| ALGARADE, subst. fém. I.− Au propre, vx. Attaque militaire brusque destinée à semer l'effroi : 1. ... en pleine paix avec la plus vieille alliée de la France, nous l'attaquons, nous lui ravissons sa féconde province du Nil, sans déclaration de guerre, comme des Algériens qui, dans une de leurs algarades, se seraient emparés de Marseille et de la Provence.
F.-R. de Chateaubriand, Mémoires d'Outre-Tombe, t.2, 1848, p. 364. 2. Edme se porte à merveille, sauf une estafilade à la main. Il l'a reçue en juillet, dans une algarade à Madrid, sur la place de la Constitution, entre les gardes du corps absolutistes et les « exaltés », dont nous sommes.
P. Adam, L'Enfant d'Austerlitz,1902, p. 429. − P. ext. : 3. Scapin, Blazius et Léandre suffiront bien à garder Isabelle jusqu'à notre rentrée au logis. Mais, de crainte de quelque querelle ou algarade par les rues, je vais prendre mon épée pour appuyer la vôtre au besoin.
T. Gautier, Le Capitaine Fracasse,1863, p. 289. II.− Au fig. 1. Altercation vive et soudaine avec quelqu'un : 4. 30 novembre. Vendredi. Examiné à fond les affaires de mon père : elles sont détestables (...). Il avait raison au fond, mais ses moyens sont l'injure, l'insinuation, des algarades et des chicanes qui gâtent sa cause.
B. Constant, Journaux intimes,nov. 1804, p. 170. 5. Il ne se passe pas de jours que des algarades fâcheuses n'éclatent devant la barrière du préau : invectives et menaces lancées à pleine voix, contre les maîtresses, contre moi, contre « cette sale administration ».
L. Frapié, La Maternelle,1904, p. 234. 2. Fam. Avoir une algarade. Scène mouvementée : 6. ... je ne t'ai pas écrit hier au soir parce que nous avons eu une algarade terrible à propos de ma mère. Elle a été empoisonnée par des huîtres...
G. Flaubert, Correspondance, 1857, p. 235. ♦ Faire une algarade à qqn. Faire une scène à quelqu'un : 7. Le prince a purement et simplement fait une algarade à Swann et lui a fait assavoir, comme disaient nos pères, de ne plus avoir à se montrer chez lui, étant donné les opinions qu'il affiche.
M. Proust, À la recherche du temps perdu,Sodome et Gomorrhe, 1922, p. 676. 3. Arg. ,,Engueulade`` (Bruant 1901). III.− SP. (cyclisme). ,,Démarrage impétueux, qui déclenche une réaction dans le peloton.`` (Esn. 1966) : 8. Il a été de toutes les algarades (cycl., 1927).
Esn.1966 Prononc. : [algaʀad]. Passy 1914 note une durée mi-longue sur la dernière syllabe du mot. Étymol. ET HIST. − 1. 1502 « joute dont les marins de Gênes donnèrent le spectacle au roi Louis XII », unique attest. en ce sens (J. D'Auton, Chron., BN 5082, fo110 rods Gdf. Compl. : Courir esquifz, brigandins et gallyotes de navire a autre et faire la mille autres algarades et jeux divers); 2. av. 1533 « mouvement vif, brusque » (Salel, Iliade, VI, 116 rods Hug. : Un cheval de sejour, Lequel apres avoir faict la rompture De son licol, son estable ou closture, Gaigne les champs, faisant mille alguerades, Haulse la teste, et jecte des ruades), attest. isolée; 3. 1548 « brusque sortie contre qqn » (G. Du Bellay, Instructions sur le faict de la guerre, fo527 : Vray est qu'aucunes fois ces choses se font sans y penser aucune malice, mesmement si ceulx qui font ces alguerades, ont autant de raison d'avoir doubte de leur costé, comme les autres du leur).
Empr. à l'esp. algarada « incursion brusque en territoire ennemi », attesté dep. env. 1300 (Gran Conquista de Ultramar, d'apr. Cor. t. 1 1954, s.v. algara; attesté également au sens « tumulte, cris », ca 1270, Primera Cronica General de Alfonso X el Sabio), dér. de algara « id. », de l'ar. al gāra « id. » (FEW t. 19, s.v. gāra). Brunot t. 2, p. 213; Nyrop t. 1, p. 90; Rupp. 1915, p. 33; Schmidt 1914, p. 88; Marty t. 1 1896, p. 181; Brault ds Rom. Philol., t. 15 1962, p. 131. STAT. − Fréq. abs. litt. : 90. BBG. − Bailly (R.) 1969 [1946]. − Bar 1960. − Bél. 1957. − Bénac 1956. − Boiss.8. − Bruant 1901. − Dup. 1961. − Esn. 1966. − Fér. 1768. − Laf. 1878. − Le Roux 1752. − Ritter (E.). Les Quatre dictionnaires français. Remarques lexicographiques. B. de l'Inst. nat. gen. 1905, t. 36, p. 344. |