| ALLUMETTE, subst. fém. A.− Fin fragment de bois (ou d'autre matière combustible) enduit à l'une de ses extrémités d'une composition chimique inflammable généralement par frottement, et servant à allumer : 1. Le scintillement lumineux qui maintenant m'arrive de la lune et la flamme que je vais tirer tout à l'heure d'une allumette chimique pour allumer ma pipe, tout cela n'est-ce pas la lumière? et la même partout, une et identique, quoique l'une vienne de quatre-vingt mille lieues à travers des créations inconnues et que l'autre tienne dans ma main et parte à la pression de l'ongle.
G. Flaubert, Correspondance,1846, p. 298. 2. Des gestes lents, somnambuliques; de temps en temps, le frottement d'une allumette de cire, la petite flamme et sa cigarette qui s'allume, toujours avec le même mouvement méthodique.
E. et J. de Goncourt, Journal,mars 1862, p. 1049. 3. Les enfants entendirent le reniflement de l'allumette enfoncée dans la bouteille phosphorique. L'allumette chimique n'existait pas encore; le briquet Fumade représentait à cette époque le progrès.
V. Hugo, Les Misérables,t. 2, 1862, p. 162. Rem. 1. Autrefois, les 2 extrémités de l'allumette pouvaient s'enflammer. D'où l'expr. faire servir une allumette deux fois (J. Renard, Journal, 1906, p. 1065). 2. S'emploie aussi dans le domaine des jeux (jeu des allumettes; cf. Littré, Guérin 1892 et Alleau 1964) comme élément matériel de certaines combinaisons. 3. Syntagmes fréq. a) allumette chimique, oxygénée, phosphorique, suédoise; b) − de contrebande, de ménage, de sûreté; c) boîte, bout, lueur, paquet d'allumettes; d) allumer, craquer, enflammer, éteindre, (faire) flamber, frotter, gratter, souffler une −. ♦ Allumette-bougie. Mèche de coton enduite d'un mélange de stéarine et de cire, brûlant lentement : 4. Pour éclairer les marches, le journaliste enflammait de temps en temps une allumette-bougie.
G. de Maupassant, Bel Ami,1885, p. 326. 5. Quand nous fûmes dans la nuit noire, il alluma une allumette-bougie, la donna au père Jacques, dit à celui-ci de se diriger avec son allumette vers le milieu de la Chambre Jaune, à l'endroit où brûlait, cette nuit-là, la veilleuse. Le père Jacques, qui était en chaussons (il laissait à l'ordinaire ses sabots dans le vestibule), entra dans la Chambre Jaune avec son bout d'allumette, et nous distinguâmes vaguement, mal éclairés par la petite flamme mourante, des objets renversés sur le carreau...
G. Leroux, Le Mystère de la chambre jaune,1907, p. 33. ♦ Allumette-tison. Allumette faite ,,d'une pâte analogue à celle des suédoises, mais avec, en plus, du phosphore amorphe et de la sciure`` (Lar. encyclop.; cf. aussi Rob., Quillet 1965) : 6. Il fait chaud. Amoureuses les allumettes tisons se vautrent sur leur frottoir, c'est le printemps...
J. Prévert, Paroles,1946, p. 19. B.− P. anal. 1. [P. anal. de forme] a) [En parlant d'une chose] GASTR. ,,Menus apprêts que l'on sert comme hors-d'œuvre, ou comme petite entrée. Les allumettes se composent de rectangles de feuilletage, garnis diversement et cuits au four. On appelle aussi allumettes des petits gâteaux faits également avec du feuilletage, et fourrés ou garnis d'appareils divers, ainsi que des frites taillées plus minces que les pommes pont-neuf.`` (Mont. 1967). Rem. Attesté aussi ds Rob., Lar. encyclop., Ac. Gastr. 1962, Quillet 1965. b) [En parlant d'une pers., ou, le plus souvent, d'un de ses membres] Arg., pop. Personne grande et maigre; membre long et maigre : 7. Et ses jambes! Des cotrets de charbonnier, de vraies allumettes! Plus de mousse sur le caillou, quatre cheveux frisant à plat dans le cou...
É. Zola, L'Assommoir,1877, p. 725. 8. Parmi ce tas de nouilles, je remarquai une grande allumette avec un cou long comme un jour sans pain...
R. Queneau, Exercices de style,1947, p. 172. 2. [P. anal. avec la propriété de s'allumer rapidement] a) [En parlant d'une chose] − Concr. Bois d'allumettes (ou à allumettes). Bois susceptible de prendre feu très rapidement : 9. Ce bungalow n'est que du bois à allumettes, je n'aurais qu'à y mettre le feu tout de suite tout à l'heure.
P. Claudel, L'Échange,2eversion, 1954, III, p. 776. ♦ MAR., vx. ,,Sorte d'artifice employé dans les brûlots.`` (Lar. 19e). − Abstr., vieilli. Ce qui enflamme, excite. Synon. brandon, tison (au fig.) : 10. On s'est dit : Puisque le torchon brûle, il faut l'éteindre. Et voilà les pompiers accourus. Le Figaro, après avoir jeté ses allumettes aux bons endroits, combat vigoureusement l'incendie. On affirme que l'affaire d'Esterhazy et de son ami de l'État-major est en train de s'arranger.
G. Clemenceau, Vers la réparation,1899, pp. 12-13. 11. Et c'est écrit avec une allumette, mais comment dire? avec une allumette enflammée, une allumette qui, à chaque instant, prend feu et illumine tout ce gribouillage.
J. Renard, Journal,1904, p. 934. b) [En parlant d'une pers.] Fam., vx. Personne qui (s')enflamme, (s')excite très rapidement : 12. Tu m'as fait sortir de ma geôle, c'est vrai. Pourquoi? Pour me planter dans un comptoir et échauffer les gens en goguette. Je sers d'enseigne à ta bibine; je joue le rôle d'allumettes, mais je n'ai pas le droit de brûler pour de bon!
J.-K. Huysmans, Marthe,1876, p. 97. Rem. Attesté ds Lar. 19e, Nouv. Lar. ill., Guérin 1892. Prononc. ET ORTH. : [alymεt]. − Rem. Fér. Crit. t. 1 1787 propose la graph. : allumette ou alumette avec un seul l. Étymol. ET HIST. − 1213 alumete « brin de bois inflammable servant à allumer » (Vocab. Faits des Romains, 330, 19 ds Romania, t. 65, p. 482 : il emplirent bariz de sif et de poiz et d'alumetes bien esprises); xives. allumette (Tr. d'alch., 48 ds Gdf. Compl. : Boteler des allumettes); d'où a) 1379 art culin. « mets ayant la forme d'allumette » (Nouv. Traité de la cuis., t. 1, p. 154 ds Fr. mod., t. 23, p. 303 : allumettes de veau); av. 1648 par métaph. sert à désigner ce qui est long et mince (Voiture, Rép. à M. Arnaud ds Rob. : Me voyant comme une allumette Et le corps fait comme un squelette); b) 1555 fig. « ce qui enflamme, excite » (Du Villars, Mém., VI ds Gdf. Compl. : vrayes allumettes de désordre).
Dér. de allumer* étymol. 1; suff. -ette*. STAT. − Fréq. abs. litt. : 575. Fréq. rel. litt. : xixes. : a) 114, b) 984; xxes. : a) 1 406, b) 974. BBG. − Ac. Gastr. 1962. − Alleau 1964. − Bél. 1957. − Bouillet 1859. − Bruant 1901. − Chesn. 1857. − Daire 1759. − Delorme 1962. − Duval 1959. − France 1907. − Fromh.-King 1968. − Galiana Déc. sc. 1968. − Gay t. 1 1967 [1887]. − Gottsch. Redens. 1930, p. 225. − Goug. Mots t. 2 1966, p. 101. − Lacr. 1963. − Lar. comm. 1930. − Lar. mén. 1926. − Larch. Suppl. 1880. − Lasnet 1970. − Le Breton 1960. − Littré-Robin 1865. − Mont. 1967. − Réau-Rond. 1951. − Sain. Lang. par. 1920, p. 269. − Uv.-Chapman 1956. |