| ANCIEN, IENNE, adj. et subst. I.− Emploi adj. A.− [Gén. postposé] 1. [En parlant d'une chose] Qui existe depuis longtemps, vieux. Livre ancien : 1. Sur un espace de deux à trois cents yards, il n'existait pas trace d'un atterrissage, ni ancien, ni récent.
J. Verne, L'Île mystérieuse,1874, p. 63. 2. ...cet air, toujours le même, répété deux lieues durant, est un très vieil air de France, si ancien et si jeune, d'une gaieté si fraîche et de si bon aloi, qu'au bout d'un moment, nous aussi, nous le chantons avec eux.
P. Loti, Mon frère Yves,1883, p. 288. 3. Tous ces souvenirs ajoutés les uns aux autres ne formaient plus qu'une masse, mais non sans qu'on pût distinguer entre eux − entre les plus anciens, et ceux plus récents, ...
M. Proust, Du côté de chez Swann,1913, p. 186. 4. Tant qu'il est là, il se tient en permanence devant la statue de la madone, à la place même de son père et tourne et tourne la manivelle de son orgue de Barbarie, un orgue sans pareil, un instrument ancien, démodé, déglingué, émettant des sons déchirants et criards...
B. Cendrars, Bourlinguer,1948, p. 160. Rem. Autres syntagmes logement, monument, souvenir ancien; chanson, famille, idée, maison, mode, tradition ancienne. Rem. Lorsque l'adj. est antéposé, il s'ajoute volontiers une idée d'antériorité par rapport à ce qui est apparu ou a été connu ultérieurement : l'Ancien Testament, l'ancien (et le nouveau) monde. 2. [En parlant d'un type de choses ou de pers. individuelles ou coll.] Qui a existé autrefois, à une époque plus ou moins reculée : 5. ...on sentait l'approche d'une jeune tyrannie plébéienne, féconde, il est vrai, et remplie d'espérances, mais aussi bien autrement formidable que le despotisme caduc de l'ancienne royauté : ...
F.-R. de Chateaubriand, Mémoires d'Outre-Tombe, t. 1, 1848, p. 371. 6. Sur un tourniquet, des cartes postales évoquaient des images du Paris ancien et moderne.
P. Bourget, Nos actes nous suivent,1926, p. 46. Rem. Autres syntagmes les langues anciennes; l'art, le droit ancien; la civilisation, l'histoire, la littérature, la musique, la société ancienne; les lois anciennes ... Rem. 1. Lorsque l'adj. est antéposé, il s'ajoute volontiers une idée de chose dépassée, qui n'a plus cours : l'Ancien Régime, l'ancien droit (opposé à droit ancien), l'ancien temps (opposé à temps ancien), ancienne mode (opposé à mode ancienne), etc. 2. Infra B 2. B.− [Toujours antéposé] 1. [Appliqué à une pers.] Qui n'exerce plus une fonction ou une activité exercée antérieurement. Ancien ministre, professeur; anciens combattants : 7. J'avais placé là, comme garde, un ancien gendarme en retraite, ...
G. de Maupassant, Contes et nouvelles,t. 2, Le Garde, 1884, pp. 977-978. − Qui n'a plus sa qualité antérieure (exprimé par le subst. qualifié). Ancien élève : 8. Voilà la vie d'un ancien solitaire, transformé en homme du monde, et qui a perdu sa valeur réelle pour en acquérir une toute factice.
Maine de Biran, Journal,1814, p. 32. 9. On pouvait réclamer de l'université pour guides spéciaux les descendants d'anciens émigrés de la révolution de l'édit de Nantes.
J. Giraudoux, Siegfried et le Limousin,1922, p. 123. Rem. Autres syntagmes un ancien ami, locataire, rival; une ancienne relation; d'anciens camarades. 2. [Appliqué à un obj.] Qui a perdu sa destination primitive, est désaffecté ou utilisé de manière différente. Un ancien couvent : 10. En tant que membre de la commission, ce dernier s'était mis, tout seul, à nettoyer, à préparer l'ancien terrain de tennis, choisi pour lieu principal des divertissements champêtres.
G. Duhamel, Chronique des Pasquier,Le Désert de Bièvres, 1937, p. 174. 11. Mulot vivait avec eux tous dans un ancien moulin, en contre-bas de l'étang qui, jadis, alimentait une chute d'eau.
A. Gide, Feuillets d'automne,1949, p. 1093. Rem. Autres syntagmes un ancien château, hôtel, volcan; une ancienne école, église, route, etc. 3. [Dans une tournure poss., appliqué à une pers. ou à une chose] Mon ancien professeur, mon ancien quartier, mes anciennes habitudes : 12. ... c'est l'ancien appartement de mon frère Laurent? Il l'a quitté parce qu'il le trouvait trop petit, ...
G. Duhamel, Chronique des Pasquier,Suzanne et les jeunes hommes, 1941, p. 45. Rem. Comme le montre un syntagme reprendre ses anciennes habitudes, il ne s'agit pas nécessairement d'un abandon définitif. II.− Emploi subst. A.− Subst. des 2 genres. [En parlant d'une pers.] 1. Personne qui est antérieure en date dans une certaine fonction ou situation. Être l'ancien de qqn : 13. « Ah! mon conscrit, tu vas rire de ton ancien, tu le peux!... »
P. Adam, L'Enfant d'Austerlitz,1902, p. 368. − En partic. [Avec l'art. déf. et en appos. à un nom propre] Qui a vécu avant un autre personnage de même nom. Tarquin, Pline l'ancien. 2. Personne qui a quitté le corps auquel elle avait appartenu. Ancien de Polytechnique : 14. Roberto était un ancien de l'Amirauté, ...
J. Gracq, Le Rivage des Syrtes,1951, p. 128. 3. Personne âgée, vieillard : 15. D'abord, lui, Étienne, devait parler; mais il était à Montsou depuis trop peu de temps. On écouterait davantage un ancien du pays. Enfin, les camarades confiaient leurs intérêts au plus digne : il ne pouvait pas refuser. Ce serait lâche.
É. Zola, Germinal,1885, p. 1318. 16. ...il résolut de recueillir le premier les traditions, les coutumes et les légendes du département (...). Il alla dans les villages, interrogeant les anciens et les anciennes.
A. France, La Vie littéraire,t. 4, 1892, p. 91. − Vieilli. Ancêtre : 17. Que Dieu ait en sa sainte garde l'âme de mon ancien, ce digne vieillard, et que tous ses saints l'empêchent d'avoir des regrets de la vie, mon bisaïeul a tant trimé, et, eux, ils n'ont rien d'autre à faire, Cristo-Santo!...
B. Cendrars, Bourlinguer,1948, p. 150. − P. compar. : 18. Le patron souriait au chêne et lui disait tout bas : « Allons! Mon bel ancien, te voilà sauvé; je reviendrai te voir, quand tes feuilles auront poussé. » L'arbre montait, effilé, élégant, laissant tomber l'ombre vivante de ses branches sur les taillis dévastés.
R. Bazin, Le Blé qui lève,1907, p. 3. 4. Les Anciens. Écrivains, personnages de l'Antiquité. La querelle des Anciens et des Modernes : 19. ... dans le poëme moderne, l'action n'est plus partagée comme chez les Anciens entre plusieurs personnalités égales entre elles, mais entre une personnalité d'un côté et le monde de l'autre.
E. Quinet, Napoléon,1836, p. 157. 5. RELIGION a) Dans l'Écriture Sainte, l'Ancien des jours, Dieu : 20. « Dieu fort, Dieu clément, essence incréée, Ancien des jours, gloire à votre puissance, amour à votre miséricorde! »
F.-R. de Chateaubriand, Les Martyrs,t. 1, 1810, p. 177. b) Les anciens, dans les Églises protestantes, conseil de paroissiens remplissant certaines fonctions ecclésiastiques aux côtés des pasteurs. B.− Subst. masc. [En parlant d'une chose] 1. L'ancien. Le style ancien : 21. ...Crispin dont le rez-de-chaussée, autrefois tout plein d'une flamboyante rocaille dorée, de marbres, de bustes en terre cuite, d'objets de la plus haute curiosité, laisse apercevoir maintenant des meubles en imitation de l'ancien, des pendules en lyre, des feux aux sphinx du Premier Empire.
E. et J. de Goncourt, Journal,1888, p. 754. 2. [Avec valeur de neutre] L'ancien. Ce qui est ancien : 22. Car l'auteur [Sacha Guitry] aime d'amour les siècles échus, l'ancien et le solide...
Colette, Jumelle noire,1938, p. 28. 23. J'étais émue et agitée d'impatience devant l'ancien et le nouveau qui m'attendaient, devant ce que j'allais retrouver et trouver.
E. Triolet, Le Premier accroc coûte deux cent francs,1945, p. 333. C.− Loc. adv. À l'ancienne. À l'ancienne manière. Travailler à l'ancienne : 24. ...célibataire, ne voyant pas les débris lointains de sa famille, vivant en grigou dans un grand appartement de la rue de Condé, meublé à l'ancienne de bric et de broc (...). Stéphanon avait de grands besoins d'argent...
L. Daudet, Médée,1935, p. 123. DÉR. Anciennat, subst. masc.Institut des anciens dans l'Église protestante (attesté uniquement ds Littré, Guérin 1892 et Quillet 1965). Prononc. − 1. Forme phon. : [ɑ
̃sjε
̃], fém. [-εn]. Pour ce mot ainsi que pour les mots de la famille, Passy 1914 transcrit la 1resyllabe avec [ɑ
̃
ˑ] mi-long. Enq. : /ɑ
̃sje, ɑ
̃sje2n/. 2. Hist. − Pour Fér. 1768, la 1resyllabe est longue. Littré : ,,an-si-in, si-è-n' ou an-siin, siè-n'. Dans la poésie du xviiesiècle, ancien est de trois syllabes; aujourd'hui on le fait souvent de deux``. Fér. 1768 et Fér. Crit. t. 1 1787, Gattel 1841, Nod. 1844 et DG transcrivent le mot en 2 syllabes; Land. 1834 transcrit 3 syllabes : ɑn-ci-ein. − Dér. Anciennat. Seule transcription dans Littré : an-siè-na. Étymol. ET HIST. − Mil. xies. tens ancienor, génit. plur., interprété comme compar.-superl. « temps reculé » (Alexis, éd. Paris et Pannier, 1 a ds T.-L. : Bons fut li siecles al tens ancienor); 1174 « âgé (d'une pers.) » (G. de Pont-Ste-Maxence, Vie de St Thomas, éd. Hippeau, 4422, ibid. : Les plus vieux chevaliers fetes dunc assembler Et les plus anciené [lire anciiens]); 1160-1190 (Marie de France, Lais Eliduc, éd. Warnke, 93, ibid. : Vielz huem et ancïens esteit).
Du lat. vulg. *antianu (dér. de ante « avant ») par un développement demi-sav. prob. dû au sentiment que les clercs avaient de la formation du mot : dans l'a. fr. anciien, le premier i représente la prétonique interne, le second, le premier élément du groupe ye provenant de la diphtongaison du a lat. au contact de la voyelle palatale. Le groupe -i/y- se réduit à -y- au cours du xiiies. (Fouché, p. 499; voir aussi Schuchardt ds Z. rom. Philol., t. 15, p. 240 et Thomas ds Romania, t. 28, pp. 170-171). L'argument phonét. développé par EWFS2contre cette hyp. est sans obj. Le lat. *antianu, ne semble pas attesté antérieurement à l'apparition du mot en fr. (Mittellat. W., Nierm., Du Cange). STAT. − Fréq. abs. litt. : 19 980. Fréq. rel. litt. : xixes. : a) 32 102, b) 32 738; xxes. : a) 30 286, b) 21 820. BBG. − Ac. Gastr. 1962. − Allmen 1956. − Bach.-Dez. 1882. − Baudhuin 1968. − Baudr. Pêches 1827. − Baulig 1956. − Bél. 1957. − Bible 1912. − Bible Suppl. t. 1 1928. − Canada 1930. − Cohen 1946, p. 41. − Dauzat Ling. fr. 1946, p. 150. − Dheilly 1964. − DLF 17e. − Dupin-Lab. 1846. − Éd. 1913. − Esn. 1966. − Esn. Poilu 1919. − Foi t. 1 1968. − Foll. 1966. − Forest. 1946. − Guizot 1864. − Laf. 1878. − Larch. 1880. − Lasnet 1970. − Le Clère 1960. − Leloir 1961. − Lévy-Pinet 1894. − Lew. 1960, p. 245. − Macr. 1883. − Marcel 1938. − Mont. 1967. − Pierreh. 1926. − Pierreh. Suppl. 1926. − Piguet 1960. − Pope 1961[1952], § 267, 647. − Réau-Rond. 1951. − Réau-Rond. Suppl. 1962. − Spr. 1967. − Thomas (A.). Variétés étymol. Romania. 1899, t. 28, pp. 170-171. |