| AIMANT1, ANTE, part. prés. et adj. I.− Part. prés. de aimer*. II.− Adjectif A.− Vieilli. [En parlant d'une pers.] Qui aime (par disposition naturelle ou à un moment du temps) : 1. − Ah bah! dit-il, est-ce qu'on se marie? La bohémienne devint pâle et laissa tristement retomber sa tête sur sa poitrine.
− Belle amoureuse, reprit tendrement Phœbus, qu'est-ce que c'est que ces folies-là? Grand'chose que le mariage! Est-on moins bien aimant pour n'avoir pas craché du latin dans la boutique d'un prêtre?
V. Hugo, Notre-Dame de Paris,1832, p. 344. 2. Prenez sur vous, méprisez le monde, qui est bien méprisable en effet, et cherchez le bonheur là seulement où vous le trouverez, en Dieu premièrement, et puis dans ses dons, dans vos enfants, dans votre mari, dans tout ce qu'il y a d'aimable et aimant autour de vous.
F.-R. de Lamennais, Lettres inédites ... à la baronne Cottu,1825, p. 172. 3. Plus qu'aucune autre classe, le sacerdoce de l'humanité doit utiliser une telle assistance. (...) Nos prêtres éprouveront (...) un fréquent besoin de retremper leur vraie dignité dans un noble commerce, d'abord subjectif, puis même objectif, avec le sexe aimant.
A. Comte, Catéchisme positiviste,1852, p. 303. 4. ... elle ne conçoit pas que l'on puisse vivre dans le passé; sa chair, son cœur et son esprit ne connaissent du temps que la minute présente, comme la libellule et comme le frisson de l'eau. Et le grand avenir ouvert aux hommes aimants et aux bêtes lui est fermé.
O.-V. Milosz, L'Amoureuse initiation,1910, p. 110. 5. C'était une gentille fille après tout Lola, seulement, il y avait la guerre entre nous, cette foutue énorme rage qui poussait la moitié des humains, aimants ou non, à envoyer l'autre moitié vers l'abattoir.
L.-F. Céline, Voyage au bout de la nuit,1932, p. 63. − P. compar. : 6. Le maître de la mort viendra nécessairement bientôt, − et peut-être entendons-nous déjà ses pas. Ne prévenons pas son heure, ni ne la craignons. Quand il entrera en nous pour détruire, en apparence, les vertus et les forces que nous aurons, avec tant de soin et d'amour, distillées pour lui de toutes les sèves de la terre, ce sera comme un feu aimant, pour consommer notre achèvement dans l'union.
P. Teilhard de Chardin, Le Milieu divin,1955, p. 111. B.− [En parlant d'une pers., d'un de ses attributs ou d'un aspect de son comportement] Qui est spontanément disposé à aimer, à s'attacher avec tendresse et générosité. 1. [En parlant d'une pers.] :
7. Elle est partie. Il n'y a rien de si bon, de si aimant, de si spirituel et de si dévoué.
B. Constant, Journaux intimes,1804, p. 65. 8. C'est un garçon plein de moyens et qui vous fera le plus grand honneur. Il est aimant, tranquille et spirituel. Eugène, au contraire, est tout feu, tout ambition : il fera son chemin dans les armes savantes.
L. Reybaud, Jérôme Paturot,1842, p. 346. 9. Je voudrais bien avoir ses œuvres spirituelles, les lettres de piété surtout où Fénelon est si élevé, si tendre, si aimant.
E. de Guérin, Journal,1835, p. 81. 10. Elle disait : − celui-là, c'était du peuple comme moi, nous nous entendions; il me grugeait, il me volait, mais c'est égal, il était aimant; il était pas comme d'autres qui sont des glaces, qui vous considèrent comme de pauvres gnolles, comme des rien-du-tout qu'on ne battrait même pas!
J.-K. Huysmans, Les Sœurs Vatard,1879, p. 264. 11. La plupart de nos voleurs, de nos assassins et de nos politiques appartiennent à la catégorie des aliénés au premier degré. Profondément pénétrés de l'esprit de mensonge, ils font preuve la plupart du temps, dans leurs sinistres entreprises, d'un pouvoir de dissimulation, d'une logique des probabilités et d'une habileté d'exécution dont les hommes sains, c'est-à-dire aimants et pieux, m'apparaissent absolument incapables.
O.-V. Milosz, L'Amoureuse initiation,1910, p. 161. 12. C'est dans cet état que l'avait retrouvée Vincent. Elle avait voulu le retenir; il s'était arraché d'entre ses bras. Certes, il avait dû se raidir, car il était de cœur sensible; mais, plus voluptueux qu'aimant, il s'était fait facilement de la dureté même, un devoir.
A. Gide, Les Faux-monnayeurs,1925, p. 962. 13. Nous savons enfin qu'il n'y a pas chez nous un jeune homme, ni une jeune fille, qui ne rêvent de vivre libres, forts, aimants et joyeux, dans le travail d'une grande époque et dans une grande patrie.
Ch. de Gaulle, Mémoires de guerre,Le Salut, 1959, p. 309. − P. méton. (infra ex. 30) : 14. Ils opposaient, et parfois avec une rare intelligence, au libéralisme démolisseur un libéralisme conservateur. On les entendait dire : Grâce pour le Royalisme! Il a rendu plus d'un service. Il a rapporté la tradition, le culte, la religion, le respect. Il est fidèle, chevaleresque, aimant, dévoué.
V. Hugo, Les Misérables,t. 1, 1862, p. 744. 2. [En parlant de ce qui représente ou exprime la pers.] a) [Une partie du corps, en partic. le cœur] :
15. Oubli de soi devenu seconde nature, dévouement devenu joyeux, facile, involontaire, toutes les vertus féminines me semblent habiter ce cœur tranquille et aimant. Peut-être que je romance et que j'idéalise; mais ce n'est pas certain. Le fait est que le voisinage de cette aimable créature est bienfaisant, purifiant, édifiant même.
H.-F. Amiel, Journal intime,1866, p. 113. 16. Pendant toute la conversation, MmeRaquin était dans les larmes, ne voyant rien autour d'elle. Tout en pleurant, elle songeait que Laurent était un cœur aimant et généreux; lui seul se souvenait de son fils, lui seul en parlait encore d'une voix tremblante et émue.
É. Zola, Thérèse Raquin,1867, p. 121. 17. ... les [bibelots] compagnons de nos heures douces ou sombres, les seuls compagnons, hélas! que nous sommes sûrs de ne pas perdre, les seuls qui ne mourront point comme les autres, ceux dont les traits, les yeux aimants, la bouche, la voix sont disparus à jamais.
G. de Maupassant, Contes et nouvelles,t. 2, Vieux objets, 1882, p. 1227. 18. Pendant quelques années vous vous agiterez dans quelques cercles superficiels, mais le temps viendra où vous soupirerez après un cœur aimant, et désespérerez d'en trouver un qui puisse vous être fidèle.
A. Maurois, La Vie de Disraëli,1927, p. 132. 19. Il n'est pas dans Phèdre que de la frénésie, mais une faiblesse qui est celle de tous les cœurs aimants. Sans jamais ressembler à des monstres, toutes les femmes ont soupiré, à un moment de leur vie : que de soins m'eût coûtés cette tête charmante...
F. Mauriac, La Vie de Jean Racine,1927, p. 133. 20. ... sous le vernis de l'ironie parisienne, ah! le cœur en dessous, comme il était sensible, chaud, aimant!
P. Claudel, Un Poète regarde la Croix,1938, p. 284. b) [Une manière d'être, une manifestation de la pers.] :
21. C'est à l'habitude d'aimer à donner aux manières ces formes aimables à la fois et aimantes qui nous ravissent, et que nul sentiment plus foible que l'amour ne sauroit remplacer. L'habitude d'exprimer la bienveillance, née de quelque sentiment d'amour, se répand ensuite, comme un parfum bienfaisant, sur la vie tout entière.
Ch. Bonstetten, L'Homme du Midi et l'homme du Nord,1824, p. 107. 22. L'âge pour vous va venir; votre rire aimant sera moins gracieux, votre front se dépouillera davantage; ses cheveux, à elle, blanchiront, chaque fin d'année y laissera sa neige.
Ch.-A. Sainte-Beuve, Volupté,t. 2, 1834, p. 142. 23. ... parmi les doux, il y en a qui sont plus particulièrement tels, avec une vivacité singulière, et avec accompagnement et apanage de tant d'autres qualités, que cela les mène loin, et qu'ils deviennent grands. Le fonds aimant, l'atmosphère affective de leur âme, venant à s'enflammer, toutes leurs autres facultés s'en échauffent et s'en éclairent, et dans un reflet principal, dans ce même sens affectueux.
Ch.-A. Sainte-Beuve, Port-Royal,t. 1, 1840, p. 227. 24. ... la chère enfant avait beaucoup souffert, sa sensibilité nerveuse demandait de grands ménagements; d'ailleurs, elle possédait un excellent caractère, un naturel aimant, dont un homme habile devait disposer à sa guise.
É. Zola, La Conquête de Plassans,1874, p. 1170. 25. ... où ma grand'mère adorait surtout le naturel de Saint-Loup, c'était dans sa façon d'avouer sans aucun détour la sympathie qu'il avait pour moi, et pour l'expression de laquelle il avait de ces mots comme elle n'eût pas pu en trouver elle-même, disait-elle, de plus justes, et vraiment aimants. Des mots qu'eussent contresignés « Sévigné et Beausergent » ...
M. Proust, À la recherche du temps perdu,À l'ombre des jeunes filles en fleurs, 1918, p. 735. Rem. 1. La différenciation entre le part. prés. et l'adj. est nettement marquée par les indices habituels de celui-ci : emploi en constr. d'attribut (ex. 8), forme fém. (ex. 21) ou plur. (ex. 4); détermination par les intensifs spécifiques si (ex. 7), très, (le) plus, antéposés : 26. Enfin il était plus aimant, plus tendre que je ne l'avais jamais vu, j'étais toujours plus heureuse.
H. de Balzac, Le Père Goriot,1835, p. 256. 27. Il lui semblait très obéissant, très aimant, et même elle se trouvait souvent gênée par ses caresses.
É. Zola, La Curée,1872, p. 408. 28. jean. − Quel secret?
lia. − Le secret de cette malfaçon. Le vice du couple qu'il a voulu et fait le plus aimant, le plus loyal, le plus sain.
J. Giraudoux, Sodome et Gomorrhe,1943, II, 5, p. 122. Bien et tout antéposés sont rares : 29. − Je ne l'aime pas beaucoup, moi, ma tante! Elle m'a donné, l'autre fois, de vieux bonbons du dessert, au lieu, enfin, d'un vrai cadeau : soit une jolie bourse, soit des petites pièces pour mettre dans ma tirelire.
− Paul, Paul, ce n'est pas bien. Il faut être toujours bien aimant avec elle et la ménager. Elle est vieille et elle nous laissera, aussi, un peu d'argent ...
Ph.-A.-M. de Villiers de L'Isle-Adam, Contes cruels, Virginie et Paul, 1883, pp. 116-117. 30. Daudet (...) voudrait montrer l'intelligence apportant le malheur dans un intérieur tout aimant, tout heureux.
E. et J. de Goncourt, Journal,sept. 1891, p. 144. Rem. 2. Le fém. est très rare; la substantivation est exceptionnelle (style philos.) : 31. Que sera (...) la vie future que nous imaginons? Un état supérieur de rapport avec l'infini, avec l'éternel. Eh bien, mettons-nous en rapport avec ce tout-intelligent, ce tout-aimant, et ce tout-puissant, comme le permettent les conditions actuelles de la nature et de la vie; et nous serons déjà, relativement à cette union, ce que nous imaginons que nous serons dans notre existence ultérieure.
P. Leroux, De l'Humanité,t. 1, 1840, p. 240. Prononc. : [εmɑ
̃], fém. [-ɑ
̃:t]. Initiale [e] chez Passy 1914 et Dub. Demi-longueur pour l'initiale chez Passy 1914. − Rem. Les initiales [e], puis [ε] (à partir de Nod. 1844), se succèdent ds les dict. ant. à Passy 1914 comme pour aimable*. STAT. − Fréq. abs. litt. : 1 178. Fréq. rel. litt. : xixes. : a) 2 152, b) 2 135; xxes. : a) 1 441, b) 1 161. BBG. − Bar 1960. − Bénac 1956. |