| ANTRE, subst. masc. A.− Cavité naturelle enfoncée profondément dans la terre ou dans le roc. Synon. grotte, caverne : 1. À leurs yeux [des amants] tout est pur comme leur âme est pure.
Leur asile est plus beau que toute la nature. La grotte favorable à leurs embrassements
D'âge en âge est un temple honoré des amants.
Ô rives du Pénée, antres, vallons, prairies,
Lieux qu'Amour a peuplés d'antiques rêveries;
Vous, bosquets d'Anio, vous, ombrages fleuris,
Dont l'épaisseur fut chère aux nymphes du Liris;
Chénier, Élégies,Les Amours, 1794, p. 95. − P. anal. Cavité, trou, abîme. Antre de la cheminée, de l'orchestre, de la gueule d'une bête; antre de l'océan, des ténèbres. ♦ ANAT. Nom donné à certaines cavités de l'organisme (antre pylorique), surtout osseuses (antre mastoïdien, antre d'Highmore...). Cf. Méd. Biol. t. 1 1970. SYNT. Antre obscur; vivre, se retirer, se réfugier dans un ou dans son antre; au fond d'un antre. 1. Cavité, etc., servant de gîte à certains animaux féroces ou fabuleux. Antre de l'ours, du sphinx, du monstre. Synon. caverne, grotte, tanière, repaire. − P. ext., péj. a) Lieu sordide : 2. Voyez cet homme : il est né par hasard, par malheur, dans un taudis, dans un bouge, dans un antre, on ne sait où, on ne sait de qui. Il est sorti de la poussière pour tomber dans la boue. Il n'a eu de père et de mère que juste ce qu'il en faut pour naître.
Hugo, Napoléon le Petit,1852, p. 190. b) Lieu redoutable : 3. La cour étoit séante à Westminster. Charles parut dans cet antre de mort au milieu de ses assassins avec les cheveux blancs de l'infortune et la sérénité de l'innocence.
Chateaubriand, Essai sur les Révolutions,t. 2, 1797, p. 188. 2. ANTIQ. Cavité etc. servant de demeure à certains dieux, à certains personnages de la mythologie ou de l'histoire ancienne. Antre de la sibylle (de Cumes), de Vulcain, du cyclope : 4. On faisait naître Mithra dans une grotte, Bacchus et Jupiter dans un antre, et Christ dans une étable. C'est un parallele qu'a fait saint Justin lui-même. Ce fut, dit-on, dans une grotte que Christ reposait lorsque les mages vinrent l'adorer.
Dupuis, Abr. de l'orig. de tous les cultes,1796, p. 318. 3. Cavité, etc., servant de cachette, de refuge ou de thébaïde. Antre d'Ali-Baba, des voleurs : 5. Où fuir? ... Où porter ma honte et mes remords? Errant depuis le matin dans ces montagnes, je cherche en vain un asyle, qui puisse dérober ma tête au supplice... Je n'ai point trouvé d'antre assez obscur, de caverne assez profonde pour ensevelir mes crimes.
Guilbert de Pixérécourt, Cœlina,1801, 3, 1, p. 42. 6. On voit des restes de chapelles ou de temples, des colonnes encore debout, sur la roche : on dirait une ruche d'hommes abandonnée. Les Arabes disent que ce sont les chrétiens de Damas qui ont creusé ces antres. Je pense en effet que c'est là une de ces thébaïdes où les premiers chrétiens se réfugièrent dans les temps de cénobitisme ou de persécution.
Lamartine, Voyage en Orient,t. 2, 1835, p. 199. − P. ext. Lieu intime et silencieux, propre au travail et au repos. Antre d'un bureau; bibliothèque (Flaubert, Colette) : 7. Vous n'êtes jamais venue à Croisset. Il faut que vous connaissiez mon vrai domicile, mon antre.
Flaubert, Correspondance,1878, p. 138. 8. Roi, je pense à la vieille, une vieille femme, pauvrette et ancienne comme la mère de Villon, chez qui j'avais trouvé un refuge, un lieu inaccessible aux rats, quelques mètres cubes de silence, un antre de solitude, et, là-dedans, un lit...
J. et J. Tharaud, Une Relève,1919, p. 60. 4. Local ou pièce d'habitation dans laquelle une personne se livre à des occupations mystérieuses et inquiétantes. Antre de Faust, du sorcier, de l'usurier, antres maçonniques de Paris. B.− P. métaph. ou au fig. [Suivi d'un adj. ou d'un compl. déterminatif abstr.] Lieu (fig.) d'activités suspectes : 9. Vous êtes moins brumeux, moins noirs, moins ignorés,
Vous êtes moins profonds et moins désespérés
Que le destin, cet antre habité par nos craintes,
Où l'âme entend, perdue en d'affreux labyrinthes,
Au fond, à travers l'ombre, avec mille bruits sourds,
Dans un gouffre inconnu tomber le flot des jours!
Hugo, Les Rayons et les ombres,1840, p. 1058. SYNT. Antre du notariat, de la chicane, de l'anarchie, de la politique, du paganisme, du néant, du crime, du sacrilège, de la haine, de la trahison, de la corruption, de la perdition; antre ministériel. PRONONC. − 1. Forme phon. : [ɑ
̃:tʀ
̥]. Enq. : /ãtʀ/. 2. Homon. : entre (prép. et 3epers. du sing. du prés. du verbe entrer). ÉTYMOL. ET HIST. − xves. « caverne, grotte naturelle » (O. de Sainct-Gelays, 2oliv. de l'Enéide, 16 vo, éd. 1540 d'apr. Delboulle ds R. hist. litt. Fr., t. 2, p. 116 : Et de rechef se remussoient au ventre [du cheval de bois] Comme larron faict au spelunque ou antre); empl. au fém. par Vauquelin de la Fresnaye (Hug.), noté comme masc. dep. Cotgr. 1611; 1751 spéc. anat. (Encyclop.).
Empr. au lat. antrum « antre, creux » (Virgile, Ecl., 5, 6 ds TLL s.v., 192, 41); au sens anat. (iies., Terentianus Maurus, 133, ibid., 192, 31). STAT. − Fréq. abs. littér. : 666. Fréq. rel. littér. : xixes. : a) 1 415, b) 1 825; xxes. : a) 607, b) 280. BBG. − Bonnaire 1835. − Dainv. 1964. − Daire 1759. − Gottsch. Redens. 1930, p. 452. − Gramm. t. 1 1789. − Guizot 1864. − Lar. méd. 1970. − Littré-Robin 1865. − Méd. 1966. − Méd. Biol. t. 1 1970. − Noter-Léc. 1912. − Nysten 1824. − Pierreh. 1926. − Pierreh. Suppl. 1926. |