| AMOINDRIR, verbe trans. I.− Emploi trans. Rendre moindre. A.− [L'obj. désigne une chose concr. ou abstr.] Amoindrir qqc.Réduire la quantité, la qualité, la valeur, la portée; rendre plus menu. Anton. agrandir (une chose concrète); augmenter, renforcer, accroître : 1. ... la grande difficulté est toujours de savoir ce qui dépend de nous ou n'en dépend pas et de connaître par là précisément où gît notre bien ou notre mal, si telle affection passionnée (l'amour par exemple) dépend en partie de nous en ce que nous pouvons renforcer ou amoindrir le sentiment, l'inclination naturelle et spontanée, tantôt en recherchant ou en cultivant plus ou moins assidûment son objet, tantôt au contraire en le fuyant ou cherchant à lui échapper...
Maine de Biran, Journal,1822, p. 346. 2. Son assiduité, le charme de ses manières, sa complaisance finirent par neutraliser les scrupules et par amoindrir les obstacles.
H. de Balzac, Splendeurs et misères des courtisanes,1847, p. 107. 3. J'ai dit adieu aux ruines de Thèbes; le mardi 14 mai, ma cange a quitté cet incomparable pays. Je suis resté debout sur l'habitacle tant que j'ai pu apercevoir les pylônes de Karnac et les colosses de Gournah. À chaque coup de rames l'éloignement les amoindrissait à mes yeux...
M. Du Camp, Le Nil, Égypte et Nubie,1854, p. 259 4. Ce qui est redoutable, c'est de voir sa pensée se refléter dans un miroir qui la déforme et l'amoindrit.
R. Rolland, Jean-Christophe,La Foire sur la place, 1908, p. 791. − Emploi abs., vx. Ces lunettes amoindrissent (Lar. 19e). Elles rendent la vision des objets moindre (cité également ds Littré). B.− [L'obj. désigne une pers.] Diminuer ses moyens, sa vigueur physique ou intellectuelle. Anton. fortifier : 5. Il n'a pas cinquante ans, et la peur l'a tellement amoindri, si l'on peut parler ainsi, que, dès qu'il parle des Jacobins et des projets du comité directeur de Paris, on lui trouve la physionomie d'un vieillard de quatre-vingts ans...
Stendhal, La Chartreuse de Parme,1839, p. 92. 6. Donc aussi toutes les barrières qui séparent d'une façon absolue les hommes, soit dans le temps, soit dans l'espace, et qui s'opposent ainsi à leur communication mutuelle et à leur perfectionnement, appauvrissent, amoindrissent la vie de l'individu.
P. Leroux, De l'Humanité,t. 1, 1840, p. 181. − Rare. [En parlant du physique] Faire paraître moindre : 7. Je l'avais pensé en voyant à son cou la cravate de commandeur de la légion d'honneur, mais je n'en « pouvais croire mes yeux », tant il était amoindri, appauvri de prestance et d'allure par les proportions de l'église et sa lumière.
V. Larbaud, Journal,févr. 1932, p. 263. Rem. Ac. 1835, Besch. 1845, Lar. 19e, Littré, Ac. 1878, Guérin 1892, Nouv. Lar. ill. notent un emploi intrans. ,,Son revenu en amoindrira considérablement.`` (Ac. 1835). Cet emploi est tombé en désuétude au profit de l'emploi pronominal. II.− Emploi pronom. Devenir moindre. A.− Gén. emploi pronom. passif. Perdre de sa vigueur physique ou intellectuelle : 8. Elle dit cent fois qu'elle est bête, que l'esprit s'amoindrit en aimant, qu'une grande sensibilité fait du tort à l'intelligence et réciproquement, enfin c'est tout du long et tout justement votre opinion sur cette matière.
M. de Guérin, Correspondance,1838, p. 339. 9. ... l'état matériel s'améliore, le progrès intellectuel s'accroît, et les nations au lieu de profiter s'amoindrissent : d'où vient cette contradiction?
F.-R. de Chateaubriand, Mémoires d'Outre-Tombe, t. 4, 1848, p. 584. 10. Dans les grandes sociétés la famille se démembre et s'amoindrit; mais en l'absence de toute autre société, elle s'étend, elle se développe, elle se ramifie sans se diviser.
N.-D. Fustel de Coulanges, La Cité antique,1864, p. 138. 11. Cependant, l'illusion qui fait agir les amants avec tant de force se dissipe ou s'amoindrit lorsque le dessein poursuivi par le génie de l'espèce a été réalisé, lorsque l'individu nouveau, celui qui perpétuera le type est conçu.
J. de Gaultier, Le Bovarysme,1902, p. 175. B.− Rare, emploi pronom. réfléchi. Diminuer volontairement ses propres mérites : 12. Toujours prête à s'amoindrir, à s'effacer devant autrui. Si le mot « modestie » n'existait pas, il faudrait l'inventer pour elle.
A. Gide, Journal,1944, p. 273. Prononc. : [amwε
̃dʀi:ʀ], j'amoindris [ʒamwε
̃dʀi]. Passy 1914 note une durée mi-longue pour la 2esyllabe du mot. Enq. : /amwẽdʀi, amwẽdʀis/. Conjug. agir. Étymol. ET HIST. − [Fin xiies. amanrir, amenrir « rendre moindre » (St Bern., 572 ds Littré, s.v. amoindrir : Et si vostre penitence estoit amanrie)]; 1340 amoindrir « id. ». (A.N. K 2224 ds Gdf. Compl. : En admoindrissant son droit, say signorie, son estet et say juridicion).
Dér. de moindre*; préf. a-1*, dés. -ir [les formes amanrir, amenrir dérivent de manre, menre, formes de moindre en a. fr.]. STAT. − Fréq. abs. litt. : 156. BBG. − Bailly (R.) 1969 [1946]. − Bar 1960. − Bél. 1957. − Bénac 1956. − Boiss.8. − Caput 1969. − Dup. 1961. − Fér. 1768. − Laf. Suppl. 1878. − Lav. Diffic. 1846. − Noter-Léc. 1912 |