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AIGREFIN, INE, subst. masc. et adj.
I.− Emploi subst. Individu rusé et habile à duper autrui pour parvenir à ses fins. Synon. chevalier d'industrie, escroc :
1. Je vis que j'avais affaire à un aigrefin à qui de pareils marchés étaient familiers, et qui ne s'avançait pas à la légère : il importait de savoir où il en voulait venir. L. Reybaud, Jérôme Paturot,1842, p. 448.
2. Jadis le cabaret avait été mieux hanté; mais peu à peu, aux courtisans et aux capitaines, les mœurs devenant plus délicates, s'étaient substitués des brelandiers, des aigrefins, des coupe-bourses et des coupe-jarrets, toute une clientèle de truands hasardeux qui avaient donné leur empreinte horrible au bouge, et fait de la gaie taverne un repaire sinistre. T. Gautier, Le Capitaine Fracasse,1863, p. 313.
3. Mais on ne dirige que par les idées et nos meneurs ne sont que des gens d'expédient. Les aigrefins peuvent avoir cent fois le dessus, ils n'en sont pas pour cela supérieurs. H.-F. Amiel, Journal intime,4 mai 1886, p. 276.
4. On s'imagine qu'il est moins dangereux de combattre de biais un fléau, que de le combattre de front; alors que c'est le contraire qui est vrai. Le biais est un parage dangereux, où foisonnent les dupeurs du peuple et les aigrefins. L. Daudet, Vers le roi,1920, p. 176.
II.− Emploi adj. :
5. Dès que nous nous écartons de la droiture et de la générosité, nous sommes ridicules et déplaisants; nos mesures sont étroites, nos projets mal concertés, notre maintien même devient aigrefin. J. Joubert, Pensées,t. 1, 1824, pp. 382-383.
6. La voix est perçante, brève. (...) Partout retentit le son de sa voix aigrefine. G. Moreau, Souvenirs de la Petite et de la Grande Roquette,t. 2, 1884, p. 22.
Rem. La lang. pop. emploie la forme aiglefin qui est en réalité, à la graph. près, la forme étymol. (cf. étymol.). Cf. A. Delvau, Dict. de la langue verte, 1866, p. 5. ,,Aiglefin, s.m. Chevalier d'industrie (...). Le peuple prononce le mot comme je l'écris [et non aigrefin] ...``; France 1907 : ,,Le peuple prononce le mot tel qu'il doit être écrit, tandis que les puristes disent aigrefin, qui n'a aucune signification. L'orthographe populaire s'explique d'elle-même : escroc hardi et entreprenant, vivant comme l'aigle de hardies rapines.``
Prononc. ET ORTH. : [εgʀ əfε ̃]. Passy 1914 note une durée mi-longue pour [ε] ouvert. − Rem. Gattel 1841 transcrit la 1resyllabe du mot avec [e] fermé. Le mot est écrit avec un trait d'union ds Wailly Vocab. 1809 : aigre-fin.
Étymol. ET HIST. − 1670-1671 « nom donné aux officiers de mauvaise mine » (Montfleury, Fille Capit., V, sc. 3 ds Brunot t. 4, 1, p. 596 : Je l'ai laissé là-bas Avec ces aigrefins que je mène à l'armée; Qui lui souflent au nez du tabac en fumée); 1671 « (avec une idée d'habile tromperie au jeu) id. » (Poisson, Fem. coquet., II, sc. 7, ibid. : Les cartes dans leurs mains sont d'abord corrompuës ...; Quels aigres-fins, tu-dieu); 1701 (Fur. : Aigre-fin. Terme ironique et burlesque, pour signifier un homme fin, et difficile à tromper). − 1740 (Ac. : Aigrefin. Terme de mépris qui signifie un homme qui vit d'industrie). Emploi burlesque de églefin*- aiglefin (lui-même attesté sous la forme aigrefin dep. le xives., J. Lefevre, trad. de La Vieille; Ménagier ds T.-L.), prob. en raison de l'aspect extérieur du poisson, caractérisé par un corps très allongé et une bouche énorme signe d'une grande voracité, d'où 1. la désignation de l'officier de mauvaise mine, prob. maigre, cf. can. aigrefin « pers. de faible constitution » ds Gloss. du parler fr. du Canada, Québec, 1930; 2. le sens « chevalier d'industrie, homme rapace, sans scrupule », cf. holl. schelvis (corresp. au m. néerl. schelvisch, étymon de églefin*) signifiant « morue » et terme d'injure à l'égard des enfants : jou schelvisje « le petit fripon, le petit espiègle » ds P. Marin, Dict. fr.-holl., Dordrecht, 1728 cité par Rolland, Faune, 3, 117; il est d'autre part possible que le mot, semblant fait de aigre et de fin ou de aigre et de faim [avoir aigre faim] ait favorisé cet emploi péj. L'hyp. d'une formation directe à partir de aigre et de fin (Dauzat 1968, 1rehyp.) n'est pas vraisemblable, un rapprochement avec ces 2 mots ayant plus prob. été fait par étymol. seconde. L'hyp. d'un croisement entre aggripper et agriffer (P. Guiraud, ds Cah. Lexicol., 10, 18, qui reprend l'hyp. déjà formulée par Sain. Lang. par. 1920, p. 11) semble elle aussi ne pouvoir être retenue que comme étymol. seconde, dans la mesure où par ex. le fr. aigrefin « chevalier d'industrie » a été vraisemblablement adapté par le prov. en agrifin « escroc » d'apr. agrifa « agripper », Mistral. À remarquer que Sain. Sources t. 1 1925, p. 99 déclare abandonner cette hyp. en faveur de celle d'un emploi d'églefin-aigrefin.
STAT. − Fréq. abs. litt. : 35.
BBG. − Behrens (D.) 1923, p. 59. − Canada 1930. − France 1907 (s.v. aiglefin).Guiraud (P.). Mélanges d'étymologies argotiques et populaires. Cah. Lexicol. 1967, t. 10, no1, p. 18. − Sain. Lang. par. 1920, p. 11.