| AMORCE, subst. fém. A.− 1. PÊCHE. Appât fixé au bout de la ligne pour attirer le poisson et l'inciter à y mordre en vue de sa capture. Prendre des poissons avec de l'amorce; mettre l'amorce à l'hameçon (Ac. 1835-1932) : 1. Il pêcha à la ligne, sut distinguer (...) les diverses amorces qui tentent les divers poissons.
G. de Maupassant, Contes et nouvelles,t. 1, Bombard, 1884, p. 973. 2. Le plus souvent il oubliait de mettre une amorce à sa ligne ou même un hameçon.
P. Claudel, Sous le rempart d'Athènes,1927, p. 1130. ♦ Amorce vive. Poisson vivant utilisé en guise d'amorce. Rem. Attesté ds Ac. Compl. 1842, Besch. 1845, Lar. 19e-Lar. encyclop. − P. ext., PÊCHE et CHASSE. Appât généralement composite et disposé en lieu fixe ou en ordre dispersé, en vue d'attirer et de capturer les poissons, parfois les oiseaux, plus rarement tout autre animal : 3. ... ils leur [aux animaux] tendaient des piéges, en attachant une amorce à un arc fortement bandé : l'animal, en dévorant cette amorce, fait partir une détente qui pousse une flèche dirigée vers l'appât.
Voyage de La Pérouse autour du monde,t. 3, 1797, p. 107. 2. Au fig. Ce qui attire et séduit l'homme (généralement avec une idée de développements ultérieurs) en flattant ses sens ou son esprit. Les amorces de la volupté (Ac. 1835-1932) : 4. Petit-Claud était un de ces hommes profondément retors et traîtreusement doubles, qui ne se laissent jamais prendre aux amorces du présent ni aux leurres d'aucun attachement...
H. de Balzac, Les Illusions perdues,1843, p. 682. 5. Il [Gavarni] connaît, comme Marivaux, toute la puissance de la réticence, qui est à la fois une amorce et une flatterie à l'intelligence du public.
Ch. Baudelaire, Curiosités esthétiques,1867, p. 198. 6. De toutes les attractions, la plus puissante pour l'humanité primitive a probablement été celle exercée par la pêche. (...). Les ressources nourricières de la mer ont été l'amorce par laquelle le terrien qu'est l'homme a été attiré vers cet élément étranger auquel il s'est habitué, dont il est devenu l'hôte et pour ainsi dire le commensal.
P. Vidal de La Blache, Principes de géographie humaine,1921, p. 264. − En partic., dans la lang. érotique : 7. Elle lui jeta un de ces coups d'œil que les femmes nomment une amorce.
P.-A. Ponson du Terrail, Rocambole,t. 4, Les Exploits de Rocambole, 1859, p. 223. Rem. Syntagmes rencontrés (surtout en poésie) douce amorce, mielleuse −, perfide −, trompeuse amorce. B.− P. ext. Ce qui permet de déclencher une opération (généralement difficile) ou en commande la suite. 1. PYROTECHNIE. Ce qui fait exploser une charge. a) Poudre à canon ou pulvérin que l'on mettait dans le bassinet d'un fusil, ou sur la lumière d'un canon pour faire partir un coup. (L') amorce (est bien) sèche; (l') amorce (est) mouillée : 8. ... tout à coup, il s'arrête, descend de cheval, renouvelle l'amorce de sa carabine et de ses pistolets, ...
Stendhal, De l'Amour,1822, p. 250. 9. ... l'amorce était mouillée, le fusil fit long feu.
H. Pourrat, Gaspard des montagnes,La Tour du Levant, 1931, p. 280. b) Petite quantité d'explosif puissant détonant à la percussion et provoquant la déflagration de la charge principale d'une cartouche, d'un obus, d'une mine, d'une charge de dynamite, etc. : 10. ... Pencroff, relayé par Nab, fit si bien que, vers quatre heures du soir, le trou de mine était achevé. Restait la question d'inflammation de la substance explosive. Ordinairement, la nitro-glycérine s'enflamme au moyen d'amorces de fulminate qui, en éclatant, déterminent l'explosion. Il faut, en effet, un choc pour provoquer l'explosion, et, allumée simplement, cette substance brûlerait sans éclater.
J. Verne, L'Île mystérieuse,1874, p. 159. 11. On utilise les propriétés éminemment explosives du fulminate de mercure pour la préparation des capsules et des amorces ou détonateurs; ...
P.-F. Chalon, Les explosifs modernes,1911, p. 99. − Loc. (Réussir une opération militaire) sans brûler une amorce. ,,Sans tirer un coup de fusil.`` (Besch. 1845) : 12. Eh bien, on le poursuivra ainsi jusqu'à Paris sans brûler une amorce.
A. Dumas Père, Le Comte de Monte-Cristo,t. 1, 1846, p. 133. − P. anal. Objet servant de jouet et consistant en une petite masse de détonateur, généralement de fulminate de mercure, collée entre deux rondelles de papier, et que l'enfant fait détoner, pour le plaisir du bruit, par le choc d'un chien de pistolet, d'un caillou, d'un talon clouté, etc. Pistolet à amorce : 13. − Voici deux pétards pour toi, dit-elle en me jetant des bonbons enveloppés de ces papiers dorés qui contiennent une amorce.
F. Mauriac, La Robe prétexte,1914, p. 12. 2. a) Ce qui est destiné à engager une opération comportant une suite ou à l'accélérer. − CHIM. Élément de substance cristallisée placé dans une solution saturée ou sursaturée pour provoquer ou accélérer la cristallisation du sel dissous : 14. La précipitation du carbonate de magnésie est (...) augmentée par la présence, sur les parois de la bâche, de dépôts de carbonate de magnésie qui servent d'amorce.
E. Boullanger, Malterie, brasserie,1934, p. 31. − TECHNOL. Petite quantité d'eau versée dans une pompe pour l'amorcer. Rem. Attesté ds Lar. 19e, Littré, Guérin 1892, Nouv. Lar. ill., Rob. b) P. ext. Ce qui sert à engager et à effectuer une opération progressive. − BIJOUT., ORFÈVR. Dissolution d'or, d'argent ou de platine dans laquelle on trempe une lame métallique pour la plaquer d'un de ces métaux. Rem. Attesté ds Ac. Compl. 1842, Besch. 1845, Lar. 19e, Littré, Guérin 1892, Nouv. Lar. ill., DG, Lar. encyclop. − BIOLOGIE : 15. Certains auteurs supposent l'existence dans le cytoplasme d'éléments analogues aux gènes du noyau, les plasmagènes, doués d'autoreproduction et capables de se transmettre. Deux autres hypothèses, celle des équilibres de flux (Monod, Cohen) et celle des germes ou amorces, ont été également proposées.
Hist. générale des sciences,t. 3, vol. 2, 1964, p. 705. − INFORMAT. ,,Partie d'un programme qui commande la lecture d'instructions [et] entraînant la lecture d'instructions suivantes jusqu'à l'enregistrement du programme complet.`` (Guilh. 1969). C.− P. méton. Phase initiale ou d'incitation d'un travail comportant une suite; résultat de cette opération. 1. Phase initiale d'une opération continue demandant à son début un supplément d'effort. a) TECHNOL. Opération consistant à aspirer à travers un tuyau une petite quantité d'un liquide à transvaser, qu'on laisse ensuite s'écouler par son propre mouvement : 16. Pour vider une cuve dans une autre par un tuyau de caoutchouc, une simple amorce suffit.
J. Cocteau, Les Enfants terribles,1929, p. 138. b) Au fig. : 17. ... ils se sont fait une mentalité de ligueurs, oubliant que La Ligue n'était sans doute point une institution de la royauté, mais qu'elle en était une maladie au contraire, et l'annonce et l'amorce des temps futurs, le commencement de l'intrigue...
Ch. Péguy, L'Argent,1913, p. 1123. 2. Résultat de cette partie d'un travail; début de proportion généralement modeste d'un travail, mais assez avancé pour donner une idée de la suite. a) Diverses techn. − ARCHIT. Partie de muraille laissée inachevée, mais de manière à pouvoir être continuée plus tard : 18. C'est (...) une maison dont les planchers ne sont pas commencés, qui regarde les étoiles entre l'amorce de quatre murs...
É. Estaunié, Le Silence dans la campagne,1925, p. 124. 19. Partout des échafaudages, des amorces d'escaliers, tout cela entourant les vieilles bâtisses couleur de ruines calcinées.
J. Green, Journal,1936, p. 58. Rem. Attesté ds Ac. 1878-1932, Guérin 1892, Rob., Lar. encyclop., Quillet 1965. − P. ET CH. Commencement de percement d'une rue ou d'une route nouvelle : 20. La jetée s'étend blanche et droite, comme l'amorce d'une route inachevée...
P. Louys, Aphrodite,1896, p. 174. − TECHNOL. ,,Début de percement de trou ou d'ouverture.`` (Barb.-Cad. 1963). b) P. anal., domaine de la création littér. : 21. Sur un grand nombre de sujets, il [Barrès] avait des enveloppes, des chemises jaunes, vertes ou rouges, contenant des brouillons, des amorces de développements, une page à demi rédigée...
J. Tharaud, Mes années chez Barrès,1928, p. 96. 22. Je n'étais même pas sans me féliciter d'avoir dès maintenant, avec mes petits poèmes en prose redevenus disponibles, l'amorce d'un autre recueil qui ne demanderait qu'à se compléter.
J. Romains, Les Hommes de bonne volonté,La Douceur de la vie, 1939, p. 96. 3. P. ext. Tout élément constituant le début d'un produit (généralement en forme de bande). − CIN. Élément de film ne comportant pas d'impression, collé au début d'une bobine : 23. L'amorce, placée au début de la bande [cinématographique] sert (...) à amorcer le film sur l'appareil projecteur, ...
H. de Graffigny, Cours de cinématographie,1923, p. 164. 24. Les trois bandes, paroles, musique et effets, devant être synchrones, le monteur les munira, comme nous l'avons déjà dit, de bouts de pellicule voilée, appelés amorces de mélange.
Le Montage du film (la mise au point du montage avant le mixage), École technique du cinéma par correspondance,cours no14, 1945, p. 40. Rem. Attesté ds Lar. encyclop. et Cinéma 1968. − ÉLECTRON. Amorce d'une bande magnétique. Partie de ruban dépourvue de couche magnétique. Rem. Attesté ds Lar. encyclop. et Voyenne 1967. − JOURN. ,,Début à la une d'un article trop long pour y figurer tout entier.`` (Voyenne 1967). DÉR. Amorce-siphons, subst. masc.,technol. Instrument utilisé pour la mise en action d'un siphon (R. Brunet, Le Matériel vinicole, 1925, p. 479). Prononc. : [amɔ
ʀs]. Étymol. ET HIST. − 1. Fin xiiies. amorse « appât (au fig.) » (B. de Condé, Voie de Parad., 370 ds Gdf. Compl. : La pomme morse Dont deables nous fit amorse Pour nous prendre); ca 1393 id. « appât (sens propre) » (Ménagier de Paris, II, 63, éd. par la Soc. des Bibliophiles français ds T.-L. : se il veult faire amorse de une vielle beste morte, faire le peut); 1680 pêche amorce (Rich. : Amorce, ce qu'on met au bout de la ligne pour attraper le poisson); 2. p. anal. a) 1559 amorche « petite troupe destinée à attirer l'ennemi » (Amyot, Pompée, 20 ds Hug. : Pompeius marchant incontinent droit à luy ... luy attiltra une amorche de dix cohortes, qu'il envoya piller la campagne); b) 1616-1620 amorce « ce qui sert à communiquer le feu à la poudre d'une arme, d'une mine » (Aubigné, Hist., II, 135 ds Gdf. Compl. : Ce jeune homme et ses compagnons ne faillirent pas, des qu'ils ouirent siffler l'amorce [de la mine], de prendre leur course).
Part. passé fém. pris substantivement de l'anc. verbe amordre « mordre » d'où « attirer, amorcer » attesté du xiieau xvies. (Gdf.), du lat. pop. *admordĕre, class. admordēre, voir mordre. STAT. − Fréq. abs. litt. : 233. Fréq. rel. litt. : xixes. : a) 234, b) 238; xxes. : a) 219, b) 531. BBG. − Bach.-Dez. 1882. − Bailly (R.) 1969 [1946]. − Bar. 1960. − Barb.-Cad. 1963. − Baudr. Chasses 1834. − Baudr. Pêches 1827. − Bél. 1957. − Bénac 1956. − Boiss.8. − Bouillet 1859. − Bruant 1901. − Chabat t. 1 1875. − Chesn. 1857. − Cinéma 1968. − Comm. t. 1 1837. − Daire 1759. − Darm. Vie 1932, p. 97. − Delorme 1962. − Dup. 1961. − Duval 1959. − Électron. 1963-64. − Fér. 1768. − Grand. 1962. − Gruss 1952. − Guilh. 1969. − Jossier 1881. − Laf. 1878. − Lar. comm. 1930. − Le Clère 1960. − Noter-Léc. 1912. − Pollet 1970. − Prév. 1755. − Regula (M.). Etymologica In : [Mélanges Gamillscheg (E.)]. München, 1968, p. 484. − Sc. 1962. − Uv.-Chapman 1956. − Voyenne 1967. − Will. 1831. |