| AGRICULTEUR, subst. masc. et adj. masc. Personne dont l'activité, exercée le plus souvent de façon indépendante, a pour objet principal la culture du sol en vue de la production des plantes utiles à l'homme et à l'élevage des animaux, et accessoirement l'élevage des animaux (cf. agriculture). Synon. cultivateur.A.− Emploi subst. masc. : 1. C'est à sa charrue et à ses engrais que doit avoir recours l'agriculteur s'il veut obtenir de riches moissons. Voilà toute la magie de ce paysan, qu'on accusait de sortilège pour rendre ses champs fertiles.
Ch.-F. Dupuis, Abrégé de l'origine de tous les cultes,1796, p. 449. 2. Dans tous les cas, il y a similitude complète entre le travail du commerçant et celui de l'agriculteur ou du manufacturier. L'un n'est ni plus ni moins essentiellement productif que l'autre. Tous ne réussissant pas, sont en pure perte; tous réussissant, produisent accroissement de jouissance, si on consomme; accroissement de richesse, si on ne consomme pas.
A.-L.-C. Destutt de Tracy, Commentaire sur l'Esprit des lois de Montesquieu,1807, p. 327. 3. La vanité, ce germe fécond d'agitations politiques, est fréquemment blessée dans le propriétaire industriel : elle ne l'est presque jamais dans l'agriculteur. Ce dernier calcule en paix l'ordre des saisons, la nature du sol, le caractère du climat. L'autre calcule les fantaisies, l'orgueil, le luxe des riches. Une ferme est une patrie en diminutif. L'on y naît, l'on y est élevé, l'on y grandit avec les arbres qui l'entourent. Dans la propriété industrielle, rien ne parle à l'imagination, rien aux souvenirs, rien à la partie morale de l'homme. On dit le champ de mes ancêtres, la cabane de mes pères. On n'a jamais dit la boutique ou l'atelier de mes pères.
B. Constant, Principes de politique,1815, p. 58. 4. Quand on met un droit sur les draps comme objet de consommation, la consommation des laines diminue, et l'agriculteur qui élève les moutons, en voit son revenu affecté. Il peut se livrer à un autre genre de culture, dira-t-on; mais il faut supposer que, dans la situation et par la nature de son terrain, l'éducation des bêtes à laine était la culture qui lui rapportait le plus, puisqu'il l'avait préférée; un changement de culture est donc pour lui une diminution de revenu : ...
J.-B. Say, Traité d'économie politique,1832, p. 527. 5. − Vous avez vu la misère résignée d'un vétéran de l'armée; maintenant, vous allez voir celle d'un vieux agriculteur. Voilà un homme qui, pendant toute sa vie, a pioché, labouré, semé, recueilli pour les autres.
H. de Balzac, Le Médecin de campagne,1833, p. 94. 6. Qui donc pourvoit à nos besoins? Qui donc fournit à notre subsistance? N'est-ce pas l'agriculteur? L'agriculteur, Messieurs, qui, ensemençant d'une main laborieuse les sillons féconds des campagnes, fait naître le blé, lequel broyé est mis en poudre au moyen d'ingénieux appareils, en sort sous le nom de farine, et, de là, transporté dans les cités, est bientôt rendu chez le boulanger, qui en confectionne un aliment pour le pauvre comme pour le riche. N'est-ce pas l'agriculteur encore qui engraisse, pour nos vêtements, ses abondants troupeaux dans les pâturages? Car comment nous vêtirions-nous, car comment nous nourririons-nous sans l'agriculteur?
G. Flaubert, Madame Bovary,t. 1, 1857, p. 166. 7. Il quitta Dundalk, où il mourait de faim, emmena sa famille vers les contrées australiennes, débarqua à Adélaïde, dédaigna les travaux du mineur pour les fatigues moins aléatoires de l'agriculteur, et, deux mois après, il commença son exploitation, si prospère aujourd'hui.
Tout le territoire de l'Australie du Sud est divisé par portions d'une contenance de quatre-vingts acres chacune. Ces divers lots sont cédés aux colons par le gouvernement, et par chaque lot un laborieux agriculteur peut gagner de quoi vivre et mettre de côté une somme nette de quatre-vingts livres sterling.
J. Verne, Les Enfants du capitaine Grant,t. 2, 1868, p. 69. 8. En revanche, ils estiment grandement la charrue et se montrent agriculteurs expérimentés et éleveurs de bétail admirables. Les fermes établies par eux dans le Caucase sont belles, bien tenues, prospères, ...
J.-A. de Gobineau, Nouvelles asiatiques,La Danseuse de Shamakha, 1876, p. 17. 9. L'agriculteur est une espèce de mineur, qui extrait lui aussi le charbon, sous forme de bois, d'amidon, de sucre, de nectar, de parfum; seulement au lieu d'aller chercher le charbon et ses composés à cinq cents mètres sous la terre, il l'extrait de l'air par d'autres procédés, qui sont culture, labour, ensemencements, arrosages.
Alain, Propos,1922, pp. 411-412. 10. Dans le même temps, le statut du fermage est renouvelé de fond en comble. Désormais, l'agriculteur qui exploite une terre louée est assuré d'y demeurer aussi longtemps qu'il le voudra, pourvu qu'il remplisse les conditions de son bail. En outre, il a, sur cette terre, un droit de préemption, s'il arrive qu'elle soit mise en vente. Ainsi est-il porté remède à une cause virulente d'agitation paysanne et de désertion des campagnes.
Ch. de Gaulle, Mémoires de guerre,Le Salut, 1959, p. 97. Rem. Le même mot désigne à la fois l'exploitant-producteur (ex. 2, 10, etc.) et le technicien spécialisé dans un genre de travail (ex. 8, 9, etc.). Cf. agriculture et agricole. Dans ce dernier cas, lorsqu'elle concerne uniquement la production des plantes à l'exclusion de l'élevage des animaux, l'activité de l'agriculteur est parfois nettement distinguée de celle de l'éleveur ou du pasteur (ex. 8); ailleurs, au contraire, les 2 activités sont confondues (ex. 6). B.− Emploi adj. masc., vx. [En parlant d'une pers.] :
Stylistique − Agriculteur, cultivateur. Leur caractéristique est l'exercice indépendant (sur leur terre ou celle d'autrui) de l'agriculture. Un fermier est un agriculteur ou un cultivateur (ex. 10); un ouvrier agricole n'est ni l'un, ni l'autre. Le cultivateur est davantage proche du laboureur; il est supposé pratiquer une polyculture vague et modeste ou un genre de culture partic. dans un domaine circonscrit. L'agriculteur s'inspire davantage de l'agronomie; son activité, plus étendue, a un caractère plus techn. (c'est l'agriculteur, non le cultivateur, qui est enregistré dans les stat.); sa dénomination, plus flatteuse est d'une lang. plus distinguée que celle du cultivateur, sert aussi à classer des activités plus spécialisées. Tous les deux s'opposent à rural (empl. surtout au plur. : les ruraux) qui désigne tout habitant de la campagne touchant de près ou de loin à l'agric. (p. ex. aussi le maréchal-ferrant, le charron, etc.).11. La population s'étant trouvée tout-à-coup accrue, a dû donner une face nouvelle à cet établissement; et comme ces nouveaux colons se sont trouvés diligens, laborieux et agriculteurs, les progrès de la population ont dû augmenter en raison de ces qualités particulières des individus, et de la grande fertilité du sol.
Voyage de La Pérouse autour du monde,t. 4, 1797, p. 91. Rem. 1. Dans l'ex. suiv. agriculteur (sans art.) est plutôt subst. apposé, et cet usage est toujours vivant (cf. aussi l'emploi en fonction d'attribut, supra ex. 8) : 12. Nous ferons mieux connaître, plus tard, en parlant du livre de Caton sur l'agriculture, toute la rudesse du vieux génie latin. C'était un peuple patient et tenace, rangé et régulier, avare et avide. Supposé qu'un tel peuple devienne belliqueux, ces habitudes d'avarice et d'avidité se changeront en esprit de conquêtes. Tel a été au moyen âge le caractère des Normands, de ce peuple agriculteur, chicaneur et conquérant, ...
J. Michelet, Histoire romaine,t. 1, 1831, p. 33. Rem. 2. Quillet 1965 enregistre le syntagme le soc agriculteur. Prononc. : [agʀikyltœ:ʀ]. Enq. : /agʀikyltø2
ʀ/. Étymol. ET HIST. − 1495 « celui qui cultive la terre » (J. de Vignay, Mir. hist., XXVI, 16, édit. 1531, d'apr. Delboulle ds R. Hist. litt. Fr. t. 1 p. 493 : Orateurs, pugnateurs et agriculteurs); il devient usuel au xvies., supplantant agricole*.
Empr. au lat. agricultor « id. » (Tite-Live, 26, 35, 5 ds TLL s.v., 1426, 38 : servos agricultores rem publicam abduxisse). STAT. − Fréq. abs. litt. : 212. Fréq. rel. litt. : xixes. : a) 343, b) 309; xxes. : a) 325, b) 246. BBG. − Bailly (R.) 1969 [1946]. − Bar 1960. − Bél. 1957. − Bénac 1956. − Bonnaire 1835. − Dub. Pol. 1962, p. 86. − Dup. 1961. − Guizot 1864. − Kold. 1902. − Laf. 1878. − Mét. 1955. − Plais.-Caill. 1958. − Privat-Foc. 1870. − Sardou 1877. − Sommer 1882. − Spr. 1967. − Synon. 1818. − Thomas 1956. |