| ALCADE, subst. masc. A.− Vx. Nom donné autrefois à certains juges et magistrats qui occupaient des charges civiles et judiciaires correspondant à la fois à celles du juge de paix, du lieutenant de police et du maire : 1. S'il restoit quelque chose du trésor public, au bout de l'année, on appliquoit ce superflu aux dépenses du culte, et à la décharge du tribut de l'écu d'or, que chaque famille payoit au roi d'Espagne. Un cacique ou chef de guerre, un corregidor pour l'administration de la justice, des regidors et des alcades pour la police et la direction des travaux publics, formoient le corps militaire, civil et politique des réductions.
F.-R. de Chateaubriand, Génie du Christianisme,t. 2, 1803, p. 436. 2. Ce vieil alcade s'assied dans un grand fauteuil d'alcade en arrangeant ses manches d'alcade. L'Espagne est le seul pays où il y ait des alcades attachés à de grandes manches, où se voient autour du cou des alcades, ces fraises qui sur les théâtres de Paris sont la moitié de leurs fonctions.
H. de Balzac, Les Illusions perdues,1843, p. 346. 3. On ne pouvait se fier à personne mieux qu'à un fraudeur. Le juge-alcade d'Oyarzun prit un jour un contrebandier des ports secs, et le fit mettre à la question pour le forcer à nommer son bailleur de fonds secret. Le contrebandier ne nomma point le bailleur de fonds. Ce bailleur de fonds était le juge-alcade. De ces deux complices, le juge et le contrebandier, l'un avait dû, pour obéir aux yeux de tous à la loi, ordonner la torture, à laquelle l'autre avait résisté, pour obéir à son serment.
V. Hugo, Les Travailleurs de la mer,1866, p. 147. 4. le gouverneur. − (...) Rien n'est bon de ce qui est nouveau.
les alcades. − Le gouverneur a bien parlé! Rien n'est bon de ce qui est nouveau. Nous autres alcades, mandatés par la sagesse et les ans, voulons croire en particulier que nos bons pauvres ne se sont pas donné un air d'ironie. L'ironie est une vertu qui détruit. Un bon gouverneur lui préfère les vices qui construisent.
A. Camus, L'État de siège,1948, p. 204. − P. ext. Nom de ce magistrat dans les pays ou régions sous administration espagnole : 5. Sieur Ferdinand-Alphonse Honoré, marquis de Digoine du Palais, âgé de près de 40 ans, alcade de la noblesse de Bourgogne...
Le Moniteur,t. 2, 1789, p. 567. 6. Le premier officier, après le curé, est un Indien qui porte le nom pompeux d'alcade, et qui jouit du suprême honneur de porter une canne à pomme d'argent; il paraît exercer une grande autorité sur les Indiens...
Voyage de La Pérouse autour du monde,t. 2, 1797, p. 338. ♦ Alcade de cour. Dont l'attribut distinctif était une longue baguette blanche et qui recevait les appels des corregidors et des juges locaux : 7. Dans Madrid, chaque quartier choisissait et nommait lui-même son alcade à la pluralité des voix : les notables s'assemblaient en présence d'un alcade de cour et de l'escrivant de ce délégué, chacun donnait à son tour son suffrage.
St-Edme t. 1 1824. Rem. Les ex. semblent prouver qu'il existait une certaine hiérarchie parmi les alcades, qu'ils aient eu les attrib. les plus hautes, dans le domaine de la just. surtout, premier alcade constitutionnel (ex. 6; H. Latouche, L.-F. L'Héritier, Dernières lettres de deux amans de Barcelone, 1821, p. 60), alcade de cour (ex. 7), juge-alcade (ex. 3) ou de simples fonctions civiles et policières (ex. 1, 7). B.− Sens mod., administration en Espagne. Magistrat municipal remplissant les fonctions de maire. Prononc. − 1. Forme phon. : [alkad]. Passy 1914 note une durée mi-longue pour la 2esyllabe du mot. 2. Dér. : alcadie. Étymol. ET HIST. − 1323 « magistrat esp. analogue au juge de paix » (A.N. JJ 62, fo28 rods Gdf. Compl. : Feust meu contens entre les alcades, jurez et conseillers de Pampelune); 1459 « id. » (Cart. cons. Espagne, I, p. 82 ds Herb. 1961, p. 48 : señor Alonse Dias de Cunees, alcade de la cité de Burgos).
Empr. à l'esp. alcade « id. », attesté dep. 1062-63 (ds V. Oelschälger, A Medieval Spanish Word-List, 1940, d'apr. Cor. t. 1, p. 94), également alcade, var. rare (ds Dicc. Hist. de l'Ac. Esp., 1933-36, d'apr. Cor., loc. cit.) de l'ar. al qādi « le juge », part. prés. substantivé de qádà « juger ». STAT. − Fréq. abs. litt. : 86. BBG. − Bél. 1957. − Boiss.8. − Jal. 1848. − Ricard (R.). Alcade et autres petits problèmes franco-hispaniques. Vie Lang. 1965, pp. 394-395. − St-Edme t. 1 1824. |