| APLATIR, verbe trans. I.− Emploi trans. A.− Aplatir qqc.Modifier la forme d'une chose de façon à la rendre plate : 1. Il n'avait pour tout vêtement qu'une chemise de fil de chanvre écru, ouverte au cou, nouée sur la poitrine par deux clous de laiton dont l'un servait d'épingle, et dont l'autre, recourbé en cercle autour du premier, formait une espèce de nœud de cuivre qui pinçait la toile et l'aplatissait sur la poitrine.
Lamartine, Le Tailleur de pierre de Saint-Point,1851, p. 403. 2. Haase tentait d'effacer le sien par des modes britanniques : une coiffure qui défrisait et aplatissait ses cheveux, ...
Lacretelle, Silbermann,1922, p. 58. Rem. On aplatit intentionnellement ce qui est trop élevé, ce qui est trop bombé; on peut aussi aplatir accidentellement qqc. : aplatir sa voiture contre un arbre. − Au fig. [L'obj. du verbe est une chose abstr.] Amoindrir la vigueur : 3. Le siècle est enlacé par les Jésuites, l'oratoire, les rois, les prêtres. Les Jésuites ont fait de l'éducation une machine à rétrécir les têtes et aplatir les esprits, selon l'expression de M. Michelet.
Renan, L'Avenir de la sc.,1890, p. 363. B.− Aplatir qqn, fam.En réduire fortement la vigueur : 4. ... or, les malheurs de la légalité seront toujours pacifiques; elle aplatit une nation, voilà tout.
Balzac, Ferragus,1833, p. 136. 5. Ceux-là [ces enfants abandonnés], ils étaient d'une extrême maigreur, encore bien plus légers que les nôtres ... Ils pesaient rien à vrai dire, au premier coup, une fois chargés avec violence, au vent portant, ils s'envolaient, ils partaient avec le ballon ... Il fallait surtout les maintenir, les aplatir ... On leur mettait douze buts à quatre ... C'était régulier.
Céline, Mort à crédit,1936, p. 283. II.− Emploi pronom. A.− [Le suj. désigne une pers.] 1. S'étendre sur le sol (à plat ventre) volontairement ou accidentellement : 6. « Jongler, c'est une de mes spécialités », dit Lambert. Il saisit trois oranges, les jeta en l'air, en manqua une, et s'aplatit de tout son long sur la pelouse.
S. de Beauvoir, Les Mandarins,1954, p. 215. − Au fig. S'aplatir devant qqn.S'humilier devant quelqu'un : 7. − Oh! sacrée chiffe, va! S'il est permis d'être un homme et de s'aplatir comme ça devant un de ces salops qui nous mangent!
Zola, Germinal,1885, p. 1236. 2. Se faire plat contre quelque chose. Synon. se plaquer, s'écraser : 8. À chaque flamme, il s'aplatissait contre la paroi, se cachant la tête derrière son bras replié.
Dorgelès, Les Croix de bois,1919, p. 289. B.− [Le suj. désigne une chose concr. ou abstr.] Devenir plat, s'écraser : 9. Les deux balles l'atteignirent; l'une, celle d'Orlanduccio, lui traversa le bras gauche, qu'il lui présentait en le couchant en joue; l'autre le frappa à la poitrine, déchira son habit, mais rencontrant heureusement la lame de son stylet, s'aplatit dessus et ne lui fit qu'une contusion légère.
Mérimée, Colomba,1840, p. 136. − Au fig. Aller en s'amoindrissant, perdre sa vigueur : 10. Et puis sa fureur se dégonfla, s'aplatit ...
Malègue, Augustin,t. 2, 1933, p. 222. PRONONC. ET ORTH. : [aplati:ʀ], j'aplatis [ʒaplati]. Fér. 1768 rappelle que Trév. écrit applatir avec 2 p (cf. apaiser). ÉTYMOL. ET HIST. − 1. a) 1331 « rendre plat » (G. de Digulleville, Pelerinage vie hum., 12020, éd. Stürzinger ds T.-L. : Une heure aus tenailles le pren le metal Et l'aplatis tout et esten); b) 1331 « devenir plat » (Id., op. cit., 8901 ds T.-L. : Plus le fiert on, mains aplatist); 2. 1499 « étendre mort par terre » (Auton., Annal. de L. XII, an 1499, ap. Ste-Pal. ds Gdf. Compl. : Tant de Lombars feurent applatis et estendus que ... on eust peu dire que guerre affamee avoit illec fait une repeue); 3. a) 1592 « s'abaisser » (Montaigne, III, 9, p. 112 ds Gdf. Compl. : Mon courage se herisse au lieu de s'applatir); b) 1864 « s'humilier devant qqn » (Goncourt, Renée Mauperin, Paris, Charpentier, 1876, p. 201 : Quant aux autres, à ceux qui, sans avoir rien à nourrir, ni vice, ni femme, ni enfants, se vendent, se ruinent, se courbent, s'aplatissent, s'enrichissent et s'avilissent).
Dér. de l'adj. plat*; préf. a-1*, dés. -ir; dès le xiiies. a. prov. (Bernard de Venzenac, Hueimais pus ds Rayn. t. 4, s.v. plat 5 : Fols no s'aplat lo cabelh). STAT. − Fréq. abs. littér. : 808. Fréq. rel. littér. : xixes. : a) 1 409, b) 1 412; xxes. : a) 1 010, b) 867. BBG. − Ac. Gastr. 1962. − Baulig 1956. − Bruant 1901. − Canada 1930. − Chauss. 1969. − Gottsch. Redens. 1930, p. 125. − Jossier 1881. − Lasnet 1970. − Mont. 1967. − Plais.-Caill 1958. − Timm. 1892. |