| AFFILER1, verbe trans. I.− [L'idée dominante est celle de tranchant] A.− Emploi trans. 1. TECHNOL. GÉN. et lang. commune. a) Donner du fil à un objet dont le tranchant est émoussé. Affiler le tranchant d'un rasoir, d'un couteau, d'un coutelas, d'un sabre (Ac. 1835-1932) : 1. Aux bergers d'Arabie, couchés pour boire la rosée de la nuit, tu crieras d'affiler leurs cimeterres, de seller leurs chevaux, de rouler leurs turbans sur leurs têtes, d'aiguiser leurs éperons d'argent, pour emporter en croupe dans leurs tentes un tronc de peuple décapité que mon maître leur veut donner.
E. Quinet, Ahasvérus,1833, p. 142. 2. − Mademoiselle, lui dis-je, je crois que j'ai à vous remercier d'un présent que vous m'avez envoyé quand j'étais en prison. J'ai mangé le pain, la lime me servira pour affiler ma lance, et je la garde comme souvenir de vous; ...
P. Mérimée, Carmen,1847, p. 41. 3. C'est, à l'aide d'une pierre à repasser, donner le fil à un instrument tranchant. On dit : affiler une serpette, un greffoir etc. Les jardiniers disent souvent mais à tort : aiguiser.
E.-A. Carrière, Encyclopédie horticole,1862, p. 10. 4. On dit encore qu'on affile les dents d'une scie qui ne coupe plus quand on les aiguise à la lime. On se sert pour cela de limes triangulaires (tiers points), et de limes rondes (queues de rat). Avec les premières, on affile le bout du tranchant des dents, avec les secondes on approfondit les parties arrondies entre les dents de scie.
Chabatt. 11875. 5. Delhomme s'arrêta, se tint debout, très grand au milieu des autres. Dans son goujet, la corne de vache pleine d'eau, pendue à sa ceinture, il avait pris la pierre noire, et il affilait sa faux, d'un long geste rapide. Puis, son échine de nouveau se cassa, on entendit le fer aiguisé mordre le pré d'un sifflement plus vif.
É. Zola, La Terre,1887, p. 137. 6. ... il blague Renan d'un mot ordurier, jusque sur les marches de la Madeleine après le sermon, et finit par anathémathiser nos chefs qui « laissent le glaive s'émousser ». Allons, généraux vaincus, frappez d'estoc sur ces têtes civiles, pour que le fer s'affile dans les entailles, et que le sanglant bénisseur puisse renifler ces cadavres à son aise!
G. Clemenceau, Vers la réparation,1899, p. 3. 7. Les outils nécessaires au luthier sont l'établi... la pierre à affiler...
Encyclopédie Roret, Manuel du luthier, 1905. 8. À présent le barbier, pour mener à perfection son ouvrage, étalait à nouveau sur le visage déjà rasé une mousse onctueuse et, du clair d'un second rasoir qu'il affilait au creux de sa main droite, raffinait.
A. Gide, Les Caves du Vatican,1914, p. 798. 9. Je m'emparai des passe-partout pour les limer, des haches pour les affiler, des crics pour les dresser, des toises pour les manier.
J. de Pesquidoux, Le Livre de raison,t. 3, 1932, p. 103. Rem. 1. La pierre à affiler (ex. 7) désigne aussi la pierre à repasser (ex. 3); noter la distinction établie dans l'ex. 3 entre affiler et aiguiser; cette distinction s'estompe dans une lang. moins techn. (ex. 1). 2. L'ex. 2 peut servir de transition entre la valeur a et la valeur b. b) P. ext. Rendre plus pointu, appointir : 10. Au même instant se leva à mes pieds un vieux petit juif que je n'avais pas encore aperçu jusque-là, tant il était modestement accroupi dans ses haillons; et, collant contre le tableau sa figure amincie et macérée par l'âge et sa longue barbe d'un blanc, aiguisée en alène, comme si elle avait été affilée à la lime et au polissoir : ...
Ch. Nodier, La Fée aux miettes,1831, p. 115. 11. Apportez le bassin, amenez l'enfant, affilez les poinçons : ...
G. Flaubert, La Tentation de saint Antoine,1849, p. 279. 2. Au fig. a) [L'obj. désigne un organe ou une chose abstr.] Rendre plus aigu, plus pénétrant, plus piquant, etc. : 12. − Pas d'éclat, pas de trait, pas de montant, − mais observant et laissant venir. − Cette petite Caro affilait son œil de colombe en prunelle d'aigle pour voir ce que je pensais de sa belle-sœur.
J. Barbey d'Aurevilly, Deuxième Memorandum,1839, p. 340. − Affiler le caquet à quelqu'un. ,,Le rendre piquant, caustique.`` (Lar. 19e); cf. affilé. b) [L'obj. désigne une pers.] Rendre plus vif, plus intéressé : 13. La vérité, c'est que Durtal n'était nullement de ceux que les obstacles attirent. Il essayait, une seule fois, de foncer dessus et, dès qu'il jugeait ne les pouvoir culbuter, il s'écartait, sans aucun désir de renouveler la lutte. Si MmeChantelouve avait voulu l'affiler plus encore par ces escales ménagées et ces retards, elle avait fait fausse route. Il s'émoussait, se sentait, ce matin-là, déjà ennuyé de ces mimiques, las de ces attentes.
J.-K. Huysmans, Là-bas,t. 2, 1891, p. 5. Rem. Le sens fig. est malaisé à définir, les écrivains s'accordant dans ces emplois une grande liberté que favorisent les synon. et anton. de affiler et de aiguiser. c) Régional 14. Lancer, jeter. (...) Il a affilé son chien sur le mien. Voy. Enfiler.
H. Coulabin, Dict. des locutions populaires du bon pays de Rennes en Bretagne,1891. ♦ Préparer : 15. Affile-toi ben : prépare-toi bien.
Canada1930. ♦ Amadouer : 16. Il a commencé par m'affiler avec de belles paroles.
Canada1930. B.− Emploi pronom. passif. S'affiler.Être affilé. Rem. Besch. 1845 note que cet emploi est omis dans les dict. et donne cet ex. : ,,Les couteaux et autres instruments grossiers s'affilent à sec.`` (Lenormand). Ex. repris par Lar. 19eet Nouv. Lar. ill. II.− [L'idée dominante est celle de minceur] A.− Rendre mince comme des fils. 1. ARTS MÉT. Effiler (un lingot d'or ou d'argent) en le faisant passer dans une filière. Rem. Attesté ds C.-M. Gattel, Nouveau dict. portatif de la langue française, 1797; Ac. Compl. 1842, Lar. 19e, DG. 2. AGRIC. [En parlant de la gelée] Rendre (les fanes des blés) minces comme des fils. Rem. Attesté ds Besch. 1845, Lar. 19e, Nouv. Lar. ill. B.− Région. [En parlant d'une vache] Faire couler son lait d'un seul filet et d'abondance : 17. Affiler. (...) Donner son lait sans difficulté et d'un jet continu, en parlant d'une vache. Syn. de s'Alayer.
Verr.-On. t. 1 1908, p. 18. |