| AFFRIANDER, verbe trans. A.− Emploi trans. 1. [Le compl. est habituellement un nom d'être animé (hum. ou animal); le verbe exprime un désir tantôt permanent, tantôt momentané] Accoutumer au désir de manger ou de boire des choses friandes, délicates; attirer fortement par quelque chose de délicat à manger ou à boire. a) [Le suj. désigne une pers.] :
1. Ces messieurs arrivent toujours un peu tard; on ne les accueille que mieux, parce qu'on les a désirés; on les affriande pour qu'ils reviennent; on les régale pour qu'ils étincellent; et comme ils trouvent cela fort naturel, ils s'y accoutument, deviennent, sont et demeurent gourmands.
J.-A. Brillat-Savarin, Physiologie du goût,1825, pp. 159-160. 2. ... je suis caution qu'il ne lui en coûteroit qu'un des litrons de bonnes fèves qu'il porte pendus à son bâton, pour affriander une table d'hôte de loups, de louvats et de louveteaux, à la vie granivore, et pour sauver des générations innombrables de chevrettes et de chevrets, de biquettes et de biquets.
Ch. Nodier, Trésor des fèves et Fleur des pois,1833, p. 42. 3. césar. − Faut-il pas affriander les mouches lorsque l'on a désir d'en prendre quelques-unes?
A. Barbier, Satires,César Borgia, 1865, p. 179. 4. La mère avait laissé, pour affriander Zulime, un pot de miel, de la crème, des noisettes...
H. Pourrat, Gaspard des montagnes,Le Château des sept portes, 1922, p. 34. b) [Le suj. désigne la chose qui attire] :
5. Le curé de Champétières avait eu quelque beau soir un coup de sang qui l'avait laissé à peu près paralysé. Disons tout : il était devenu trop puissant à force d'aimer les bons morceaux. Le boudin surtout l'affriandait, et c'était un de ses ennuis de n'en pouvoir manger qu'au temps où l'on saigne l'habillé de soie.
H. Pourrat, Gaspard des montagnes,Le Château des sept portes, 1922p. 70. − Emplois techn. ♦ ART CULIN. ,,Rendre (un mets) appétissant par son aspect agréable. S'il s'agit d'un gâteau, c'est souvent, en le « glaçant », lui ajouter du sucre, de la crème, des fruits conflits, etc.`` (Ac. Gastr. 1962). ♦ CHASSE ou PÊCHE. Attirer (un poisson, un oiseau) par un appât agréable au goût : 6. On affriande le poisson à l'aide de ces mouches.
Besch.1845. ♦ FAUCONN. Affriander l'oiseau. ,,Le faire revenir sur le leurre avec du pât de pigeonneaux ou de poulets.`` (Baudr. Chasses 1834). 2. Au fig., fam. a) [Le compl. désigne une pers., sa sensibilité, etc.] Attirer fortement par quelque chose d'agréable; exciter. − [Le suj. désigne la chose qui attire] :
7. Du Châtelet avait déjà pensé que, grâce à cette circonstance, il pourrait, sans dépenser beaucoup d'argent, procurer à Naïs les amusements qui affriandent le plus les provinciaux.
H. de Balzac, Les Illusions perdues,1843, p. 169. 8. Le curé de Saint-Nicolas a affriandé le monde, étant plus mondain que lui; il a débuté par inaugurer l'église avec deux chanteurs d'opéra.
J. Michelet, Journal,févr. 1853, p. 213. 9. Le bal surtout affriandait ma curiosité : il me tardait de voir une réunion complète du beau monde d'Athènes.
E. About, La Grèce contemporaine,1854, p. 426. − Emploi abs. : 10. Rien n'affriande comme l'espoir du gain.
Poit.1860. Rem. Dans l'ex. suiv. affriander est suivi d'une prép.; sans doute s'agit-il d'un compl. circ. (à signifiant « en vue de ») : 11. Des nourritures recherchées amènent des excitations dangereuses, appellent la luxure, la débauche, affriandent à toutes les jouissances.
La Châtre t. 1 1865. b) [Le suj. désigne la pers. qui affriande] Rendre attrayante une chose morale : 12. « C'est tout un plan de campagne à dresser; mon frère le soldat, qui vient d'arriver en semestre, nous aidera. Il ne veut pas croire que tu es cent fois plus jolie que moi (un compliment). Ces lieutenants du génie sont d'une incrédulité choquante. » (Peut-on mieux affriander une coquetterie?)
H. Taine, Notes sur Paris,Vie et opinions de Monsieur Frédéric-Thomas Graindorge, 1867, p. 74. B.− Emploi pronom., au propre et au fig. Devenir friand. Rem. Attesté ds Boiste 1834, Land. 1834, Ac. Compl. 1842 et Besch. 1845. Prononc. − 1. Forme phon. : [afʀiɑ
̃de] ou [afʀijɑ
̃de], j'affriande [ʒafʀiɑ
̃:d] ou [ʒafʀijɑ
̃:d]. Passy 1914, Harrap's 1963 et Warn. 1968 transcrivent le mot sans yod. Pt Rob. et Pt Lar. 1968 le transcrivent avec yod. 2. Dér. et composés : affriandant, affriandeur. Cf. friand. − Rem. Les dict. du xixes. ne notent pas yod à l'exception du DG. Étymol. ET HIST. − xves. « attirer par qqc. de friand » (J. de Vignay, Miroir historial, 31, 62 ds Quem. t. 1 1959 : ilz estoyent affriandez des dons et promesses); 1483-1498 fauconn. « faire revenir l'oiseau sur le leurre à l'aide d'appâts » (G. Tardif, Art de fauconn. 1, 36, ibid.).
Dér. de friand*; préf. a-1*, dés. -er. STAT. − Fréq. abs. litt. : 11. BBG. − Ac. Gastr. 1962. − Bailly (R.) 1969 [1946]. − Baudr. Chasses 1834. − Bél. 1957. − Bénac 1956. − Boiss.8. − Fér. 1768. − Laf. 1878. − Mont. 1967. − Prév. 1755. − Regula (M.). Etymologica. In : [Mélanges Gamillscheg (E.)]. München, 1968, p. 484. |