| ALCOOLIQUE, adj. et subst. A.− Adjectif. 1. Vieilli. [En parlant d'un liquide] Qui contient de l'alcool. Liqueur alcoolique : 1. Observez au cabaret même, si vous pouvez surmonter ce dégoût : vous verrez qu'un homme en état ordinaire, buvant du vin non frelaté, boirait bien davantage, sans inconvénient. Mais, pour celui qui ne boit pas de vin tous les jours, qui sort énervé, affadi par l'atmosphère de l'atelier, qui ne boit, sous le nom de vin, qu'un misérable mélange alcoolique, l'ivresse est infaillible.
J. Michelet, Le Peuple,1846, p. 89. 2. On boit l'eau des torrents dans la montagne, l'eau des ruisseaux dans la plaine, relevée de quelques gouttes de rhum, dont chacun a sa provision contenue dans une corne de bœuf appelée « chiffle ». Il faut avoir soin, d'ailleurs, de ne pas abuser des boissons alcooliques, peu favorables dans une région où le système nerveux de l'homme est particulièrement exalté.
J. Verne, Les Enfants du capitaine Grant,t. 1, 1868, p. 91. Rem. Pour la concurrence alcoolique/alcoolisé, cf. alcoolisé. 2. Qui est provoqué par les boissons alcooliques : 3. Moréas en ce moment souffre de crises alcooliques et n'est pas aux côtés de son ancien collaborateur.
J. Rivière, Alain-Fournier, Correspondance,lettre de J. R. à A.-F., oct. 1906, p. 278. 3. Qui appartient à l'alcool : 4. De toutes les tables de café monte en l'air une odeur alcoolique, un parfum d'absinthe, avec le bruit et le rire des gens qui discutent les nouvelles du matin ou les plaisirs du soir.
E. et J. de Goncourt, Charles Demailly,1860, pp. 191-192. 4. Qui concerne l'alcool : 5. Nous sortirions du cadre de notre sujet en racontant comment Pasteur fut amené à isoler les ferments lactique et alcoolique, comment il les cultiva sur des milieux définis, comment il s'assura qu'en ensemençant ces êtres de culture dans le lait ou le moût de raisin on y provoque à volonté telle ou telle fermentation.
J. Rostand, La Genèse de la vie,1943, pp. 98-99. − [Sur le modèle de liberté religieuse] :
6. Après une journée entière de liberté alcoolique, voici les esclaves qui tressaillent un peu, on a du mal à les faire se tenir, ils reniflent, ils s'ébrouent et font clinquer leurs chaînes.
L.-F. Céline, Voyage au bout de la nuit,1932, p. 371. − [En parlant d'un sentiment, d'une attitude, etc.] :
7. Et envahi brusquement de patriotisme alcoolique, il cria : « À nos victoires sur la France! »
G. de Maupassant, Contes et nouvelles,t. 2, Mademoiselle Fifi, 1881, p. 163. 8. Alors pour un oui, pour un non, devant tout le monde, le capitaine interpelle tout d'un coup un homme et lui dit de son ton patibulaire, alcoolique et faubourien à la fois : « Tenez, foutez-moi le camp, vous êtes plus c... que le roi des c... etc., etc... »
J. Rivière, Alain-Fournier, Correspondance,lettre de A.-F. à J. R., sept. 1911, p. 308. B.− Adj. ou subst. [En parlant d'une pers.] (Celui) qui est intoxiqué par les boissons alcooliques. 1. Emploi adj. : 9. Le cabot alcoolique finit par l'hôpital, l'homme de lettres par le mariage.
J. Lemaître, Les Contemporains,1885, p. 313. 10. Est alcoolique quiconque absorbe de façon régulière des doses excessives d'alcool.
Travail social,1956, no2, p. 29. − [Qualifie un subst. abstr.] :
11. Du reste, elle était devenue d'une conduite exemplaire, engraissée, comme guérie d'une toux qui avait fait craindre une hérédité fâcheuse, due à toute une ascendance alcoolique.
É. Zola, Le Docteur Pascal,1893, p. 60. 2. Emploi subst. : 12. Comme des besoins artificiels tenaillent l'alcoolique repentant dont le corps réclame impérieusement l'humectation vénéneuse, de même (...) j'étais travaillée d'un immense besoin de satisfaction intellectuelle ...
L. Frapié, La Maternelle,1904, p. 6. 13. ... et, sur le refus du médecin, le père, un alcoolique notoire, s'était jeté sur le nouveau-né pour l'étouffer de ses mains; ...
R. Martin du Gard, Les Thibault,La Consultation, 1928, p. 1122. Prononc. ET ORTH. − 1. Forme phon. : [alkɔ
ɔlik] ou [alkɔlik]. La plupart des dict. donnent les 2 var., dans cet ordre, à l'exception de Passy 1914 et Harrap's 1963, qui donnent seulement [alkɔlik]. Barbeau-Rodhe 1930 indique que [-ɔ
ɔ-] est plus fréq. que [-ɔ-] (cf. également alcool). − Rem. Antérieurement à Passy 1914, la prononc. disyllabique de -oo- prévaut sans exception. Enq. : /alkolik/. 2. Forme graph. − Une forme alcoholique apparaît pour la dernière fois ds Gattel 1841. Étymol. ET HIST. − 1. Adj. a) 1789 « qui tient de l'alcool » (Lavoisier ds Brunot t. 6, 1, p. 631 : gaz alcoolique); b) 1865 « propre à l'alcoolisme » (Littré-Robin : délire alcoolique) [1859, sans attest. ds Pt Rob.]; 2. subst. a) 1872 « substance alcoolique » (Journ. offic., 27 mars 1872, p. 2160, 1recol. ds Littré : L'alcoolique vulgairement appelé absinthe), attest. isolée; b) 1873 « personne qui se livre à des excès alcooliques » (Ibid., 14 mars 1873, p. 1772, ibid. : De là aussi la mobilité, la rapidité des idées et des actes de l'alcoolique).
Dér. de alcool* étymol. 2 a; suff. -ique*. STAT. − Fréq. abs. litt. : 140. BBG. − Bailly (R.) 1969 [1946]. − Bar 1960. − Bél. 1957. − Bénac 1956. − Bruant 1901. − Chesn. 1857. − Éd. 1967. − Grand. 1962. − Littré-Robin 1865. − Mont. 1967. − Nysten 1814-20. − Thomas 1956. |