graph. apartenir avec un seul p. ÉTYMOL. ET HIST. − 1. Ca 1040 part. prés. substantivé « parent » (Alexis, 271-2 ds Fr. mod., t. 21, 1953, p. 220 : Iloc converset eisi dis e set anz. Nel reconut nuls sons apartenanz) − 1453 (Monstrelet, Chronique ds Dict. hist. Ac. fr); ca 1170 « être lié par parenté » (Flore et Blancheflor, éd. M. Pelan, 1355-56 : Par ma foi vous li resemblez; Ne sai se li apartenez); 2. ca 1155 « faire partie de » (Wace, Rou, III, 10430 ds Keller, Ét. sur le vocab. de Wace, p. 242 : E cil qui Moretoig aveit, Qui a s'enor aparteneit); 3. ca 1170 « être la propriété de qqn » (Rois, éd. Curtius, 99 : Veírement en váin, guardái tutes les choses que furent Nabal el desert é rien n'i perid de tutes les choses que a lui apurtindrent); d'où 1668 « (d'une personne) être au service de qqn » (Mol., Amph., I, 2 ds Rob. : J'appartiens à mon maître); 4. ca 1200 « être le propre, le privilège de qqn » (Première continuation de Perceval, éd. Roach, t. 1, 13735-8 : Si m'aït Diex, il disoit bien Que je ne voldroie ja rien, Se je n'amoie le mestier Qui appartient a chevalier); xves. il appartient à qqn « c'est le droit, le privilège de qqn » (Mist. du Vieil Testament. éd. Rothschlid, t. 4, 35 455); 5. 1370 il appartient « il convient » (J. Froissart, Chron., liv. I, part. I, chap. 51 ds Dict. hist. Ac. fr. : Si fut le roi de France conseillé et informé qu'il mandast ledit roi d'Angleterre à venir faire hommage et féauté, ainsi comme il appartenoit); 1673 dr. à tous ceux qu'il appartiendra « qui seront concernés » (Déclaration de guerre de Louis XIV contre l'Espagne, ibid.).
Empr. au b. lat. appertinere (composé de pertinere), au sens 5 « convenir à » dep. St Augustin, Ord., 2, 2, 6 ds Blaise, au sens 2 « faire partie de » (Varia excerpta gromatica, p. 323, 12 ds TLL s.v., 279, 55) et au sens 3 « être la propriété de » (Canon. Constit., 752, ibid., 279, 56). STAT. − Fréq. abs. littér. : 7 694. Fréq. rel. littér. : xixes. : a) 14 456, b) 10 423; xxes. : a) 7 937, b) 10 027. BBG. − Canada 1930. − Foulq.-St-Jean 1962. − Gottsch. Redens. 1930, p. 103. − Pierreh. Suppl. 1926. − Spr. 1967. |