| ANTITHÉTIQUE, adj. A.− RHÉT. Qui contient une antithèse; qui abonde en antithèses (cf. antithèse A). Expression antithétique; termes, tours antithétiques; style antithétique : 1. Avec cette rapidité d'élocution, cette construction antithétique des phrases et cette ingéniosité d'images saisissantes qui font son éloquence, Déroulède développa que tout homme a dans sa destinée deux courbes, une ascendante, une descendante.
Barrès, L'Appel au soldat,1900, p. 207. − P. méton., lang. cour. [En parlant de pers. ou de choses] Opposé, contraire, contradictoire : 2. L'art a toujours deux faces antithétiques, médaille dont, par exemple, un côté accuserait la ressemblance de Paul Rembrandt et le revers celle de Jacques Callot.
Bertrand, Gaspard de la nuit,1841, p. 63. 3. Les hémicycles ou culs de four des deux extrémités [de la bibliothèque de la Chambre] offrent deux grandes compositions antithétiques [de Delacroix].
L. Réau, L'Art romantique,1930, p. 67. 4. Ils étaient en tout antithétiques et opposés. L'abbé rêvait de sacrifice et d'austérité, Thorel de bonne vie, de fins cigares et de femmes. L'abbé croyait à la sincérité, à la bonté première de l'homme. Thorel en riait, traitait les honnêtes gens d'hypocrites...
Van der Meersch, Invasion 14,1935, p. 69. ♦ Antithétique à.Opposé, contraire à : 5. Dès qu'elle [la révolution] se pose dans la vérité et l'intégralité de sa nature, antithétique à toute église, à toute autorité, à tout capitalisme, à toute fiction légale, la peur saisit les intelligences...
Proudhon, Les Confessions d'un révolutionnaire,1849, p. 343. B.− PHILOS. Qui s'oppose à un premier principe énoncé dans la thèse (cf. antithèse B) : 6. ... [une nouvelle figure dont la dialectique s'est enrichie depuis Kant] consiste en ce que deux termes antithétiques étant donnés, il résulte de leur union un 3eterme, différent des deux autres, et les résolvant par une sorte de balance ou d'équation.
Proudhon, De la Création de l'ordre dans l'humanité,1843, p. 241. 7. Chez nous, toute connaissance est antithétique : en face du bien, nous voyons le mal; en face du beau, le laid; quand nous affirmons, nous nions, nous voyons l'objection, nous nous roidissons, nous argumentons. Dans l'âge primitif, au contraire, l'affirmation était simple et sans retour.
Renan, L'Avenir de la science,1890, p. 308. 8. En fait, la Négritude apparaît comme le temps faible d'une progression dialectique : l'affirmation théorique et pratique de la suprématie du blanc est la thèse; la position de la Négritude comme valeur antithétique est le moment de la négativité.
Sartre, Situations III,1949, p. 280. DÉR. Antithétisme, subst. masc.(1910, Péguy, Notre jeunesse, p. 24; suff. -isme*).Opposition systématique des situations. Antithétisme homothétique des situations [de la république et de la monarchie]. Synon. de antithèse (lang. cour.). PRONONC. : [ɑ
̃titetik]. Passy 1914 note une durée mi-longue pour la 1resyllabe du mot (pour l'indication d'une durée sur cette syllabe, cf. aussi Fér. Crit. t. 1 1787 et Fél. 1851). ÉTYMOL. ET HIST. − Av. 1680 rhét. « qui tient de l'antithèse, qui comporte une antithèse » (Fr. Colletet, cité ds Préf. des Poésies de Guy de Tours, Blanchemain, d'apr. Quem. : Cinquante sonnets de nos jeunes courtisans, pleins de perles antithetiques); 1846 philos. « qui s'oppose, contraire à » (Proudhon, Systèmes des contradictions économiques ds Lar. 19e, s.v. antithéisme : Il s'ensuit d'une necessité logique, que la chaîne des êtres, tous invariablement constitués, mais dans des proportions différentes, en moi et non-moi, est comprise entre deux termes antithétiques, l'un que le vulgaire nomme Créateur ou Dieu [...] l'autre qui est l'homme ...).
Empr. au gr. α
̓
ν
τ
ι
θ
ε
τ
ι
κ
ο
́
ς « qui fait opposition ou contraste » (Sextus Empiricus, P., 1, 8 ds Bailly); au sens rhét. (xiies., Eustathe, 1325, 19, ibid.). STAT. − Fréq. abs. littér. : 31. BBG. − Dagn. 1965. − Gramm. t. 1 1789. − Morier 1961. − Perraud 1963. |