| ANTAN, subst. masc. I.− Arch. littér. ou région., rare. [Gén. précédé de la prép. de] L'année précédant l'année en cours. (Mais où sont) les neiges d'antan (p. allus. au refrain de la Ballade des dames du temps jadis, de F. Villon). − D'antan, de l'antan, de cet antan : 1. Brûlez au creux de tous les temples : mais enfin, de par la vérité supérieure d'hier, que demeurent à jamais nées les phrases de l'antan. En vérité, je vous le dis, je ne sais s'il faut admirer davantage votre débauche ou la vigueur même que vous irradiez et par qui vous l'avez accomplie.
Gide, Correspondance[avec Valéry], 1891, p. 131. 2. N'as-tu pas une belle arche de Noé? Elle parlait d'une arche de Noé qu'elle m'avait donnée le 1erjanvier d'antan et qui m'avait paru d'abord, je dois le dire, quelque chose de surnaturel.
A. France, Le Petit Pierre,1918, p. 63. 3. Vers la saint Michel, aux premières neiges sur les crêtes : « Ah! ah! c'est pour nous faire voir que les rats ne l'ont pas toute mangée. » Ou bien encore : « Elle est de la même couleur que celle de cet antan. »
Pourrat, Gaspard des montagnes,Le Château des sept portes, 1922, p. 29. 4. N'est-ce pas plus terrible encore, à la fin de l'antan, la mort de Louis Yvinec! La disparition d'Anne se conforme à une sagesse de l'horreur : personne n'a rien vu ni rien entendu et personne ne sait rien. Mais personne n'a vu Yvinec sauter en pleine nuit dans sa barque ni s'éloigner à la voile... Et tout le monde raconte qu'il a trouvé une épave, ...
Queffélec, Un Recteur de l'île de Sein,1944, p. 9. − Proverbe. Craindre quelqu'un comme l'hiver d'antan (Pourrat, Gaspard des montagnes, Le Château des sept portes, 1922, p. 236). II.− P. ext. D'antan, loc. adv. en emploi d'épithète. D'autrefois, de jadis. Une ariette d'antan : 5. Cette dernière entrevue fut douloureuse. Charlotte m'entretint encore du passé, de notre vie cachée, de nos lectures, de nos promenades, de la musique, des fleurs d'antan, des espérances d'autrefois.
Chateaubriand, Mémoires d'Outre-Tombe,t. 1, 1848, p. 463. 6. Ce vers si exquis et si célèbre :
Mais où sont les neiges d'antan?
est un vers d'argot. Antan − ante annum − est un mot de l'argot de Thunes qui signifiait l'an passé et par extension autrefois. On pouvait encore lire il y a trente-cinq ans, à l'époque du départ de la grande chaîne de 1827, dans un des cachots de Bicêtre, cette maxime gravée au clou sur le mur par un roi de Thunes condamné aux galères : Les dabs d'antan trimaient siempre pour la pierre du coësre. Ce qui veut dire : Les rois d'autrefois allaient toujours se faire sacrer. Dans la pensée de ce roi-là, le sacre, c'était le bagne.
Hugo, Les Misérables,t. 2, 1862, p. 196. Rem. Dans le cont. de la Ballade des Dames du temps jadis, le vers de Villon (que V. Hugo interprète d'abord au sens étroit, cf. supra I, puis au sens large) symbolise le temps qu'on ne reverra plus; d'où des emplois comme celui-ci : 7. Je m'appelle Georrrges Berrrnanossss! et je ne vous ai pas oublié.
Où sont les neiges d'antan, Monsieur le Licencié!
Oh! les bonnes classes de littérature qu'on a faites là...
Bernanos, Lettres inédites,1904, p. 1723. SYNT. Les dames d'antan (P. Adam, L'Enfant d'Austerlitz, 1902, p. 286); la magie d'- (Huysmans, Là-bas, t. 1, 1891, p. 128); sa timidité d'- (L. Cladel, Ompdrailles, 1879, p. 184). DÉR. Antan(n)ier, ière,(Antanier, Antannier) adj.,fauconn. ,,Il se dit d'un oiseau de l'année précédente`` (Ac. Compl. 1842), − c.-à-d., qui n'ayant pas mué a encore le plumage de l'année précédente. La plupart des dict. gén. donnent comme synon. antan(n)aire.1reattest. 1823 (Boiste); suff. -ier. − Les dict. signalent un adj. et subst. antenois, antenais (dep. xives.) « (bête) ayant plus d'un an » corresp. sémantiquement au lat. annotǐnus, avec, sans doute, pour la forme, influence de antan. PRONONC. ET ORTH. : [ɑ
̃tɑ
̃]. Passy 1914 transcrit le 1er[ɑ
̃
ˑ] mi-long. Ac. Compl. 1842 écrit : antannaire et antannier avec 2 n. Cf. aussi Lar. 19e, Nouv. Lar. ill. et Quillet 1965 pour antannaire. Guérin 1892 et DG : antanaire. Besch. 1845 et Littré : antanier avec un seul n. − Dér. Antan(n)ier. Dernière transcription ds Littré : an-ta-nié, fém. niê-r'. ÉTYMOL. ET HIST. − Ca 1160 loc. adv. « l'année auparavant » (Wace, Rou, éd. H. Andresen, III, 838 ds T.-L. : Antan fu mal e pis awan [oan « cette année-ci »]); av. 1188 emploi adj. d'anten « de naguère » (Partenopeus de Blois, Crapelet, 6639 ds Gdf. : Dont n'est ce vostre cuer d'anten Qui vos meine ore cest boban); ca 1461 d'antan « de l'année dernière » (Villon, supra).
Du lat. vulg. *ant(e) anu, issu du syntagme adv. lat. ante annum « il y a un an » (Pline, Ep., 8, 23, 7 ds TLL s.v. 117, 73). STAT. − Fréq. abs. littér. : 305. BBG. − Autour de l'actualité. Déf. Lang. fr. 1967, no37, pp. 29-30. − Dupin-Lab. 1846. − Gottsch. Redens. 1930, p. 11. − Guyot 1953. − Le Roux 1752. − Mots rares 1965 (s.v. antannier). − Rog. 1965, p. 130. − Spr. 1967. − Vinc. 1910. |