| ALIBI, subst. masc. A.− DR. CRIMINEL. Moyen de défense d'une personne invoquant le fait qu'elle s'est trouvée ailleurs que sur le lieu d'un crime ou d'un délit au moment où celui-ci a été commis. Fournir un alibi (Cap. 1936) : 1. J'avais un bon alibi qui me mettait à Rambouillet à l'heure du crime, mais les voisins malveillants affirmaient avec insistance m'avoir aperçu dans l'escalier de service de l'immeuble au cours de la nuit fatale...
M. Aymé, Le Confort intellectuel,1949, p. 7. Rem. Autres syntagmes prouver l'alibi, prouver son alibi (Ac. 1798-1932); invoquer un alibi, se justifier par un alibi (Lar. 19e). B.− Au fig. 1. Vx. Chercher des alibis. ,,Chercher des chicanes ou des défaites [« mauvaises excuses »].`` (Ac. Compl. 1842). 2. Diversion, refuge qui détourne de la réalité : 2. Quand l'homme n'est pas heureux dans sa condition, il cherche un alibi dans le rêve.
H. Taine, Notes sur l'Angleterre,1872, p. 301. 3. Et puis un homme avancé dans la vie doit faire de sa puissance un usage positif. Il faut construire. Il s'agit de donner un sens à sa vie, s'assurer un alibi, un refuge contre la médiocrité de l'univers.
M. Barrès, Mes cahiers,t. 7, sept.-nov. 1909, p. 341. 4. Pour les meilleurs d'entre nous, l'étude des arts, le goût de la brocante, les collections, les jardins, ne sont que des Ersatz, des succédanés, des alibis. Dans le fond de notre tonneau, comme Diogène, nous demandons un homme. Nous cultivons les bégonias, nous taillons les ifs, par pis aller, parce que les ifs et les bégonias se laissent faire. Mais nous aimerions mieux donner notre temps à un arbuste humain, si nous étions sûrs qu'il en valût la peine.
M. Proust, À la recherche du temps perdu,Le Côté de Guermantes 1, 1920, p. 285. 3. Excuse, justification (d'une conduite jugée répréhensible ou inhabituelle, etc.) : 5. [Le gardien de la paix :] Allez-vous-en. − [Le chauffeur, récalcitrant] : Je voudrais m'en aller... mais figurez-vous que mes fourchettes sont emmêlées... Et de se lancer dans un alibi technique.
A. Simonin, J. Bazin, Voilà taxi!1935, p. 52. 6. Simplement a-t-on vu se former de nos jours un nouveau genre littéraire, dont le succès a été grand, et qui pourrait s'appeler « la justification » ou « l'alibi ». Le thème commun en serait à peu près : « l'auteur établit que, malgré l'apparence, il n'est pas un auteur ».
J. Paulhan, Les Fleurs de Tarbes,1941, p. 42. 7. Caligula [à Caesonia]... Tu vois, je n'avais pas d'excuses, pas même l'ombre d'un amour, ni l'amertume de la mélancolie. Je suis sans alibi. Mais aujourd'hui, me voilà encore plus libre qu'il y a des années, libéré que je suis du souvenir et de l'illusion...
A. Camus, Caligula,1944, p. 106. Rem. 1. Principaux syntagmes se fabriquer un alibi (H. Taine, Derniers Essais de critique et d'histoire, 1893); trouver un − (Ph.-A.-M. de Villiers de L'Isle-Adam, Contes cruels, 1883); être sans −. 2. Dér. Alibiforain, subst. masc., vx, peu us. Propos qui n'a pas de rapport avec la chose dont il est question, échappatoires. (Attesté ds Ac. 1835 et 1878 : ,,Il est familier et peu usité``; Besch. 1845 : ,,Populaire``; Littré : ,,Vieilli``) : 8. Convenons qu'après tout, ce siècle en vaut un autre,
Et, laissant de côté les alibiforains,
Sachons rendre justice à nos contemporains.
A. Pommier, Crâneries et dettes de cœur,1842, p. 139. Prononc. ET ORTH. : [alibi]. − Rem. Le mot est signalé comme inv. ds Ac. 1835, Besch. 1845, Lar. 19eet Littré. Par contre, Ac. 1878, Guérin 1892, Nouv. Lar. ill., DG, Ac. t. 1 1932, Rob., Lar. encyclop. et Quillet 1965 font l'accord au plur. − Dér. Alibiforain : [alibifɔ
ʀ
ε
̃]. Étymol. ET HIST.
I.− Alibi. 1. 1394 « le fait de s'être trouvé ailleurs au moment où un crime a été commis » (L. Douet-D'Arcq, Choix de pièces inédites relatives au règne de Charles VI, Paris Vve Renouard, 1868, t. 1, pp. 121-122 : Respont Froissart en personne et propose son alibi, en disant après serement fait de dire vérité, que le jour que sa partie adverse propose le fait avoir esté perpétré, ledit Froissart estoit alez avecques un escuier du pays pour estre présent à faire un certain marchié de héritages); 2. 1494 « diversion » (Complainte de France ds DG : Loups alleches par divers alibis); de là l'emploi fig. dans l'expr. « chercher son alibi », c.-à-d. « faire diversion à sa passion pour une femme, chercher son plaisir ailleurs » (Pasquier, Monophile ds La Curne t. 1 1875 : Il ayme mieux se ruiner d'heure à autre auprès de la femme qui ne lui est destinée, que de chercher son alibi avecqu'unes et autres), attest. isolée; 3. 1458 « subterfuge, ruse » (A. Greban, Mystère de la Passion ds Gdf. : Lors diray je qu'il sera vray, Mes pour querir vos alibis, Je n'en croy riens); emploi fréq. aux xveet xvies.; le sens 1 s'est maintenu; sens 2, repris au xixes. (supra ex. 2).
II.− Alibiforain, mil. xves. (Cent Nouvelles Nouvelles ds Littré : Les femmes sont coutumieres d'en user pour trouver les eschappatoires et alibis forains), vieilli.
I empr. au lat. alibi « ailleurs », attesté dep. Plaute (Trinummus, 4, 3, 73 ds Forc. t. 1 1864-1926, s.v., p. 177 : ST. Hicine nos habitari censes? CH. Ubinam ego alibi censeam). II composé de alibi et de forain*. STAT. − Fréq. abs. litt. : 181. BBG. − Bach.-Dez. 1882. − Bél. 1957. − Boiss.8. − Bruant 1901. − Cap. 1936. − Dupin-Lab. 1846. − Fér. 1768. − Gottsch. Redens 1930, p. 332. − Goug. Mots t. 2 1966, p. 75. − Lacr. 1963. − Lav. Diffic. 1846. − Le Roux 1752. − Prév. 1755. − St-Edme t. 1 1824. |