| AMORPHE, adj. et subst. I.− Emploi adj. Qui n'a pas de forme apparente ou de structure déterminée. A.− Dans divers domaines techn. 1. BIOL. Matière, substance amorphe. Subst. organique, mais non organisée en cellules (Littré-Robin 1865) : 1. Laissons également de côté, comme il convient, la plupart des protozoaires, presque aussi différenciés dans leurs lignes que les métazoaires. (...). Limitons ainsi notre regard à ces éléments, plus ou moins indépendants, extérieurement amorphes ou polymorphes, comme il en foisonne dans les fermentations naturelles, − comme il en circule dans nos veines, − comme il s'en accumule dans nos organes sous forme de tissus conjonctifs.
P. Teilhard de Chardin, Le Phénomène humain,1955, p. 82. Rem. Ac. Compl. 1842 signale amorphote, terme de zool. (empr. au gr. α
̓
μ
ο
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ρ
φ
ω
τ
ο
ς) « Qui n'a point de forme déterminée ». 2. CHIM. État amorphe, substance amorphe. ,,Exempt de structure cristalline`` (Delorme 1962), ou ,,dont la forme cristalline, si elle existe, n'est pas mise en évidence jusqu'ici par nos moyens d'investigation`` (Duval 1959). État amorphe du phosphore (Lar. 19e); allumettes de phosphore amorphe (DG); phosphore amorphe (Ac. t. 1 1932, Rob.); structure amorphe (H. Fontaine, Électrolyse, 1885, p. 766); graines amorphes de carbonate de chaux (A. de Lapparent, Abrégé de géologie, 1886, p. 128). 3. GÉOL., MINÉR. ,,Qui ne montre pas de forme`` (Plais.-Caill. 1958) ; amorphe à l'échelle de l'œil (Plais.-Caill. 1958) : ,,s'entend souvent de minéraux qui ne réalisent pas extérieurement leurs formes cristallines (ex. quartz des filons) ou dont l'œil ne saisit pas la forme en raison de la petite taille des particules (argiles)`` (Plais.-Caill. 1958); amorphe à l'échelle du micron ou de l'angström (Plais.-Caill. 1958) : ,,définit un état de matière caractérisé par l'absence de régularité dans l'arrangement des atomes, ne donnant ni biréfringence ni spectres de rayons X.`` (Plais.-Caill. 1958). Argile amorphe, structure ou texture amorphe; minéraux amorphes (Lar. 19e); conglomérat amorphe (A. Arnoux, Algorithme, 1948, p. 109). Les amorphes : ,,Nom spécifique des minéraux qui se présentent en masses irrégulières`` (Besch. 1845) : 2. L'or à l'état natif se rencontre amorphe ou cristallisé ...
E. Cumenge, F. Robellaz, L'Or dans le monde,1898, p. 6. 4. B.-A. (Mus., versif.). Qui apparaît aux sens dépourvu de forme définie : 3. ... Si les formules harmoniques sont en quelque sorte amorphes (comme les septièmes diminuées, les quintes augmentées, etc.), l'effet résultant [de la modulation] sera indéterminé [au point de vue éclairement ou assombrissement]...
V. d'Indy,Cours de composition musicale,t. 2, 1897-1900, p. 257. 4. ... le pied, le mètre, l'hémistiche, le vers, le distique, la strophe, le poème... par leurs diverses combinaisons produisent un rythme organique ou amorphe...
H. Thieme, Essai sur l'histoire du vers français,1916, pp. 176-177. B.− P. anal. [En parlant d'une pers., d'une collectivité] Qui a une personnalité inconsistante, un type apathique, un caractère peu énergique. La masse ignorante et amorphe (L. Daudet, Sylla et son chien, 1922, p. 224) : 5. « Ils sont condamnés. Regardez-les : de père en fils, on les voit se débiliter, devenir de plus en plus amorphes, inexistants, incapables de participer à quelque effort neuf! »
R. Martin du Gard, Jean Barois,1913, p. 333. − [En parlant de tout ce qui se rapporte à une pers.] Style, carrière amorphe : 6. À la bibliothèque, un « Dictionnaire des Contemporains » retraçait en peu de mots la carrière amorphe de Julius, donnait les titres de ses ouvrages, les louait en termes convenus, propres à rebuter tout désir.
A. Gide, Les Caves du vatican,1914, p. 721. II.− Emploi subst. A.− Subst. masc. 1. CARACTÉROL. Individu dont la personnalité est inconsistante : 7. Les amorphes sont légion. J'entends par là ceux qui n'ont pas de forme qui leur soit propre.
T. Ribot, Psychol. des sent.,386 (Foulq.-St-Jean1962). 8. L'indifférencié inférieur l'est par carence de personnalité; âme sans structure ni lisières, il ne peut que vivre dans la confusion, ou bien chatoyer dans une sorte de caméléonisme inconsistant. Ainsi les amorphes (...) que cette inconsistance même dispose aux travestissements du théâtre. Parfois cet amorphisme de base est masqué par une affirmation véhémente et théâtrale où le geste éloquent essaye de mimer l'assurance intime...
E. Mounier, Traité du caractère,1946, p. 567. 2. ENTOMOL. Papillon crépusculaire qui correspond au genre smérinthe (cf. Lar. 19e). − Subst. masc. plur. Dénomination sous laquelle quelques auteurs ont réuni les larves d'une grande partie des insectes hexapodes et tétraptères (cf. Besch. 1845, Lar. 19e). B.− Subst. masc. ou fém., BOT. ,,Arbuste de l'Amérique septentrionale, de la famille des légumineuses, connu des jardiniers sous le nom d'indigo bâtard.`` (Lar. 19e, Nouv. Lar. ill.). Rem. 1. Masc. ds Guérin 1892; fém. ds Besch. 1845, Lar. 19e, Nouv. Lar. ill. 2. Dér. Amorphie, subst. fém., hist. naturelle. ,,Absence de forme déterminée; difformité; désordre dans la conformation`` (Littré-Robin 1865 et Bél. 1957); synon. amorphisme; cf. Le journal de chimie et de physique, 1926, p. 566. Amorphophyte, subst. masc., bot. ,,Plante dont les fleurs sont irrégulières ou anomales`` (Ac. Compl. 1842). Amorphozoaires, subst. masc. plur. Animaux sans forme déterminée; ,,division établie par Blainville qui répond avec les actinozoaires aux rayonnés de Cuvier`` (Lar. 19e), ,,les spongiaires`` (Littré-Robin 1865). Prononc. : [amɔ
ʀf]. − Dér. Amorphie : [amɔ
ʀfi]. Étymol. ET HIST. − 1. 1784 minér. « qui n'a pas de forme déterminée » (Bergmann, Manuel du minéralogiste, trad. par M. Mongez le jeune, Paris, 1784, introd. p. 33 : Fer natif, minéralisé, en chaux ... amorphe); 2. 1896 caractérol. « dont la personnalité est inconsistante », supra ex. 7.
Empr. au gr. α
́-μ
ο
ρ
φ
ο
ς « sans forme » (Platon, Tim., 5la ds Bailly); sens 2 anal. du sens 1.
− Amorphie, amorphophyte, amorphozoaire, 1838 (Ac. Compl. 1842). STAT. − Fréq. abs. litt. : 103. BBG. − Bailly (R.) 1969 [1946]. − Baulig 1956. − Bél. 1957 (et s.v. amorphie). − Bénac 1956. − Boiss.8. − Bouillet 1859. − Darm. 1877, p. 234. − Delorme 1962. − Duval 1959. − Foulq.-St-Jean 1962. − Fromh.-King 1968. − Goblot 1920. − Julia 1964. − Lafon 1963. − Lar. méd. 1970. − Littré-Robin 1865 (et s.v. amorphie, amorphozoaire). − Nysten 1814-20. − Piéron 1963. − Plais.-Caill. 1958. − Rey-Cottez 1968, t. 36, p. 333. − Sc. 1962. − Séguy 1967. − Uv.-Chapman 1956. |