| APATHIE, subst. fém. A.− PHILOS. [Dans la philos. stoïcienne] État d'une âme devenue volontairement étrangère aux affections sensibles (dites « passions » dans le vocabulaire des stoïciens) : 1. L'épicuréisme se résolvait en impassibilité (...). Le stoïcisme en apathie (...), abstiens-toi. Le stoïcien est optimiste.
Vigny, Le Journal d'un poète,1834, p. 997. B.− Cour., p. ext. et affaiblissement, souvent péj. Absence d'énergie, manque d'initiative, indifférence habituelle. Synon. indolence : 2. Il était arrivé, par les vexations du despotisme et la ruine des villes, que les curiales, ou membres des corps municipaux, étaient tombés dans le découragement et l'apathie; les évêques au contraire et le corps des prêtres, pleins de vie, de zèle, s'offraient naturellement à tout surveiller, à tout diriger.
Guizot, Hist. gén. de la civilisation en Europe,1828, p. 27. 3. Tu es honteux de tes insurmontables irrésolutions, de tes constantes inconstances, de tes longues apathies, et de tes lâches abattements.
Amiel, Journal intime,1866, p. 417. 4. En général les historiens reprochent à Louis XV son indolence et son apathie.
Bainville, Hist. de France,t. 1, 1924, p. 277. 5. Mais ces pauvres gens attendent la dernière extrémité pour se plaindre. Indifférence, apathie, résignation, accoutumance à la misère, et peut-être la crainte d'une rebuffade, d'être considérés comme geignants, douillets, ou « tire-au-flanc ».
Gide, Le Retour du Tchad,1928, p. 918. − Spéc., MÉD. Indifférence affective se traduisant par un engourdissement physique et moral avec disparition de l'initiative et de l'activité : 6. Nos états de conscience sont liés à la constitution chimique des humeurs du cerveau autant qu'à la structure des cellules. Quand le milieu intérieur est privé des sécrétions des glandes surrénales, le malade tombe dans une dépression profonde. Il ressemble à un animal à sang froid. Les désordres fonctionnels de la glande thyroïde amènent soit de l'excitation nerveuse et mentale, soit de l'apathie.
Carrel, L'Homme, cet inconnu,1935, p. 167. 7. L'hypothyroïdien, avec certains troubles physiologiques et trophiques, offre un psychisme engourdi où la vie végétative, par suite de la prédominance vagotonique, enfouit la vie intellectuelle et émotive et amortit l'activité. Torpeur générale, avec un besoin excessif de sommeil, et somnolence fréquente, apathie, paresse, lenteur taciturne, maladresse motrice.
Mounier, Traité du caractère,1946, p. 167. SYNT. Sortir de l'apathie, secouer l'apathie, retomber dans l'apathie, se tirer de l'apathie, s'arracher à l'a^pathie. PRONONC. : [apati]. ÉTYMOL. ET HIST. − 1. 1375 philos. (stoïcienne) « insensibilité du sage » (R. de Presles, Cité de Dieu, 13, 9 [1531] ds Quem. : Doncques peult l'on dire convenablement cette parfaicte apathie estre a advenir sans aguillon de paour et sans quelconques tristesse); 2. 1601 « indolence, nonchalance » (Charron, De la sagesse, II ds Dict. hist. Ac. fr. t. 3, 1888, p. 309a : Une apathie bestiale des âmes basses et plattes du tout).
Empr. au gr. α
̓
π
α
́
θ
ε
ι
α « calme de l'âme, absence d'affections sensibles » (de α
̓ privatif et π
α
́
θ
ο
ς affection, impression sensible, dans la philos. stoïcienne), Plutarque, Cicéron, Acad., 2, 42 ds Bailly. STAT. − Fréq. abs. littér. : 250. Fréq. rel. littér. : xixes. : a) 458, b) 428; xxes. : a) 268, b) 280. BBG. − Bach.-Dez. 1882. − Bastin 1970. − Bouillet 1859. − Bruant 1901. − Feugère (F.). En marge de l'exposition Charles V. Dans le vocab. de Duguesclin. Déf. Lang. fr. 1968, no45, p. 26. − Feugère (F.). La Première Renaissance et notre vocab. Déf. Lang. fr. 1970, no51, p. 14. − Foulq.-St-Jean 1962. − Franck 1875. − Goblot 1920. − Lacr. 1963. − Lafon 1969. − Lal. 1968. − Lar. méd. 1970. − Littré-Robin 1865. − March. 1970. − Méd. Biol. t. 1 1970. − Moor 1966. − Mucch. Psychol. 1969. − Noter-Léc. 1912. − Nysten 1824. − Piéron 1963. − Porot 1960. − Psychol. 1969. − Sill. 1965. |