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AGRICOLE, adj. et subst. masc.
I.− Emploi adj. Qui se rapporte à l'agriculture.
A.− [En parlant de pers.] Qui se consacre à l'agriculture.
1. [En parlant d'individus]
a) Vx, en gén. :
1. ... la cabane du Suisse agricole et guerrier se montre entre des aulnes dans la vallée. F.-R. de Chateaubriand, Essai sur les Révolutions, t. 1, 1797, pp. 287-288.
2. Les habitants, industrieux, agricoles et actifs, cultivent admirablement les collines qui descendent de la ville dans la plaine, et se hasardent même à cultiver les parties du désert les plus rapprochées. A. de Lamartine, Voyage en Orient,t. 2, 1835, p. 246.
b) Emplois spéc. Ingénieur agricole. Titre des diplômés des Écoles Nationales d'Agriculture. Ouvrier, travailleur agricole :
3. Plusieurs de nos économistes disent le travailleur pour dire l'ouvrier, oubliant seulement vingt-quatre millions de travailleurs agricoles. Et cependant le paysan n'est pas seulement la partie la plus nombreuse de la nation, c'est la plus forte, la plus saine, et, en balançant bien le physique et le moral, au total la meilleure. J. Michelet, Le Peuple,1846, p. 66.
4. Enfant, plus tard même j'ai connu le pays peuplé d'ouvriers agricoles. Les petites terres en avaient chacune un, qui doublait le maître; les grandes en possédaient des équipes, soit distribuées dans le faire-valoir, soit groupées au centre de métairies éloignées, d'où elles donnaient la main au métayer débordé de besogne. J. de Pesquidoux, Le Livre de raison,t. 3, 1932, p. 178.
2. [En parlant d'une collectivité] Population agricole; un peuple, une nation, un pays agricole :
5. Dans cette troisième époque, les peuples qui n'ont encore éprouvé le malheur ni d'être conquérants, ni d'être conquis, nous offrent ces vertus simples et fortes des nations agricoles, ces mœurs des temps héroïques, dont un mélange de grandeur et de férocité, de générosité et de barbarie, rend le tableau si attachant, et nous séduit encore au point de les admirer, même de les regretter. A. de Condorcet, Esquisse d'un tableau historique des progrès de l'esprit humain,1794, p. 35.
6. Un Français, M. de Roujoux, consul des Cyclades, a fondé une colonie agricole à trois lieues d'Athènes, entre l'Hymette et le Pentélique. Le village s'appelle Carvati; il est bien bâti, bien fermé, bien aménagé et peuplé de plus de deux cents individus. Le domaine se compose de 7 500 hectares, dont un tiers en bonnes terres. E. About, La Grèce contemporaine,1854, p. 139.
7. « Et qui s'en étonnerait, Messieurs? Celui-là seul qui serait assez aveugle, assez plongé (je ne crains pas de le dire), assez plongé dans les préjugés d'un autre âge pour méconnaître encore l'esprit des populations agricoles. Où trouver, en effet, plus de patriotisme que dans les campagnes, plus de dévouement à la cause publique, plus d'intelligence en un mot? G. Flaubert, Madame Bovary,t. 1, 1857, pp. 164-165.
8. « Monsieur, l'industrie, chez nous, ne fait qu'affaiblir la moralité nationale. Il faut que la France reste agricole. » « Oui, si vous entendez par moralisation, que l'agriculture ayant l'avantage de n'être pas susceptible de la même division du travail, elle ne peut jamais réduire l'homme à l'état de chose. » Visiblement, ce n'était pas là sa pensée. M. de Talleyrand veut de l'agriculture pour la France et rien autre, parce qu'il croit qu'elle développe moins l'intelligence. J. Michelet, Sur les chemins de l'Europe,1874, p. 32.
9. Si l'on veut une figuration schématique, simplifiée et stylisée, des conflits d'aujourd'hui, on devra d'abord se représenter les nations comme des populations purement agricoles. Elles vivent des produits de leurs terres. Supposons qu'elles aient tout juste de quoi se nourrir. Elles s'accroîtront dans la mesure où elles obtiendront de la terre un meilleur rendement. H. Bergson, Les Deux sources de la morale et de la religion,1932, p. 307.
10. L'antithèse entre la vieille Angleterre agricole et la jeune Angleterre industrielle, entre le froment et le mâchefer, Chateaubriand l'a marquée dans une belle page des Mémoires : ... P. Morand, Londres,1933, p. 43.
11. Ceux qui espèrent tout de notre humiliation et de notre fatigue infinie auront beau ajouter chaque jour un trait à l'image de nous-mêmes qu'ils s'efforcent de nous imposer, à cette caricature d'un vieux pays agricole, arriéré, décrépit, dont les magnats des deux mondes n'attendent plus que des fromages, des vins et des modèles de robes, inlassablement nous leur rappellerons ce qu'ils feignent d'oublier, ce qu'ils ont intérêt à oublier : que la nation française a une âme. F. Mauriac, Le Cahier noir,1943, p. 371.
P. ext. Syndicat agricole. Syndicat qui se consacre à la défense des agriculteurs :
12. Il y a quelques années on a dénoncé le péril que faisait courir à la République la formation d'un parti agrarien; le résultat n'a pas répondu aux espérances des promoteurs des syndicats agricoles, mais il aurait pu être sérieux; pas un instant Waldeck-Rousseau ne s'en est douté; sa circulaire ne laisse même pas voir qu'il ait soupçonné les services matériels que les nouvelles associations devaient rendre à l'agriculture. S'il avait eu l'idée de ce qui pouvait se passer, il aurait pris des précautions dans la rédaction de la loi; il est certain que ni la loi, ni la commission ne comprirent l'importance du mot « agricole », qui fut introduit, par voie d'amendement, à la demande d'Oudet, sénateur du Doubs. G. Sorel, Réflexions sur la violence,1908, p. 303.
B.− [En parlant des phases ou aspects de l'activité des pers.]
1. [En parlant de leur activité] Qui est consacré à l'agriculture.
a) En gén. Travaux agricoles :
13. ... et déjà la charrue commence à retourner le limon. Voici l'odeur du grain, voici le parfum de la moisson. Au bout de la plaine occupée par les travaux agricoles on voit un grand fleuve, et là-bas, au milieu de la campagne, un arc de triomphe, coloré par le couchant d'un feu vermeil, complète le paisible tableau. P. Claudel, Connaissance de l'Est,1907, p. 54.
b) En partic. Exploitation, industrie agricole :
14. Il est vrai que par l'effet de l'industrie, que l'on nomme assez mal agricole, les matières changent le plus souvent de nature; que l'industrie manufacturière n'en change ordinairement que la forme... A.-L.-C. Destutt de Tracy, Commentaire sur l'Esprit des lois de Montesquieu,1807, p. 326.
15. Les objets que la nature ne livre pas tout préparés pour satisfaire nos besoins, peuvent y être rendus propres par notre industrie. Lorsqu'elle se borne à les recueillir des mains de la nature, on la nomme industrie agricole, ou simplement agriculture. J.-B. Say, Traité d'économie politique,1832, p. 59.
16. Les entreprises agricoles sont celles qui exigent, toutes proportions gardées, les moins gros capitaux (en ne considérant pas la terre, ni ses améliorations, comme faisant partie du capital du fermier); il doit donc y avoir plus de personnes en état, par leurs facultés pécuniaires, de s'appliquer à cette industrie qu'à toute autre; ... J.-B. Say, Traité d'économie politique,1832p. 413.
17. Des bâtiments d'exploitation agricole, des haras, des étables, des bergeries et des granges, les masures des cultivateurs et les cabanes des serfs du domaine complétaient le village royal, ... A. Thierry, Récits des temps mérovingiens,t. 1, 1840, p. 317.
P. ext. [En parlant d'une activité hum. en tant que type] Qui a pour caractéristique l'agriculture. Économie, traditions agricoles :
18. La vie chez les civilisés. Le collège jusqu'à dix-huit ans, puis une carrière d'examens jusqu'à vingt-cinq ans, et la moyenne de la vie est de quarante ans... C'est vraiment trop d'humanités dans la vie de l'humanité; et un jour, elle retournera à la vie sauvage, à la vie agricole et chasseuse, à la vie des temps où l'homme vivait réellement les années qu'il passait sur cette planète. E. et J. de Goncourt, Journal,juill. 1891, p. 123.
19. Ne va-t-il pas comme eux retrouver à son foyer, au lieu de sa naissance et sur une terre chargée de traditions familiales et agricoles, des éléments de résistance au vent de folie? À la folie extérieure, oui, mais celle qu'il a de nature dans l'âme? M. Barrès, Mes cahiers,t. 10, 1erjanv.-3 avr. 1913, p. 58.
20. Lorsque Sully disait l'autre mot célèbre, « labourage et pâturage sont les deux mamelles de la France », il partait de cette idée juste que l'agriculture est la source de notre richesse. On reconstruisit, comme on reconstruit toujours, avec du bon sens, par le travail et l'épargne, avec des principes paysans et bourgeois. Sur sa base agricole, sa terre qui récompense toujours le labeur, la France refit de la richesse. Comme on dit, les affaires reprirent. J. Bainville, Histoire de France,t. 1, 1924, p. 198.
21. C'est ainsi, nous semble-t-il, que dans une société conforme à l'idéal historique concret qui nous occupe, et si l'on tient compte des conditions créées par l'évolution économique et technique moderne, le statut de l'économie industrielle, à laquelle le machinisme fait déborder nécessairement les cadres de l'économie familiale, et celui de l'économie agricole, beaucoup plus foncièrement liée à l'économie familiale, seraient fondamentalement différents. J. Maritain, Humanisme intégral,1936, p. 177.
22. Théotime est un poste avancé des collines, et le lieu de rencontre où s'équilibrent à leur sauvagerie l'aménité des premiers jardins et la force des premiers blés. Son génie est aussi pastoral qu'agricole; et s'il a sa grandeur céréale au midi, par contre, vers le nord, ce sont ses bergers et ses bêtes qui, durant six mois de l'année, hantent les plateaux. H. Bosco, Le Mas Théotime,1945, p. 332.
Rem. Ex. 22, oppos. agricole/pastoral (cf. agriculture ex. 9).
2. [En parlant des moyens de cette activité : terres, bâtiments, machines, etc.] Qui est exploité ou utilisé pour l'agriculture :
23. Au contraire, dans l'ordre agricole, la machine, semeuse, faucheuse, moissonneuse, lieuse, batteuse, supprime purement et simplement des bras. Et ce sont les prolétaires qu'elle élimine. Les petits propriétaires ne sont pas supprimés par le machinisme comme les artisans. La machine agricole s'adapte en effet de plus en plus à la petite propriété, et bien loin de détruire le petit propriétaire, elle le dispense des frais de main-d'œuvre qu'il avait à supporter par exemple pour la moisson. Le prolétariat rural devenant de plus en plus rare, la croissance de la grande propriété se trouve naturellement arrêtée. Et par là s'explique l'état à peu près stagnant de la propriété agricole en France. J. Jaurès, Études socialistes,1901, pp. 3-4.
24. La plaine agricole, autour de ce sommet, a été négligée de la grande civilisation; ses cultures immuables disciplinent depuis des siècles ses habitants, et sur cette terre antique l'énergie des autochtones n'a enregistré que les grandes commotions historiques. M. Barrès, Mes cahiers,t. 3, 17 avr. 1903-10 janv. 1904, p. 163.
25. ... l'ensemble du gîte [de phosphates] est enlevé sans entraîner la destruction de la surface agricole. J.-N. Haton de La Goupillière, Cours d'exploitation des mines,1905, p. 443.
26. Mais voici qu'un autre enfant à pourvoir va attendre de moi le même don et les mêmes soins. En vérité, des soins plus grands, car tout est à créer cette fois, des pierres à la plante, de l'animal à l'instrument, je veux dire que la bâtisse est à reconstruire, le cheptel et le train agricole à fournir, que les cultures sont à restaurer, à régler, à adapter au nouveau régime prévu. Le sol seul, le fonds est vivant et pétri, avec ses éléments nutritifs, ses sucs élaborés par des siècles de travail, avec sa sève profonde qui verse aux fruits venus de lui comme un sang ardent et riche. J. de Pesquidoux, Le Livre de raison,t. 1, 1925, pp. 135-136.
27. La garenne traversée, s'étendent les vastes hangars agricoles sous lesquels ouvrent l'étable, l'écurie, les logements des charretiers. F. Mauriac, Journal 2,1937, p. 106.
28. Ces mouvements imposent au pays une beauté morale; car ils portent l'esprit qui les contemple, depuis les glèbes agricoles jusqu'aux plateaux incultes, à l'intelligence du monde et à l'amour de la création. H. Bosco, Le Mas Théotime,1945, p. 139.
3. [En parlant d'un produit] Qui trouve son origine dans l'agriculture. Production agricole :
29. Les défrichis donnèrent d'excellentes récoltes. Puis la qualité supérieure de nos produits agricoles fut maintenue par les engrais et par les fumiers dus à l'accroissement de la population. H. de Balzac, Le Médecin de campagne,1833, p. 46.
30. ... la production agricole atteint à peine les deux tiers de ce qu'elle était autrefois. D'ailleurs, l'occupant prélève une grande partie de ce que fournit la réquisition; pour la viande, il en prend la moitié. Ch. de Gaulle, Mémoires de guerre,L'Unité, 1956, p. 169.
P. méton. Qui concerne ces produits. Crise, prix agricole :
31. ... la condition du paysan reste la même et ne dépend plus guère que des saisons. C'est donc sur l'industrie que porte principalement l'action dévorante de la propriété. De là vient que nous disons communément crises commerciales et non pas crises agricoles, parce que, tandis que le fermier est lentement consumé par le droit d'aubaine, l'industriel est englouti d'un seul trait; ... P.-J. Proudhon, Qu'est-ce que la propriété?1840, p. 275.
32. La société modifie les rapports de l'échange entre agriculture et industrie par la politique des prix agricoles et des subventions aux fermiers; ... F. Perroux, L'Économie du XXesiècle,1964, p. 597.
4. [En parlant de divers autres aspects de la vie agricole]
Vieilli. Calendrier agricole :
33. Calendrier agricole. On nomme ainsi un arrangement méthodique des divers travaux qu'on doit exécuter chaque mois en agriculture. É.-A. Carrière, Encyclopédie horticole,1862, p. 79.
Comices agricoles; concours agricoles. Réunions où sont primées les bêtes présentées par les éleveurs :
34. − Vous possédez une ferme par ici, reprit Rougon en souriant au député. La voilà sur ce coteau, si je ne me trompe... des prairies superbes! Je sais, d'ailleurs, que vous vous occupez d'élevage, et que vous avez eu des vaches couronnées, aux derniers comices agricoles. É. Zola, Son Excellence Eugène Rougon,1876, p. 257.
35. Il prenait cette profession de foi pour une bravade, bien que le marquis parlât sans fard, et qu'en vrai paysan il se sentît porté vers un gouvernement qui préside aux concours agricoles et prime les animaux gras. G. Bernanos, Sous le soleil de Satan,1926, p. 63.
Mérite agricole (ordre du). Ordre de chevaliers et d'officiers auxquels est décernée une décoration par le Ministre de l'Agriculture pour services rendus en ce domaine; le plus souvent, cette décoration elle-même :
36. M. Worms-Clavelin faisait intérieurement un autre reproche au ministère tombé : c'était d'avoir distribué les palmes académiques et conféré l'ordre du Mérite agricole aux seuls radicaux-socialistes, à profusion, dépouillant ainsi le préfet de l'avantage de gouverner avec des décorations, au moyen de promesses lentement suivies d'effet. A. France, L'Orme du mail,1897, pp. 108-109.
Ouvrage, périodique, etc. agricole. Publication qui traite de questions agricoles :
37. ... chaque fois qu'il ouvrait les revues agricoles, il ne manquait pas d'y voir que quelque Anglais venait d'inventer sa dernière invention. L.-É.-E. Duranty, Le Malheur d'Henriette Gérard,1860, p. 177.
II.− Emploi subst. masc., vx. Agriculteur.
Rem. Besch. 1845 condamne ce sens; Littré note qu'il ,,est tombé en désuétude. On dit agriculteur``; DG le note comme ,,vieux``.
Stylistique − Le mot est empl. avec une coloration méliorative dans des textes le plus souvent à caractère idéol. où l'agriculture s'oppose à l'industrie, comme l'état de nature à la civilisation (ex. 2, 5, 18, 19, 20); ailleurs elle est nettement dépréc. (ex. 8, 11).
Prononc. − 1. Forme phon. : [agʀikɔl]. Enq. : /agʀriko2l/. 2. Dér. et composés : agriculteur, agricultural, agriculture.
Étymol. ET HIST. − 1. 1372-74 subst. « cultivateur » (Oresme, Polit., fo159 a ds Gdf. Compl. : Les agricoles ou cultivateurs des terres) vx mot ds Trév. 1771; 2. av. 1780 adj. « qui s'adonne à l'agriculture » (Condillac ds Besch. 1852 : Afin qu'un pays agricole soit aussi riche qu'il peut l'être, il faut qu'on s'y occupe en même temps de toutes les espèces de travaux). 1 empr. au lat. agricola « id. » (Plaute, Rud., 616 ds TLL s.v., 1422, 11 : vostram ego imploro fidem, agricolae); 2 création du fr.
STAT. − Fréq. abs. litt. : 591. Fréq. rel. litt. : xixes. : a) 702, b) 579; xxes. : a) 855, b) 1 089.
BBG. − Bailly (R.) 1969 [1946]. − Bél. 1957. − Bénac 1956. − Boiss.8. − Dub. Pol. 1962 p. 16, 18, 44, 85, 86. − Fromh.-King 1968. − Lar. comm. 1930. − Lav. Diffic. 1846. − Plais.-Caill. 1958. − Pujol 1970. − Romeuf t. 1 1956. − Spr. 1967.