| AMBRE1, subst. masc. A.− Ambre gris, ou absol. ambre. 1. Substance organique molle, de couleur généralement cendrée, au parfum musqué, provenant des excrétions du cachalot et que l'on rencontre flottant sur les mers ou rejetée sur les côtes de certaines régions tropicales. Grain d'ambre, odeur d'ambre, sentir l'ambre : 1. ... ajoutez à leurs bases les rivages des Moluques, (...) : figurez-vous leurs grèves ombragées de cocotiers, parsemées d'huîtres perlières et d'ambre gris; les madrépores de l'Océan Indien, les coraux de la Méditerranée, croissant, par un été perpétuel, à la hauteur des plus grands arbres, au sein des mers qui les baignent;
J.-H. Bernardin de Saint-Pierre, Harmonies de la nature,1814, p. 351. 2. Sur les plages des îles de Sumatra (...) on rencontre, rejetées par le flot, des masses grises, poreuses comme de la ponce et dégageant une odeur musquée : c'est l'ambre gris.
H. Coupin, Animaux de nos pays,dict. pratique, 1909, p. 48. 3. N'est-ce pas déjà trop que de temps à autre une sécrétion d'origine morbide sorte de nous comme l'ambre gris des baleines, enrichissant ceux qu'elle embaume avec le souvenir d'une douleur.
J. Cocteau, Essai de critique indirecte,1932, p. 195. − En partic. Cette substance utilisée comme condiment, aromate ou reconstituant : 4. Il est bien que tout le monde sache que si l'ambre, considéré comme parfum, peut être nuisible aux profanes qui ont les nerfs délicats, pris intérieurement il est souverainement tonique et exhilarant; nos aïeux en faisaient grand usage dans leur cuisine, et ne s'en portaient pas plus mal. J'ai su que le maréchal de Richelieu, de glorieuse mémoire, mâchait habituellement des pastilles ambrées; ...
J.-A. Brillat-Savarin, Physiologie du goût,1825, p. 342. 5. ... il remarqua sur le mur oriental cette inscription en lettres d'or : « Le caoué des Arabes, autrement dit cavé, est une herbe qui croit en abondance dans l'Empire du Turc, et qu'on appelle dans l'Inde l'herbe miraculeuse (...). Les personnes de condition l'adoucissent avec le sucre et l'aromatisent avec l'ambre gris.
V. Hugo, Le Rhin,1842, pp. 214-215. 2. Parfum suave, tenace, réputé riche, dégagé par l'ambre ou tiré de lui ... des parfums (...) riches (...) / Comme l'ambre, le musc, le benjoin et l'encens, qui chantent les transports de l'esprit et des sens. (Ch. Baudelaire,Les Fleurs du Mal, Correspondances,1857) 6. ... le théâtre est mon atmosphère. Là, seulement, je respire à mon aise; l'odeur des chandelles fumeuses me vaut mieux que civette, benjoin, ambre gris, musc et peau d'Espagne. Le relent des coulisses flaire à mon nez comme baume.
T. Gautier, Le Capitaine Fracasse,1863, p. 190. 7. ... Il poursuit le songe inachevé.
Quel éblouissement inattendu l'enlace?
Une tente aux longs plis de soie, aux cordes d'or;
De somptueux coussins posés de place en place;
Des cassolettes où l'ambre qui fume encor
Unit son tiède arome aux frais parfums des roses,
Filles des chauds soleils de Perse et de Lahor; ...
Ch.-M. Leconte de Lisle, Poèmes tragiques,Le Lévrier de Magnus, 1886, p. 125. 8. ... grisez-nous, flacons d'autrefois :
Senteurs en des moissons de toisons recélées,
Chairs d'ambre, chairs de musc, bouches de giroflées.
J. Moréas, Les Cantilènes,Funérailles, 1886, p. 101. 9. Au souk des parfums, Sadouk-Anoun est toujours assis en savetier dans sa boutique, petite comme une niche, au plancher à hauteur d'appui, encombrée de fioles; mais les parfums qu'il vend sont aujourd'hui falsifiés. J'ai donné à Valéry, en rentrant à Paris, les deux derniers flacons authentiques, que j'ai vu Sadouk-Anoun remplir, encore avec une pipette, d'essence de pommes et, goutte à goutte, d'ambre précieux.
A. Gide, Journal,Feuilles de route, 1896, p. 70. − Par métaph. [Pour évoquer un raffinement de luxe] :
10. Mes chants, aimés de Flore et de ses sœurs divines,
N'ont point l'ambre et le fard des muses citadines.
Je ne viens point t'offrir, dans mes vers ingénus,
De ces bergers français à Palès inconnus.
Ma muse grecque et simple et de fleurs embellie,
Visitant son Alphée et ta noble Italie,
A retenu les airs qu'en ces lieux séducteurs
Souvent à son oreille ont chanté les pasteurs.
A. Chénier, Bucoliques,Dédicaces, 1794, p. 298. 11. Il en ouvrit un autre : Introduction à la vie dévote de saint François de Sales. Certes, il n'éprouvait aucun besoin de le relire, malgré ses mignardises et sa bonhommie tout d'abord charmante mais qui finissaient par vous écœurer, par vous poisser l'âme avec ses dragées aux liqueurs et ses fondants; en somme cette
œuvre si vantée dans le monde des Catholiques était un julep parfumé à la bergamote et à l'ambre. Cela sentait le mouchoir de luxe secoué dans une église où persistait un relent d'encens.
J.-K. Huysmans, En route,t. 2, 1895, p. 239. − Loc. [En parlant d'une pers.] Fin comme l'ambre. Qui a l'esprit fin et pénétrant (comme le parfum de l'ambre) : 12. − Je voudrais y voir M. le Maréchal, reprit le baron avec impatience, entre une noblesse riche bien unie, qui nous méprise ouvertement et se moque de nous toute la journée, et des bourgeois menés par des Jésuites fins comme l'ambre, qui dirigent toutes les femmes un peu riches.
Stendhal, Lucien Leuwen,t. 1, 1836, p. 45. 13. « Oriane de Guermantes, qui est fine comme l'ambre, maligne comme un singe, douée pour tout, qui fait des aquarelles dignes d'un grand peintre (...), c'est le sang le plus pur, le plus vieux de France.
M. Proust, À la recherche du temps perdu,Le Côté de Guermantes 2, 1921, p. 447. B.− Ambre blanc. Substance blanche qui se trouve dans la tête du cachalot ou de la baleine. Synon. blanc de baleine, spermaceti. |