| ANÉMIQUE, ANÈME, adj. et subst. I.− Adj. Qui est atteint d'anémie (généralement chronique); qui dénonce l'anémie. Synon. vx, inus. anème : 1. De cette famille naguère si nombreuse qu'elle occupait presque tous les territoires de l'Île-de-France et de la Brie, un seul rejeton vivait, le duc Jean, un grêle jeune homme de trente ans, anémique et nerveux, aux joues caves, aux yeux d'un bleu froid d'acier, au nez éventé et pourtant droit, aux mains sèches et fluettes.
J.-K. Huysmans, À rebours,1884, p. 2. 2. Il était maigre, dégingandé, la figure longue, salie de quelques rares poils de barbe, avec les cheveux jaunes et la pâleur anémique de toute la famille. Sa chemise lui remontait au ventre, et il la baissa, non par pudeur, mais parce qu'il n'avait pas chaud.
É. Zola, Germinal,1885, p. 1114. 3. Elle avait de l'admiration pour une cousine qui était très pâle et, pour devenir anémique comme elle, elle s'était rationnée à sa façon.
P. Janet, Les Obsessions et la psychasthénie,1903, p. 43. − Au fig. Sans force : 4. De là [tel est le résultat d'un travail négligent] les scories de certaines exécutions, les « piano » ... incolores, anémiques, sans timbre et sans vibration, les « forte » durs, agressifs, comme écrasés sous une attaque trop brusque.
A. Cortot, Douze études pour piano, op.25, de Frédéric Chopin, 1917, p. 81. 5. ... l'apparence systématique, l'architecture et le style communs des diverses constructions de l'intelligence appliquée à la philosophie permettent de prendre les méditations de M. Lalande pour une incarnation de la philosophie au même titre que le spinozisme, incarnation simplement plus pâle, plus modeste, plus anémique, mais rigoureusement comparable, de la même chair et du même sang.
P. Nizan, Les Chiens de garde,1932, p. 20. 6. La table les séparait sous cette lumière anémique, rougeoyante, des ampoules électriques, jamais lavées, des hôtels qu'on croirait choisies exprès pour épargner le courant.
L. Aragon, Les Beaux quartiers,1936, p. 355. ♦ Rare. [En parlant d'un paysage] :
7. Enfin l'artiste est donc venu, qui aura rendu la mélancolique grandeur des sites anémiques couchés sous l'infini des ciels; voici donc enfin exprimée cette note poignante du spleen des paysages, des plaintives délices de nos banlieues!
J.-K. Huysmans, L'Art moderne,1883, p. 117. Rem. On trouve chez A. Arnoux le dér. adv. anémiquement : ,,Que nous voici loin des félicitations anémiquement guindées, sournoises ...`` (Roi d'un jour, 1956, p. 296). II.− Emploi subst. Personne atteinte d'anémie chronique : 8. Richard lui paraissait l'aboutissement type de ces aristocraties récentes, qui, dès la troisième génération, s'étiolent, sans s'affiner. Trop mince, trop pâle, trop blond, myope, le front déjà dégarni, il avait la distinction des anémiques − signe de dégénérescence qui passe généralement pour un signe de race.
R. Martin du Gard, Devenir,1909, p. 133. Prononc. : [anemik]. Étymol. ET HIST.
I.− Anème. 1838 (Ac. Compl. 1842).
II.− Anémique. 1877 méd. (Littré Suppl.); fig. (Bürger, Salons de 1861 à 1863, II, 476 ds Littré : Maintenant, pas la moindre passion; l'atonie universelle; l'art est devenu anème ou anémique).
I anème empr. au gr. α
́
ν
α
ι
μ
ο
ς « qui n'a pas de sang » (Platon, Aristote ds Bailly). II anémique dér. de anémie*; suff. -ique*. STAT. − Fréq. abs. litt. : 82. BBG. − Méd. Biol. t. 1 1970. |