| AGAÇANT, ANTE, part prés., adj. et subst. masc. I.− Part. prés. de agacer*. II.− Adj. Qui agace. A.− [En parlant surtout d'une substance acide, d'un bruit aigu, d'un mouvement répété] Qui cause une sensation désagréable ou un état d'irritation : 1. Paganel ne peut s'empêcher de donner à tous les diables ces moustiques acharnés qui lardèrent sa longue personne de leurs agaçantes piqûres.
J. Verne, Les Enfants du capitaine Grant,t. 2, 1868, p. 95. 2. Il traînait ses vieilles pantoufles avec un petit bruit régulier et agaçant, s'enfonçant dans l'ombre, revenait vers la lumière, les mains derrière le dos, la tête basse, les yeux à terre, murmurant, s'exclamant, agitant la tête, inconscient de ceux qui l'entouraient.
M. Van der Meersch, Invasion 14,1935, p. 213. − En partic. [En parlant de l'action sur les dents] :
3. Le besoin de mordre, qui passe ailleurs avec la dentition, semble durer chez nous plus longtemps que les dents elles-mêmes. Notre verjus ne mûrit pas, et nous sommes fiers de son âpreté agaçante. Bref, nous avons peur d'être heureux et de rendre heureux; les étrangers ne nous aiment guère et nous faisons notre possible pour leur donner raison.
H.-F. Amiel, Journal intime,15 sept. 1866, p. 450. B.− Au fig. 1. Péj. [En parlant d'une pers. ou d'une manifestation de son être] Qui met dans un état de nervosité accompagné d'impatience ou d'irritation : 4. L'infini ne se démontre pas, il se cherche, et le beau se sent plus dans l'âme qu'il ne s'établit par des règles. Tous ces catéchismes d'art et de politique que l'on se jette à la tête sentent l'enfance de la politique et de l'art. Laissons donc discuter, puisque c'est l'enseignement pénible, agaçant et puéril qu'il faut sans doute encore à notre époque : mais que ceux d'entre nous qui sentent au dedans d'eux-mêmes un élan véritable ne s'embarrassent pas de ce bruit de l'école, et fassent leur tâche en se bouchant un peu les oreilles.
G. Sand, Histoire de ma vie,t. 4, 1855, p. 240. 5. Le jeune Franck a toujours la fâcheuse propriété d'être agaçant, désagréable et comme obstiné à déplaire par un instinct d'impertinence narquoise qui le fait aisément prendre en grippe. Son voisinage est toujours pour moi un exercice de patience, surtout quand je le trouve en société.
H.-F. Amiel, Journal intime,19 févr. 1866, p. 148. 6. Aidé du vent, qui traîne de la pluie sous un ciel bas, je me sens au cœur un peu de tristesse vraie. Il y a longtemps que cela ne m'était pas arrivé. Je suis ravi. Mais dès que je m'approche, dès que je cherche à voir en moi, toute tristesse s'en va et je ne trouve plus qu'une lassitude physique. Cela est pénible et agaçant.
J. Rivière, Alain-Fournier, Correspondance,lettre de J. R. à A.-F., nov. 1906, p. 322. 7. Ces jeunes Bergotte − le futur écrivain et ses frères et sœurs − n'étaient sans doute pas supérieurs, au contraire, à des jeunes gens plus fins, plus spirituels, qui trouvaient les Bergotte bien bruyants, voire un peu vulgaires, agaçants dans leurs plaisanteries qui caractérisaient le « genre » moitié prétentieux, moitié bêta, de la maison. Mais le génie, même le grand talent, vient moins d'éléments intellectuels et d'affinement social supérieurs à ceux d'autrui, que de la faculté de les transformer, de les transposer.
M. Proust, À la recherche du temps perdu,À l'ombre des jeunes filles en fleurs, 1918, p. 554. − P. ext. [En parlant d'une couleur, d'un son, etc. d'animaux ou de plantes, ...] :
8. Je me suis rappelé les taillis de chêne les plus verts, les potagers normands les mieux arrosés, à l'époque la plus épanouie de l'année, aussitôt après la frondaison, sans trouver quelque chose de comparable à ce badigeonnage de vert émeraude, entier, agaçant, et qui fait ressembler tous ces arbres à des joujoux de papier vert qu'on planterait sur du bois jaune.
E. Fromentin, Un Été dans le Sahara,1857, p. 248. 9. Sur l'accompagnement agaçant et frais des oiseaux gazouilleurs, le récit commençait...
Colette, Gigi,1944, p. 119. Rem. La coloration péj. semble moindre dans le cont. de ces ex. − C'est agaçant de... : 10. En sortant de ce travail dramatique de toute la journée, et lorsqu'on aspire à la tranquillité de la fin de la journée, c'est ennuyeux, c'est agaçant, de retrouver le soir, rue de Courcelles, encore du drame.
E. et J. de Goncourt, Journal,déc. 1888, p. 873. 2. Vieilli. [En parlant du comportement d'une pers. et gén. d'une femme] Qui séduit par ses agaceries : 11. L'enfant toute changée vivait. Elle reparut dans sa vraie nature d'amour, gentille, coquette, agaçante, gaie; enfin elle ressuscita!
H. de Balzac, Splendeurs et misères des courtisanes,1848, p. 61. 12. Pierre maintenant ne cessait pas de faire danser la Renaude. Une fille qui avait mauvaise réputation et dont la mère passait pour un peu folle. Pas jolie, mais ayant un certain charme agaçant qui affriolait les hommes, avec ses gros yeux ronds et jaunes, son nez trop court et ses cheveux luisants.
É. Moselly, Terres lorraines,1907, p. 88. 13. La jeune fille se fit aimable, agaçante, gracieuse, inquiétante, pleine de promesses.
A. France, L'Île des pingouins,1908, p. 346. Rem. 1. L'ex. suiv. est ambigu : 14. ... le sourire avait bien gardé son rayonnement de jadis : sourire lent, venu de loin, qui relevait de biais la lèvre supérieure, jusqu'à découvrir la claire rangée de dents... sourire timide et pourtant effronté... Autrefois, Jacques, enfant, ne pouvait s'empêcher de guetter amoureusement sur les lèvres de son ami ce sourire agaçant et irrésistible; et, maintenant encore, il sentit une douce chaleur l'envahir.
R. Martin du Gard, Les Thibault,L'Été 1914, 1936, p. 211. Rem. 2. Assoc. paradigm. a) Synon. aguichant, coquet, contrariant, désagréable, énervant, ennuyeux, exaspérant, excitant, importun, inquiétant, insupportable, irritant, obsédant, pénible, provocant, séduisant, taquin; b) Anton. agréable, apaisant, calmant, rassurant, tranquillisant. III.− Subst. masc. A.− Sing., dans la tournure l'agaçant, c'est...Ce qui agace (supra ex. 10) : 15. ... l'agaçant, c'est le profond, l'immense, l'immense, l'insondable mépris de Raffaelli et des gens de la même école pour tous les peintres de la terre, sauf pour trois ou quatre, acceptés comme des religions!
E. et J. de Goncourt, Journal,févr. 1888, pp. 759-760. B.− Plur., MÉD., vx. Remèdes à effet légèrement stimulant. Rem. Attesté ds Besch. 1845, Nouv. Lar. ill., Lar. 20e. Prononc. : [agasɑ
̃], fém. [-ɑ
̃:t]. Enq. : /agasã, -t/. STAT. − Fréq. abs. litt. : 253. Fréq. rel. litt. : xixes. : a) 109, b) 420; xxes. : a) 650, b) 365. |