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ANOBLIR, verbe trans.
I.− Emploi trans. Rendre noble.
A.− DROIT
1. [Le suj. et l'obj. du verbe désignent des pers.] Donner la qualité de noble ou un titre de noblesse et les droits y afférant :
1. Le maréchal de Ségur avait commis la grande faute d'exiger, au dix-huitième siècle, des preuves de noblesse pour être officier. Il fallait avoir été anobli depuis cent années pour obtenir l'honneur de défendre la patrie. Cette ordonnance irrita le Tiers État, sans que les nobles, qu'elle favorisait, fussent pour cela plus attachés à l'autorité du roi. G. de Staël, Considérations sur les princ. événements de la Révolution fr.,t. 1, 1817, p. 101.
2. L'évolution économique, par la puissance de l'argent, avait donc été néfaste à la noblesse féodale (...); son effectif s'anémiait. Mais, depuis longtemps, des bourgeois comblaient les vides dans ses rangs. De bonne heure, le prince s'attribua la faculté d'anoblir ses serviteurs; si, pour accroître ses ressources, il déléguait à prix d'argent son autorité dans l'administration, la magistrature, les finances, l'armée, il adjoignait la noblesse à certaines de ces charges pour en rehausser la valeur. G. Lefebvre, La Révolution française,1963, p. 51.
2. P. méton.
a) [La méton. porte sur l'obj.] Anoblir un nom.
b) [La méton. porte sur le suj., qui peut désigner une abstraction; l'obj. peut désigner une collectivité] :
3. − Ce sont là, Peyrot, des lettres de noblesse. − Que voulez-vous dire, Monsieur? − Comme des papiers qui anoblissent une race pour avoir longtemps bien vécu, agi, mérité. Les particules, les titres, ne sont que la consécration de cette conscience, de cette utilité d'une famille. Pesquidoux, Le Livre de raison,t. 3, 1932, p. 89.
3. Emploi abs. Il y avait autrefois des charges qui anoblissaient (Ac.1835-1932).
SYNT. Le roi, le pape anoblit; le pouvoir d'anoblir.
Locution
Le ventre n'anoblit pas. La noblesse ne se transmet pas par la mère quand elle est mariée à un roturier. [En parlant notamment des coutumes de Champagne] En ce pays, (en cette province) le ventre anoblit :
4. Une autre fois, il s'étendit sur la coutume de Champagne, où le ventre anoblissait. − « Dans ce temps-là, vous auriez été un seigneur, puisque votre mère s'appelait de Fouvens. Et on a beau dire, allez! c'est quelque chose, un nom! ... » Flaubert, L'Éducation sentimentale,t. 1, 1869, p. 120.
Rem. Emplois attestés ds la plupart des dict. gén. du xixeet du xxesiècle.
B.− P. métaph., au fig. Donner les qualités physiques ou morales propres à la noblesse. Synon. de ennoblir :
5. Ne dois-je pas semer d'agréments mon discours et embellir mon sujet des fleurs de la rhétorique? Il faut donner de la grâce aux objets les plus disgracieux et anoblir les moins nobles, c'est un précepte qu'on m'a inculqué en sixième; ... Flaubert, La Première éducation sentimentale,1845, p. 259.
SYNT. La dignité anoblit, le mot anoblit; anoblir les destinées, les êtres, le langage, les objets, les sons, le ton.
Rem. Les dict. de synon. recommandent de ne pas confondre anoblir et ennoblir mais l'usage ne les distingue pas toujours nettement. On peut cependant noter qu'ennoblir s'emploie spécialement, quoique de plus en plus rarement, pour les qualités de sensibilité ou de générosité de la personne (infra ex. 8).
II.− Emploi pronom.
A.− Acquérir légitimement la qualité de noble ou un titre de noblesse :
6. La noblesse est une fonction générale, et le séminaire des fonctions spéciales. Elle est un devoir; et loin qu'elle fût, même en France, le patrimoine exclusif de quelques familles, elle étoit l'objet et le terme des efforts de toutes les familles, qui toutes devoient tendre à s'anoblir, c'est-à-dire, à passer de l'état privé à l'état public, parce qu'il est raisonnable, et même chrétien, de passer d'un état où l'on n'est occupé qu'à travailler pour soi, à un état où, débarrassé du soin d'acquérir une fortune, puisqu'on la suppose faite, l'homme est destiné à servir les autres en servant l'État. De Bonald, Législ. primitive,t. 1, 1802, p. 110.
Péj. Se donner illégitimement à soi-même la qualité de noble ou un titre de noblesse :
7. Une des maladies du siècle et qui date déjà d'assez loin est en tout de s'anoblir le plus qu'on peut, et de se faire passer pour ce qu'on n'est pas. Molière s'en est depuis longtemps moqué, et La Fontaine aussi; ceux qui, de nos jours, s'occupent de biographie, ont pu vérifier la remarque à tout instant. Sylvain, qui est Sylvain tout court, se fait appeler M. de Sylvain, et il trouvera au besoin des actes pour justifier de son de qui est tout nouveau. Sainte-Beuve, Les Cahiers,1869, p. 114.
B.− P. métaph., au fig. Prendre les qualités physiques ou morales propres à la noblesse :
8. Un homme religieux n'est pas seulement celui qui se soumet, accepte l'ordre de l'univers; il ennoblit, s'anoblit ainsi. Il voit l'éternelle sainteté de cet univers et de la vie humaine. Barrès, Mes cahiers,t. 9, 1911, p. 11.
PRONONC. : [anɔbli:ʀ]. Enq. : /anobli/ (il) anoblit.
ÉTYMOL. ET HIST. − 1326 « conférer la noblesse » (A.N. JJ 64, fo146 rods Gdf. Compl. : Jehan de Osmont faisons noble et anoblissons perpetuellement); xves. sens fig. (Act. des apost., vol. I, fo109b, ibid.); 1690 part. passé « personne à qui l'on a conféré la noblesse » (Fur.). Dér. de noble*; préf. a-1*, dés. -ir.
STAT. − Fréq. abs. littér. : 67.
BBG. − Guizot 1864. − Kold. 1902. − Pinchon (J.). Question de vocab. 3. Fr. Monde. 1968, no60, pp. 53-54. − Pol. 1868. − Ritter (E.). Les Quatre dict. fr. B. de l'Inst. nat. genevois 1905, t. 36, p. 348. − Spr. 1967.