| AIMABLEMENT, adv. D'une manière aimable, avec amabilité. A.− [En parlant de la manière d'être d'une pers.] 1. [Dans son aspect physique] :
1. Je vis une jeune femme revenir de la fontaine, portant, à la mode de là-bas, comme du temps d'Ovide, deux seaux suspendus aux extrémités d'un bois en équilibre sur le cour et les épaules. Et je vis un enfant en haillons s'approcher d'elle et lui parler. Alors, inclinant aimablement son corps à droite, elle fit en sorte que le seau plein d'eau pure touchât le pavé au niveau des lèvres de l'enfant qui s'était mis à genoux pour boire.
V. Larbaud, A. O. Barnabooth,1913, p. 73. 2. [Dans son comportement individuel] :
2. ... elle use de ce filet de voix si doucement, qu'elle semble non une parole, mais l'écho modulé d'un murmure, murmuré dans une chambre de malade. Elle reste un quart d'heure dans la même posture. Elle agite ses regards de long temps en long temps, tout tranquillement. Elle semble une de ces héroïnes d'une vie morte et aimablement tranquilles, une figure de keepsake ...
E. et J. de Goncourt, Journal,sept. 1855, p. 213. 3. [Dans sa vie en société] :
3. J'étais indifférent à mes alentours qui m'étaient non moins indifférents. On ne venait pas à moi, je n'allais pas davantage au-devant des autres. − Une exception cependant : un M. Rissl a demandé à faire ma connaissance et s'est montré aimablement empressé.
H.-F. Amiel, Journal intime,1866, p. 122. 4. − Monsieur Letondu vous emm..., répondit Letondu avec une grande simplicité.
Jusqu'ici il avait laissé dire sans broncher, courbé sur un rapport qu'il expédiait d'urgence. Il lâcha le mot doucement, aimablement presque ...
G. Courteline, Messieurs les ronds-de-cuir,1893, 5etabl., p. 171. 5. − Je ne l'ai jamais entendu plaider, dit Berthe avec un mouvement de tête, cherchant à répondre aimablement à la volubilité chaleureuse de Madame Rey, qui l'avait tant charmée à leur première rencontre.
J. Chardonne, L'Épithalame,1921, p. 218. 6. Parfois, quand il parlait aimablement à l'un de ses camarades : « J'ai l'air de le flatter », pensait-il. Aussitôt il changeait de ton, mais alors il craignait de se l'aliéner, et ses paroles ne rendaient pas un son naturel.
M. Arland, L'Ordre,1929, p. 175. 7. − Je ne dis pas ça. Vous êtes gentil pour... Elle sourit si aimablement pour l'amadouer qu'il répondit tout à trac :
− Si je suis gentil, vous êtes belle.
P. Drieu La Rochelle, Rêveuse bourgeoisie,1939, p. 157. Rem. Syntagmes fréq. ajouter, demander, dire, donner, faire, offrir, parler, proposer, recevoir, répondre, sourire aimablement. 4. [Dans sa vie amoureuse] :
8. Ce fut le premier endroit d'Amérique où je fus reçu sans brutalité, aimablement même pour mes cinq dollars. Et des belles jeunes femmes, charnues, tendues de santé et de force gracieuse, presque aussi belles après tout que celles du Laugh Calvin. Et puis celles-ci au moins, on pouvait les toucher franchement. Je ne pus m'empêcher de devenir un habitué de cet endroit. Toute ma paye y passait. Il me fallait, le soir venu, les promiscuités érotiques de ces splendides accueillantes pour me refaire une âme.
L.-F. Céline, Voyage au bout de la nuit,1932, p. 283. 9. − Je pense que vous agissez de même avec toutes vos ... patientes? demanda Isabelle.
− Pas avec toutes, répondit-il avec une galanterie distante. Avec ... certaines, et je dois dire, qu'en général, elles accueillent plus aimablement les hommages. Enfin, n'en parlons plus.
M. Druon, Les Grandes familles,t. 1, 1948, p. 122. 5. [Dans sa vie affective, spirituelle] :
10. − Petite, bonne, chère, aimable et tendre sœur que j'aime bonnement, chèrement, aimablement et tendrement.
H. de Balzac, Correspondance,1819, p. 52. 11. J'aime regarder les figures des enfants qui sont devenus des hommes de génie. Il me semble que je me mets aimablement et profondément en rapport avec les pures facultés qu'ils ont reçues du ciel. J'ai conscience de passer par leurs cœurs pour arriver à sentir leurs œuvres mieux que je ne ferais jamais par l'intelligence ...
M. Barrès, Mes cahiers,t. 12, 1erjuill. 1919-juin 1920, p. 317. B.− [En parlant de la manière d'être d'une chose plus ou moins personnifiée] 1. [En parlant d'un site] :
12. Il m'a paru un peu à l'abandon, le coin de cimetière où M. Sucre repose, mais situé fort aimablement sur la montagne, avec une vue attrayante.
P. Loti, La Troisième jeunesse de Madame Prune,1905, p. 74. 2. [En parlant d'une chose concr.] :
13. − Votre petit vin lutine aimablement le goût, fit M. Lampre. On sent que le terroir qui le produit se rapproche de Beaune.
J.-K. Huysmans, L'Oblat,t. 1, 1903, p. 183. 3. [En parlant d'une chose abstr.] :
14. Et c'est de ce moment que je conçus le plan (...) de cette Bonne chanson qui se trouve, (...) ce que je préférerais comme sincère par excellence et si aimablement, si doucement, si purement pensé, si simplement écrit ...
P. Verlaine, Confessions,1895, p. 126. C.− Par antiphrase : 15. Ma monstrueuse personnalité, comme vous le dites si aimablement, n'est pas telle qu'elle efface en moi tout sentiment honnête, humain, si vous aimez mieux. Un jour, peut-être, vous le reconnaîtrez et vous vous repentiriez d'avoir dépensé, à propos de moi, tant de chagrin et tant d'amertume.
G. Flaubert, Correspondance,1848, p. 81. Prononc. : [εmabləmɑ
̃]. Antérieurement à Passy 1914, les dict. indiquent successivement, à l'initiale, [e], puis [ε], comme pour aimable*. Étymol. ET HIST. − xves. amablement « d'une manière aimable » (Gloss. Gall.-lat., B.N. 1. 7684 ds Gdf. Compl. : amablement, amabiliter); 1322, 6 mai aimablement « id. » (Lett. de Clerm. à Ch. le Bel, A. C.-d'Or, coll. Gevigney, Doc. hist., cart. 1, ibid. : Il nous reçurent moult aimablement et de tres grand affeccion).
Dér. de aimable*; suff. -ment2*. STAT. − Fréq. abs. litt. : 141. BBG. − Bél. 1957. − Lav. Diffic. 1846. |