| AHAN, subst. masc. A.− Vx, rare. [Gén. en parlant d'une pers., ou d'une chose personnifiée] Effort physique très pénible où l'être semble s'essouffler : 1. Hérode avait entrelacé ses pieds sous le tronc de l'arbre, et il y tenait comme avec des crampons rivés. La Râpée, serré entre ses bras non moins musculeux que ceux d'Hercule, suait et soufflait d'ahan.
T. Gautier, Le Capitaine Fracasse,1863, p. 413. 2. Puis elle retourna, à grand ahan, car les cadavres même maigres et provisoires, pèsent lourd, la carcasse d'homme...
A. Arnoux, Zulma l'infidèle,1960, p. 165. − P. ext. Cris d'essoufflement accompagnant cet effort : 3. ... elles écoutaient le hoquet de la locomotive qui se met en marche, le sifflement saccadé de ses jets, ses cris stridulés, ses ahans rauques.
J.-K. Huysmans, Les Sœurs Vatard,1879, p. 237. 4. Il était si fatigué que, chaque fois qu'il montait sur un trottoir, il avait une sorte d'ahan, se soulevant et se recevant comme un cheval poussif sur l'obstacle (on aurait cru entendre la selle grincer).
H. de Montherlant, Les Célibataires,1934, p. 844. Rem. 1. Ahan est présenté en ce sens comme un mot bas ou pop. ds Ac. 1798, Ac. t. 1 1932 et ds Besch. 1845, Littré. 2. Il porte la marque ,,vieux`` ou ,,vieilli`` ds Boiss.8, Lar. 20e, Rob.; Littré remarque : ,,Ce mot populaire, très usité jadis, tombe en désuétude. Pourtant il serait bon de faire des efforts pour le conserver; car il est expressif et a des liaisons avec toutes les langues romanes.`` 3. À signaler aussi les sens vx ou vieilli de « labour » ds Ac. Compl. 1842, Besch. 1845 et de « terres nouvellement défrichées » ds Dupin-Lab. 1846. Cf. étymol. B.− P. anal., littér. Effort moral, intellectuel, etc. très pénible : 5. Ce corps à corps avec la phrase, ces ahans de porteur d'eau durant ses veilles, les écroulements hébétés sur son divan pour quinze lignes qu'il supprimait au petit jour, cette absurde ascèse demeurait la seule qui fût, à sa portée [de Flaubert] ...
F. Mauriac, Mémoires intérieurs,1959, p. 99. Prononc. : [aɑ
̃]. Qq. dict. (Passy 1914, Barbeau-Rodhe 1930) indiquent une var. [ahɑ
̃]. Étymol. ET HIST.
A.− Subst. 1. a) Mil. xes. « peine, tourment » (Vie de S. Léger, 9, 10, éd. A. Henry, Chrestomathie, p. 9 : Aprés ditrai vos dels aanz Que li suos corps susting si granz); xies. « fatigue, peine » (Alexis, 46, éd. Paris-Pannier : Por toe amor en soferrai l'ahan); d'où début xives. suer d'ahan, « faire une chose très pénible physiquement, se fatiguer extraordinairement » (G. Guiart, ms. fol. 130, Rods La Curne t. 1 1875 : Tyois qui de grant hahan suent Le cheval sous Guillaume tuent); b) début xiiies. « travail, labeur » (Vie de Ste Juliane, éd. Feilitzen, 737 ds T.-L. : Aleir t'estuet a ton ahan, Dont tu dois vivre trestot l'an). − xvies.; d'où 2. 2emoitié xiiies. « terre labourable, champ » (Gauthier Le Long, La Veuve, v. 431-433 ds Trouv. Belges, I, p. 239 : Voir je devroi estre banie, Cant je lessai por vos Jehan, Ki a sa terre et son ahan); ca 1390 « labour, semailles » (Bout., Somme rur., 2epart., fo35a, éd. 1486 ds Gdf. : On le mettroit [un vivier] a ahan et a semence). − 1845, Besch.; fin xives. « récolte, produit d'une terre mise en labour » (Eust. Desch., Poés., Richel., 840, fo422 a, ibid. : Je pense de cueillir l'ahan Des moissons ou vous aurez part); ces 2 dernières accept. se retrouvent dans les dial. du Nord (cf. FEW t. 1, s.v. *afannare).
B.− Interj. Fin xiies. Invite à l'effort (Ren., 3346, éd. Méon ds T.-L. : amis, ahan, ahan, Sachiez bien les cordes, sachiez).
Du lat. *afannare, non attesté mais postulé par les formes fr. et l'a. prov. afanar (xiies., Rayn.). Fouché t. 3 1961, p. 612, explique ainsi l'évolution phonét. : le f entre 2 a non accentués s'est ouvert en [-w-] qui se serait amui. *Afannare demeure d'orig. obsc. : une dérivation du lat. afannae « faux-fuyants, balivernes » (Bl.-W.5, Cor. t. 1 1954, s.v. afanar) fait difficulté sur le plan sém. L'ital. affannare est un empr. soit à l'a. prov. (G. Devoto, Dizionario etimologico, 1968, s.v.) soit au fr. (DEI) accompagné de croisement avec le préf. ital. a(d); l'esp. afanar est soit directement issu du lat., soit emprunté à l'a. prov. (Cor., loc. cit.). L'hyp. de EW FS2déjà formulée ds Gam. Rom.1, p. 252 (à la suite de Brüch ds Z. fr. Spr. Lit., t. 40, p. 103), qui considère *affannare comme une romanisation de l'a. nord. *af-annan, de l'a. nord. qnn « effort » fait difficulté sur le plan phonét. et surtout du point de vue géogr.; 2 est peut-être le déverbal de ahan. STAT. − Fréq. abs. litt. : 17. BBG. − Bél. 1957. − Boiss.8. − Dupin-Lab. 1846. − Le Roux 1752. − Pisani (V.). Relitti lessicali oscoumbri nelle lingue romanze. In : [Mélanges Rohlfs (G.)]. Halle, 1958, p. 378. − Timm. 1892. |