| ANTIQUE, adj. et subst. I.− Emploi adj. A.− Emploi déterminatif. Qui est relatif à une époque très ancienne. 1. [En parlant d'un inanimé ou d'un animé coll.] Qui appartient ou remonte à une époque très reculée. Art antique, cité -. Anton. moderne. a) [P. réf. à une époque depuis longtemps révolue] :
1. Notre bourgeoisie actuelle, née en si peu de temps de la Révolution, n'a pas rencontré, en montant, de nobles sur sa tête. Elle a voulu d'autant plus être une classe tout d'abord. Elle s'est fixée en naissant, et, si bien, qu'elle a cru naïvement pouvoir tirer de son sein une aristocratie; autant vaut dire, improviser une antiquité. Cette création s'est trouvée, comme on pouvait prévoir, non antique, mais vieille et caduque.
Michelet, Le Peuple,1846, p. 147. 2. Le vieux avait une immense affection pour son petit-fils; et ce lui était une joie de trouver en lui un public complaisant. Il aimait à conter des épisodes de sa vie, ou l'histoire des grands hommes antiques et modernes. Sa voix devenait alors emphatique et émue; elle tremblait d'un plaisir enfantin, qu'il tâchait de refouler. On sentait qu'il s'écoutait avec ravissement.
R. Rolland, Jean-Christophe,L'aube, 1904, p. 19. Rem. On relève ds Ac. Compl. 1842, Lar. 19e, Nouv. Lar. ill. ainsi que chez H. France un mot vieux antif signifiant « qui est ancien, d'autrefois » : ,,Antif, dit Lorédant Larchey, est un vieux mot qui signifie antique et se rencontre souvent dans les textes du Moyen-Âge uni à celui de chemin. Un chemin antif était un chemin ancien c'est-à-dire frayé.`` (Dict.-Journal; les compléments vocab. de la lang. verte, 1907, p. 107). b) Spéc. Relatif à l'antiquité gréco-romaine : 3. La cité antique, comme toute société humaine, présentait des rangs, des distinctions, des inégalités. On connaît à Athènes la distinction originaire entre les Eupatrides et les Thètes; à Sparte on trouve la classe des égaux et celle des inférieurs, en Eubée celle des chevaliers et celle du peuple. L'histoire de Rome est pleine de la lutte entre les patriciens et les plébéiens, lutte que l'on retrouve dans toutes les cités sabines, latines et étrusques.
Fustel de Coulanges, La Cité antique,1864, p. 291. − Rare. Qui appartient à l'époque la plus ancienne de l'antiquité classique : 4. Dans ses discours encore plus que dans ses actions, l'homme est trop souvent déterminé par la passion du moment, et surtout par ce qu'on appelle humeur. Je veux vous citer à ce propos un auteur ancien et même antique, dont je regrette beaucoup les ouvrages, à raison de la force et du grand sens qui brillent dans les fragmens qui nous en restent. C'est le grave Ennius, qui faisoit chanter jadis sur le théâtre de Rome ces étranges maximes ...
J. de Maistre, Les Soirées de Saint-Pétersbourg, t. 1, 1821, p. 218. SYNT. Mœurs antiques, monde antique, monument antique, pensée antique, peuples antiques, usage antique. 2. Qui rappelle ou évoque l'Antiquité ou la manière antique (gén. gréco-romaine) : 5. Les bergeries de Belleau présentent quelquefois des scènes champêtres vivement retracées; surtout il y a une profusion de couleurs et d'images bien contraire à l'idée qu'on se fait de la simplicité de la vieille langue. Brillant et suranné à la fois, vieilli et non pas antique, ce style ne ressemble pas mal à ces étoffes que portaient les petits-maîtres du temps passé, et dont le lustre terni éclate encore par places.
Sainte-Beuve, Tableau hist. et crit. de la poésie et du théâtre fr. au XVIes.,1828, p. 91. B.− Emploi qualificatif 1. Avec une nuance laud. Qui par sa perfection physique ou morale est digne des temps très anciens, plus spécialement de l'Antiquité gréco-romaine (plus rarement, de l'antiquité biblique). Droiture antique, probité antique, vertu antique : 6. Borné dans sa nature, infini dans ses vœux,
L'homme est un dieu tombé qui se souvient des cieux;
Soit que déshérité de son antique gloire,
De ses destins perdus il garde la mémoire;
Soit que de ses désirs l'immense profondeur
Lui présage de loin sa future grandeur :
Imparfait ou déchu, l'homme est le grand mystère.
Lamartine, Méditations,L'Homme, 1820, p. 31. 7. Son jugement [de Léonard de Vinci] sur la mort, il faut le tirer d'un texte assez court, − mais texte d'une plénitude et d'une simplicité antiques, qui devait peut-être prendre place dans le préambule d'un Traité, jamais achevé, du Corps Humain.
Valéry, Variété 1,1924, p. 196. 2. Avec une nuance péj. ou iron. Excessivement ancien ou vieux, qui n'est plus au goût actuel. Synon. dépassé : 8. Tholomyès était l'antique étudiant vieux; il était riche; il avait quatre mille francs de rente; quatre mille francs de rente, splendide scandale sur la montagne Sainte-Geneviève.
Hugo, Les Misérables,t. 1, 1862, p. 157. 9. A droite, une délégation d'antiques citoyennes sevrées d'époux, séchées dans le célibat, et exaspérées dans l'attente, faisait vis-à-vis à un groupe de citoyens réformateurs de l'humanité, qui n'avaient jamais coupé ni leur barbe ni leurs cheveux, pour indiquer sans doute l'infini de leurs aspirations.
Maupassant, Contes et nouvelles,t. 1, Les Dimanches d'un bourgeois de Paris, 1880, p. 333. 10. ... si on dit que tant de raison est pour un pays un signe de vieillesse, il faudra donc que la danse de Saint-Guy soit un signe de jeunesse. Ce qu'il y a de plus jeune, de plus neuf en l'homme, c'est sa raison. Laissons à d'autres le soin d'exploiter et de mettre en œuvre ses vieux instincts et son antique sottise.
Guéhenno, Journal d'une« Révolution », 1938, p. 244. Rem. Dans son emploi déterminatif (cf. A) et lorsque l'emploi qualificatif se double d'une réf. hist. (cf. B 1), l'adj. est gén. postposé au subst.; il est antéposable dès que la nuance qualificative l'emporte sur la valeur déterminative (cf. ex. 8, 9, 10). II.− Emploi subst. A.− Domaines techn. 1. B.-A. et LITT. a) Au masc. sing. Ensemble des productions artistiques ou littéraires héritées de l'Antiquité. Étudier, copier l'antique, travailler d'après l'antique : 11. Le savant seul a le droit d'admirer. Non seulement la critique et l'esthétique, qu'on considère comme opposées, ne s'excluent pas; mais l'une ne va pas sans l'autre. Tout est à la fois admirable et critiquable, et celui-là seul sait admirer qui sait critiquer. Comment comprendre par exemple la beauté d'Homère sans être savant, sans connaître l'antique, sans avoir le sens du primitif? Qu'admire-t-on d'ordinaire dans ces vieux poèmes? De petites naïvetés, des traits qui font sourire, non ce qu'est [sic] véritablement admirable, le tableau d'un âge de l'humanité dans son inimitable vérité.
Renan, L'Avenir de la science,1890, p. 295. b) Au fém. (ou au masc.) sing. ou plur. Objet d'art antique. Une belle antique : 12. J'ai commandé une boîte (...) pour le camée (...) Dès à présent vous pouvez être assurée que si ce n'est pas un antique, c'est incontestablement un des plus beaux ouvrages du xviesiècle qui valent bien des antiques.
Mérimée, Lettres à la comtesse de Montijo,t. 1, 1870, p. 369. SYNT. Une antique très curieuse, le cabinet des antiques, une collection d'antiques. Rem. 1. D'apr. les dict., antique pris dans ce sens est du fém. En fait de nombreux aut. l'emploient au masc. 2. ,,On a appelé antiques les chefs-d'œuvre de la sculpture et de la peinture chez les Grecs et les Romains, pour les distinguer des antiquités, objets plus vulgaires et sans valeur artistique``. (Lar. 20e). 2. GRAV. (terme de lapidaire), au fém. ,,Pierre composée de plusieurs couches, comme le sont ordinairement les onyx, représentant un sujet quelconque exécuté par un graveur d'un talent incontestable, soit grec, italien, allemand, anglais ou français, etc.`` (Chriten, Art du lapidaire, p. 289 ds Littré 1866). 3. IMPR., au masc. ou au fém. ,,Caractère inspiré des inscriptions gravées dans la pierre des monuments anciens et ne comportant ni pleins, ni déliés, ni empattements. Synon. caractère bâton.`` (Brun 1968) : 13. Sur les conseils de Monmerqué, nous avions pris de l'elzévir de dix points et de sept points, l'un pour l'impression normale, l'autre pour les notes et additions. Nous avions de l'italique et, en outre, un assez bon choix de caractères accessoires : médicis, égyptienne, antique. Dès le début, Monmerqué nous donna l'amour de l'elzévir et, d'abord, la façon de le distinguer.
G. Duhamel, Chronique des Pasquier,Le Désert de Bièvres, 1937, p. 114. B.− Littér. [Désignant une pers.] Homme, écrivain ou artiste de l'Antiquité. Synon. ancien : 14. Et toi Dante qui sus, égalant les antiques,
Hausser le faible essor de tes muses gothiques,
Tant tu avais le cœur de Calliope plein,
Dans la grave douceur de tes divines rimes,
Du grand Parnasse saint tu gravis les deux cimes
Pour chercher le chemin du paradis chrétien.
Moréas, Ériphyle,1894, p. 212. C.− Arg. (de polytechnique). Ancien élève de l'École (cf. G. Claris, Notre École polytechnique, 1895, p. 350). D.− Loc. adv. À l'antique. 1. MODES. Manière antique : 15. Un des ambassadeurs résidant à Naples donna, il y a quelques années, une fête assez ingénieuse. − Muni de toutes les autorisations nécessaires, il fit costumer à l'antique un grand nombre de personnes; les invités se conformèrent à cette disposition, et, pendant un jour et une nuit, l'on essaya diverses représentations des usages de l'antique colonie romaine.
Nerval, Les Filles du feu,Isis, 1854, p. 649. 2. HÉRALD. ,,Sont dits à l'antique les attributs de toute figure (meuble, personnage, animal, etc.) présentés sous une forme qui n'est plus en usage.`` (Lar. 20e). PRONONC. : [ɑ
̃tik]. Enq. : /ɑ
̃tik/. ÉTYMOL. ET HIST.
I.− Antique. 1. Ca 1180 adj. antic « très ancien (en parlant d'un inanimé) » (Alberic, Alexand., 11 ds Gdf. Compl. : Del temps novel ne del antic); xves. antique « âgé (en parlant d'une personne) » (Mistère Viel Testament, XXII, 15733, éd. Rothschild, t. 2, p. 287); « ne se dit des personnes que par raillerie » (Ac. 1694); 1534 « qui remonte à l'Antiquité (en parlant d'une œuvre d'art) » (Rabelais, Gargantua, I, 2 ds Littré); 2. 1530 subst. fém. une antique « un chef-d'œuvre de l'Antiquité » (Palsgrave, Éclaircissement de la lang. fr., éd. Génin, 1852, p. 487 : si ceste antique estoyt mise en or, ce seroyt une belle chose); cf. sale (sic) des Antiques du Louvre (Trév. 1704) et cabinet des Antiques du Roy (Ac. 1718); 1533 subst. masc. plur. « les Anciens » (Rabelais, Pantagr. Prognost., 10 ds Hug. : Ne seront saiges ceulx qui vendront leurs pellices et forrures pour achapter du bois. Et ainsi ne faisoient les antiques); 3. 1752 subst. masc. sing. (Trév. : Antique. Terme en usage dans la Faculté de Théologie de Paris. On donne ce nom à l'argument que propose un Bachelier aux Tentatives, immédiatement après que le Président a fini d'argumenter [...] On a donné ce nom à cet argument, parce que le Bachelier, avant que de commencer l'argument, dit ces paroles : Propter antiquam necessitudinem...), devenu historique.
II.− Antif. Ca 1150 « d'autrefois » (Wace, St Nicolas, éd. N. Delius, 342 ds T.-L.: Al tens antif que jadis fu); fin xiies. « ancien » (Les Loher. ms. Montp. fo39ads Gdf. : Ez vos Fromont, de Bordeles antif); repris par Ac. Compl. 1842.
I empr. au lat. antiquus « très ancien, d'autrefois » adj. (Plaute, Cas., 7 ds TLL s.v., 178, 14); sens péj. (Cicéron, Brut., 132, ibid., 179, 79); « âgé (en parlant d'une personne) » (St Augustin, In erem. serm., 6, ibid., 183, 11); « qui appartient aux temps reculés (en parlant d'un objet, d'une œuvre d'art) » (Cicéron, Orat., 169, ibid., 181, 44); subst. masc. plur. « les Anciens » (Cicéron, Orat., 218, ibid., 179, 17). II form. masc., issue d'un fém. antive < antiqua « ancien », Fouché t. 3 1961, p. 637. STAT. − Fréq. abs. littér. : 4 885. Fréq. rel. littér. : xixes. : a) 8 636, b) 7 906; xxes. : a) 8 884, b) 3 824. BBG. − Bach.-Dez. 1882. − Bouillet 1859. − Brun 1968. − Chauss. 1969. − Comte-Pern. 1963. − Darm. Vie 1932, p. 168 (et s.v. antif). − Dauzat Ling. fr. 1946, p. 269 (s.v. antif). − Esn. 1966 (et s.v. antif). − France 1907 (s.v. antif). − Frank (G.). Aucassin et Nicolette, livre 2. Rom. R. 1949, t. 40, pp. 161-164. − Gay t. 1 1967 [1887]. − Grandm. 1852, p. XXVIII. − Larch. 1880. − Lévy-Pinet 1894. − Mat. Louis-Philippe 1951, p. 307 (s.v. antif). − Michel 1856. − Noël 1968. − Noter-Léc. 1912. − Pope 1961 [1952], § 785 (et s.v. antif). − Spitzer (L.). Le Vers 2 d'Aucassin et Nicolette et le sens de la chantefable. Mod. Philol. 1947, t. 45, pp. 8-14. − Spitzer (L.). Aucassin et Nicolette. Livre 2, again. Mod. Philol. 1950/51, t. 48, pp. 154-156. − Springh. 1962. − Tondr.-Vill. 1968. − Vinc. 1910. − Voyenne 1967. |