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AIGUILLONNER, verbe trans.
A.− Rare. [L'obj. désigne une bête, en partic. des bovins] ,,Piquer une bête de trait ou de somme avec un aiguillon, pour la forcer à avancer. Aiguillonner des bœufs.`` (Ac. t. 1 1932) :
1. ... ils arrêtèrent la voiture et voulurent à toute force monter dessus pour rattraper Fernand, qu'ils croyaient être en avant. Mais le conducteur refusa formellement; et le postillon aiguillonnant ses chevaux de la voix, du fouet et de l'éperon, eut bientôt laissé derrière cette troupe irritée. F. Soulié, Les Mémoires du diable,t. 2, 1837, p. 102.
2. Les mulets, que l'on aiguillonnait avec la pointe des glaives, pliaient l'échine sous le fardeau des tentes; ... G. Flaubert, Salammbô,t. 1, 1863, p. 25.
P. anal. :
3. Il était tout occupé d'aiguillonner ses cloches, qui sautaient toutes les six à qui mieux mieux et secouaient leurs croupes luisantes comme un bruyant attelage de mules espagnoles piqué ça et là par les apostrophes du sagal. V. Hugo, Notre-Dame de Paris,1832, p. 302.
B.− Au fig., plus us. que le sens propre. [L'obj. désigne une pers. ou une faculté hum.] Stimuler, inciter à quelque chose. Aiguillonner la curiosité, l'imagination :
4. Les saveurs sont aussi nombreuses que les odeurs, quoique celles-ci puissent se diviser en deux classes, dont les unes, comme les parfums des fleurs, n'affectent agréablement que le cerveau, et les autres, qu'on peut appeler comestibles, aiguillonnent le goût. J.-H. Bernardin de Saint-Pierre, Harmonies de la nature,1814, p. 97.
5. Au xviiiesiècle on ne va plus si loin, mais on croit encore que le paysan ne travaillerait point s'il n'était constamment aiguillonné par la nécessité : la misère y paraît la seule garantie contre la paresse. A. de Tocqueville, L'Ancien Régime et la Révolution,1856, p. 215.
6. ... aiguillonnée par l'ennui, par l'exaltation croissante des idées, par l'impatience de sentir et d'agir, elle avait résolu de commencer enfin la vie de sentiment et d'action. E.-M. de Vogüé, Les Morts qui parlent,1899, p. 323.
Rem. 1. Le verbe stimuler, plus abstr. que aiguillonner, tend à prévaloir en ce sens à l'époque mod. 2. Ce verbe s'emploie également sous la forme pronom. s'aiguillonner « être excité; s'exciter, s'encourager » (cf. Besch. 1845, Nouv. Lar. ill.).
Prononc. : [egɥijɔne] ou [ε-], j'aiguillonne [ʒegɥijɔn] ou [ʒ ε-]. Warn. 1968 signale pour la 1resyllabe de ce, mot, une prononc. avec [e] fermé dans le lang. cour., avec [ε] ouvert dans le lang. soutenu (cf. aussi Fouché Prononc. 1959, p. 66). Pour l'hist. de la prononc., cf. aiguille. − Rem. Fér. 1768 transcrit : éghi-glio-né; Fér. Crit. t. 1 1787 rectifie : ,,Egu-glio-né et non pas éghi-glio-né, comme on le dit dans le Dict. gramm.`` Enq. : /egɥijo2n/. Conjug. parler.
Étymol. ET HIST. − 1. 1160 fig. « piquer comme avec un aiguillon » (Benoit de Ste Maure, Ducs de Norm., éd. Fahlin, v. 11113-16 : N'atent ne mais sol tens e lieu De tolir a chascun son fieu, Sovent en est aguillonnez E de plusors amonestez); ca 1210 id. « exciter, inciter (moralement) » (Guiot, Bible, 1290 ds Gdf. Compl. : Cil governent tot a lor guise; Bien les aguillonne et atise; Trop sont tirant, Dex me confonde); 2. 1551 « exciter un animal avec un aiguillon » (Cottereau, Columelle, II, 2, ibid. Aiguillonner le jeune bouveau). Dér. de aiguillon*; dés. -er.
STAT. − Fréq. abs. litt. : 101.
BBG. − Bailly (R.) 1969 [1946]. − Bar 1960. − Baudr. Chasses 1834. − Bél. 1957. − Bénac 1956. − Caput 1969. − Dup. 1961. − Guizot 1864. − Laf. 1878. − Noter-Léc. 1912. − Nysten 1814-20. − Remig. 1963. − Sardou 1877. − Séguy 1967. − Sommer 1882.