| AIGUAIL, subst. masc. A.− Région., littér. Rosée : 1. Reine me rappela nos jeux d'enfants, quand nous nous amusions (...) à tremper nos lèvres dans le froid aiguail qui se ramasse au creux des feuilles.
P. Arène, Jean des Figues,1870, p. 61. 2. Ses yeux brillent d'une soudaine excitation. Tout son visage semble frissonner comme de l'eau, et il y a dessus, en effet, on ne sait quelle humidité vivace, comme si la nuit, les arbres, le vent, le sel de l'air l'y avaient déposée, à la façon de l'aiguail sur les fleurs.
H. de Montherlant, Les Olympiques,1924, p. 303. 3. Elles [les bêtes] restèrent toutes trois dans le pré, poursuivant (...) leurs galops légers, leur bain d'aiguail trempé de lune (...). Ils [François et Pradine] virent les lièvres sur un tertre, duveteux d'une tendre toison.
M. Genevoix, L'Aventure est en nous,1952, p. 220. B.− VÉN. Accoutumer les chiens à l'aiguail. ,,Les dresser à la chasse du matin.`` (Besch. 1845). Chien d'aiguail (DG) : 4. En terme de chasse, on dit que les chiens qui sont bons dans le haut du jour, ne valent rien dans l'aiguail, et au contraire que ceux qui sont bons dans l'aiguail, ne valent rien au haut du jour. On dit aussi : l'aiguail ôte le sentiment du chien.
Baudr.Chasses1834. Rem. Attesté également ds Ac. 1798, Littré, Nouv. Lar. ill., Lar. 20e. Prononc. ET ORTH. − 1. Forme phon. : [εgaj]. Pour la prononc. du groupe gu devant a dans ce mot, cf. aiguade. 2. Forme graph. − Lar. 20e, s.v. aiguail avec u renvoie à aigail sans u. 3. Hist. Land. 1834, Gattel 1841, Besch. 1845 transcrivent la 1resyllabe du mot avec [e] fermé. Gattel 1841, Nod. 1844, Fél. 1851 et Littré notent la finale avec [λ] (l mouillé). Boiste 1834 emploie comme vedette la forme : aigail sans u. Land. 1834 emploie concurremment les formes : aigail et aiguail. Les 2 dict. réservent à la forme aiguaille (subst. fém.) une vedette de renvoi à aigail. Ac. Compl. 1842, s.v. aigail renvoie à aiguail. Nod. 1844, s.v. aigail déclare que : ,,l'orthographe égail est très mauvaise, parce qu'elle ne rappelle aucunement l'étymologie``. Étymol. ET HIST. − 1561 esgail « rosée » (Du Fouilloux, Ven., ch. 28 ds Gdf. Compl. : La vehemente chaleur et secheresse qui oste l'esgail et humidité du boys); 1565 égail « id. » (Bereau, Églogue, 5 ds
Œuvres poétiques, éd. Hovyn de Franchère et Guyet, Paris, 1884 ds Hug. : Mais je ne le hay tant que ces rouges limasses, Qui broutillent ma vigne à l'égail du matin); 1690 aiguail « id. » (Fur. : On dit en termes de Chasse, que les chiens en veulent bien dans l'aiguail, qui ne veulent rien au haut du jour).
Mot de l'Ouest (sud de la Loire), dér. de egue, aigue* « eau » forme attestée dans les dial. de cette région (voir Verr.-On. 1908, s.v.); suff. -ail*. L'hyp. de Bl.-W.5et du FEW t. 1, s.v. aqua (aiguail dér. d'un verbe dial. aiguailler « faire de la rosée » ext. de égailler* « (se) répandre ») fait difficulté du point de vue sém., voir Dauzat ds Fr. mod., t. 6, pp. 18-21. STAT. − Fréq. abs. litt. : 6. BBG. − Baudr. Chasses 1834. − Dauzat Ling. fr. 1946, p. 173. − Fér. 1768 (s.v. aigail). − Mots rares 1965. − Prév. 1755. |