| ANSE, subst. fém. A.− Partie saillante recourbée en forme d'arc ou se présentant en anneau, fixée sur un ustensile pour le saisir plus commodément et le porter. Anse d'une cruche, d'un panier, coupe à deux anses : 1. Parmi les morceaux les plus précieux, on remarquait encore une énorme cafetière de vermeil en forme d'urne, dont les anses s'attachaient à des mascarons figurant des masques antiques, et deux corbeilles en argent où des thyrses, des caducées, des flèches et de petites branches de bouleau s'enlaçaient d'une façon très-ingénieuse.
Jouy, L'Hermite de la Chaussée d'Antin,t. 3, 1813, p. 210. 2. Et dans une autre pièce, il aperçut, en tas, des cheminées à la prussienne, des seaux de coke rouillés, des gerbes de pincettes et de pelles, des amas de tuyaux de poêle, des coudes de tôle, des chaises percées pour les malades, des cuvettes et des pots, fêlés, égueulés, privés d'anses.
Huysmans, L'Oblat,t. 2, 1903, p. 205. SYNT. Tasse sans anses; prendre un seau, un pot par l'anse. − P. compar. [En parlant de parties du corps ou d'attitudes physiques] :
3. J'ai passé mon temps à inspecter les attitudes. Jeunes gens de la diplomatie, dont le genre est de marcher sur la pointe du pied, les épaules relevées, le dos bossu, les bras en anse et riant à chaque phrase qu'ils disent ou entendent, la tête penchée.
E. et J. de Goncourt, Journal,1860, p. 682. − Fam. Faire le pot/le panier à deux anses. Mettre les mains sur les hanches; donner le bras à deux femmes : 4. Puis, comme Goujet s'offrait, elle voulut aller avec lui; Virginie, inquiète de son mari, les accompagna. Tous les trois, en cheveux, barraient le trottoir. Le forgeron, qui avait sa redingote, tenait Gervaise à son bras gauche et Virginie à son bras droit : il faisait le panier à deux anses, disait-il; et le mot leur parut si drôle, qu'ils s'arrêtèrent, les jambes cassées par le rire. Ils se regardèrent dans la glace du charcutier, ils rirent plus fort.
Zola, L'Assommoir,1877, p. 569. Rem. Attesté ds la plupart des dict. gén., ceux du xixes. citant le plus souvent faire le pot à deux anses. B.− Au fig. 1. Loc. proverbiale. Faire danser (ou sauter) l'anse du panier. [En parlant gén. d'un(e) domestique, d'une cuisinière, peut-être p. compar. du portage de panier avec une danse publique suivie d'une quête] Faire un bénéfice sur ce qu'on achète, soit en le faisant payer à son maître plus cher qu'on ne l'a payé au fournisseur, soit en réclamant de celui-ci une ristourne sur le prix payé : 5. MlleMarie, qui avait probablement appris à compter chez son procureur, fit régler son petit carnet comme un mémoire de frais, en se ménageant sur les différens articles un petit boni de 7 livres 10 sous par semaine, qui ne laisse pas d'ajouter à ses gages de cent écus un supplément fort honnête. C'est ce qu'on appelle faire danser l'anse du panier; MlleMarie paraît s'y entendre à merveille.
Jouy, L'Hermite de la Chaussée d'Antin,t. 4, 1813, p. 79. 6. « On comprendrait, au besoin, que nos adversaires aient marchandé, quoique ceci sente furieusement une cuisinière qui va au marché et qui se débat tant qu'elle peut pour mieux faire sauter l'anse du panier. (...) »
Champfleury, Les Bourgeois de Molinchart,1855, p. 216. 7. « Ne te fâche pas non plus avec Eugénie. Cette fille est un peu hystérique, il faut la ménager. Veille soigneusement aux comptes de la cuisine. Je ne la crois pas voleuse, mais avec l'existence en partie double qu'elle a le tort de mener, il n'y aurait rien d'étonnant à ce qu'elle fît profiter un amant plus jeune qu'elle des petits bénéfices de l'anse du panier. On a vu des déchéances bien plus graves. (...) »
Miomandre, Écrit sur de l'eau,1908, p. 240. − De là : l'anse du panier. Gain (illicite) d'un(e) domestique sur ce qu'il (elle) achète pour ses maîtres. 2. Ce qui permet de saisir. Briser les anses. Briser ce qui permet de mettre la main sur, et p. ext. de dominer : 8. Car le motif, le mobile du crime, c'est l'anse par où saisir le criminel.
Gide, Les Caves du Vatican,1914, p. 818. C.− P. anal. Ce qui a la forme recourbée d'une anse. 1. GÉOGR. ,,Courbure du rivage, ayant par sa figure quelque rapport avec l'anse d'un panier ou celle d'un vase et formant dans les terres un enfoncement dont l'ouverture n'est pas très large.`` (Jal 1848); petite baie : 9. Cherbourg se trouve au fond d'une anse semi-circulaire, dont les deux extrémités sont l'île Pelée à droite, et la pointe Querqueville à gauche. L'alignement qui joint ces deux points forme la corde ou le diamètre, et court de l'est à l'ouest.
Las Cases, Le Mémorial de Sainte-Hélène,t. 1, 1823, p. 882. 10. Une après-dînée que nous étions ainsi délicieusement bercés dans le bateau, au soleil, dans une anse calme et tiède, entre deux bras du mont du Chat, au bruit lointain d'une petite cascade qui forme comme un chant perpétuel sous les grottes où elle filtre avant de se perdre dans l'abîme des eaux, nos bateliers voulurent descendre à terre pour relever des filets qu'ils avaient placés la veille.
Lamartine, Raphaël,1849, p. 207. SYNT. Anse abritée des flots, − tranquille, − ombragée. 2. Autres domaines techn. a) ANAT. Portion d'organe en forme d'arc. Anse intestinale : 11. Enfin, les deux autres bords de l'os jugal sont séparés par une apophyse, appelée zygomatique, qui s'attache à une autre que l'os temporal envoie en avant, et forme avec elle une espèce d'anse de chaque côté de la tête, appelée zygoma, arcade zygomatique ou jugale.
Cuvier, Leçons d'anat. compar.,t. 2, 1805, p. 60. 12. L'estomac forme en général une anse située dans la moitié gauche du corps...
E. Perrier, Traité de zool.,t. 4, 1893, p. 3036. 13. De plus, un des filets inférieurs [du nerf laryngé] interne s'anastomose constamment avec un filet ascendant du nerf récurrent pour former l'anse anastomotique de Galien.
G. Gérard, Manuel d'anat. hum.,1912, p. 473. b) ASTRON. Anses ou anneaux de Saturne : 14. Quand la planète Saturne a son équateur plus ou moins élevé que notre rayon visuel, nous voyons alors son anneau obliquement, et nous apercevons ses deux anses brillantes, dont l'intérieur est obscur; quand au contraire l'anneau est dans la direction de notre rayon visuel, il disparaît entièrement pour nous à cause de son peu de largeur.
Bernardin de Saint-Pierre, Harmonies de la nature,1814, p. 358. c) BOT. Anse d'anastomose. ,,Excroissance latérale portée par les filaments qui constituent le mycélium secondaire de certains champignons.`` (Lar. 20e) : 15. Les cloisons du mycélium secondaire portent latéralement une anse réunissant les deux cellules voisines.
L. Plantefol, Cours de bot. et de biol. végétale,t. 2, 1931, p. 152. d) MATH. ,,Courbe surbaissée dont la hauteur est moindre que son demi-diamètre horizontal.`` (Noël 1968). Anse de panier. ,,Courbe surbaissée formée d'un nombre impair d'arcs de cercles de rayons différents.`` (Noël 1968) : 16. L'anse de panier est plus couramment employée que l'ellipse parce qu'elle peut être tracée au compas, tandis que l'ellipse ne peut être tracée que point par point à la main, ou à l'aide d'un ellipsographe.
Lar. encyclop.,1960. − P. ext., ARCHIT. Anse de panier. ,,Courbe se rapprochant de l'ellipse et formée de trois portions de cercle, employée pour certains couronnements de baies, de voûtes, etc.`` (J. Adeline, Lex. des termes d'art, 1884). e) SERR. ,,Partie demi-circulaire d'un cadenas, que l'on fait passer dans le trou d'un piton ou crampon, et dont le bout rentre ensuite dans le cadenas.`` (Chabat 1881) : 17. [Le] moraillon est une fermeture en fer plat formé d'un trou laissant passer l'œil du piton qui reçoit l'anse d'un cadenas.
E. Robinot, Vérification, métré et pratique des travaux du bât.,t. 3, 1928, p. 76. PRONONC. − 1. Forme phon. : [ɑ
̃:s]. Enq. : /ãs/. 2. Homon. : hanse. ÉTYMOL. ET HIST. − 1. Ca 1220 « partie en forme d'arc destinée à saisir un objet » (G. de Coincy, Mir. Vierge, éd. Poquet, 663, 634 ds T.-L. : un mauvez panier sanz anse); 2. p. anal. a) 1484 mar. et géogr. ance « petite baie » (Pierre Garcie, Le grant routier et pilotage ds Jal1); b) 1567 archit. anse de panier (Ph. de L'Orme, Archit., p. 61 ds IGLF); c) 1622 fig. ance du panier « gain d'une cuisinière sur les denrées qu'elle achète » (Caq. de l'accouch., VIII ds Gdf. Compl. : Quand a mesdames les servantes, elles n'auront plus la peine de se confesser du revenu de l'ance du panier); d) 1751 astron. (Encyclop.).
Empr. au lat. ansa « anse, poignée » (Caton, Agr., 113 ds TLL s.v., 122, 84); empl. comme terme d'archit., cf. Vitruve, 2, 8, 4, ibid., 123, 36. STAT. − Fréq. abs. littér. : 383. Fréq. rel. littér. : xixes. : a) 971, b) 611; xxes. : a) 318, b) 280. BBG. − Aubert de La Rüe (E.). Le Fr. parlé aux îles Saint-Pierre-et-Miquelon. Vie Lang. 1969, no208, p. 407. − Bach.-Dez. 1882. − Barb.-Cad. 1963. − Baudr. Pêches 1827. − Baulig 1956. − Biol. t. 1 1970. − Canada 1930. − Chabat 1881. − Chesn. 1857. − Dainv. 1964. − Dauzat Ling. fr. 1946, p. 9. − Delc. t. 1 1926. − Esn. 1966. − Esn. Poilu 1919. − Forest. 1946. − Fér. 1768. − France 1907. − Gardette (P.). À l'orig. du prov. et du fr.-prov. R. Ling. rom. 1962, t. 26, p. 74. − George 1970. − Gottsch. Redens. 1930. − Gruss 1952. − Goug. Lang. pop. 1929, p. 94. − Goug. Mots t. 2 1966, pp. 88-89. − Guiraud (P.). Le Jargon de la Coquille. Cah. Lexicol. 1967, t. 11, no2 p. 46. − Jal 1848. − Jossier 1881. − Lacr. 1963. − Larch. 1880. − La Rue 1954. − Le Clère 1960. − Le Roux 1752. − Littré-Robin 1865. − Méd. Biol. t. 1 1970. − Michel 1856. − Noël 1968. − Nysten 1824. − Sandry-Carr. 1963. − Soé-Dup. 1906. − Will. 1831. |