| AFFAISSEMENT, subst. masc. A.− [Avec, éventuellement, un compl. déterminatif désignant l'agent de l'action] Action de s'affaisser. 1. [En parlant de la surface du sol ou d'une partie de terrain; du toit ou des fondations dans une mine, ou, moins fréquemment, des tuiles d'une maison, de la coque d'un navire, etc.] Synon. effondrement, éboulement; anton. soulèvement : 1. Des éboulements continuaient à se produire, d'une gravité croissante, à mesure que l'abandon des voies se prolongeait. Au-dessus de la galerie nord de Mirou, l'affaissement du sol gagnait tellement, que la route de Joiselle, sur un parcours de cent mètres, s'était engloutie, comme dans la secousse d'un tremblement de terre; et la compagnie, sans marchander, payait leurs champs disparus aux propriétaires, inquiète du bruit soulevé autour de ces accidents.
É. Zola, Germinal,1885, p. 1462. 2. ... ces fissures allaient de la plaine vers la montagne et non de la montagne vers la plaine... par suite assurément d'un affaissement de cette plaine qui avait entraîné avec elle dans son effondrement les premiers contreforts des monts.
G. de Maupassant, Mont-Oriol,1887, p. 44. − [L'agent de l'action peut rester implicite] :
3. Hier le marbrier est venu. Je suis allée avec lui au cimetière pour le marbre. Il a fallu attendre que la terre fût bien tassée, car il y a assez d'humidité contre le mur où est ton père, et on avait peur d'un affaissement.
Ch.-F. Ramuz, Aimé Pache, peintre vaudois,1911, p. 136. − MUS., rare. [En parlant d'une mélodie] Action de baisser de hauteur. 2. [En parlant d'un organe, d'une partie de plante] Action de se relâcher, de baisser de niveau : 4. Les cellules et les bronches se remplissent et se vident d'air alternativement, par les suites du gonflement et de l'affaissement successifs de la cavité du corps qui en contient la masse; en sorte qu'il est particulier au poumon d'offrir des inspirations et des expirations alternatives et distinctes.
J.-B. Lamarck, Philosophie zoologique,t. 1, 1809, p. 168. 3. Rare. [En parlant d'une pers. ou, par compar., d'une chose] Abandon de la station debout : 5. La foule brusquement ondula en s'agenouillant de cet affaissement sans hâte et presque paresseux des blés sous un coup de faux, et toute la profondeur de l'église reflua pour me gifler le visage dans un puissant, un sauvage murmure de prières. Elle priait épaule contre épaule, dans une immobilité formidable, figeant l'espace de ces hautes voûtes en un bloc si compact qu'il serrait les tempes et que l'air semblait soudain manquer à mes poumons.
J. Gracq, Le Rivage des Syrtes,1951, p. 196. − Au fig. [L'agent est implicite] :
6. Le vieux pêcheur ne répondait pas, ayant dans toute son attitude un affaissement de honte, lamentable et écroulé, qui s'ajoutait à sa décrépitude.
E. Moselly, Terres lorraines,1907, p. 285. Rem. De honte exprime dans cet ex. la cause et la nature de l'affaissement. − P. ext. [En parlant de l'intelligence, de la raison, de la volonté, des forces phys. et mor. d'une pers.] Baisse, perte de la vitalité : 7. Elle se trouvait au bout de ses dernières forces. Elle se sentait incapable de porter plus loin la croix qui l'écrasait. À la fin, elle cédait à l'affaissement de toutes ses énergies physiques et morales. Sa vie n'en pouvait plus. La mort avait trop tardé et ne l'avait pas prise à son heure.
E. et J. de Goncourt, Madame Gervaisais,1869, p. 299. B.− [Avec, éventuellement, un compl. déterminatif désignant la pers. ou la chose affaissée] État de ce qui est affaissé. 1. [En parlant du corps ou d'une partie du corps] État du corps qui n'est plus droit, des mâchoires ou des paupières qui sont abaissées, des muscles qui sont relâchés, etc. : 8. L'attitude que la croix fait prendre au Fils de l'Homme, est sublime : l'affaissement du corps et la tête penchée, font un contraste divin avec les bras étendus vers le ciel.
F.-R. de Chateaubriand, Génie du christianisme, t. 2, 1803, p. 284. − Emploi abs. [Avec, éventuellement, au lieu du compl. déterminatif, un compl. circ.] :
9. Samedi 13 février. − J'ai rencontré, sur le quai, cette jeune fille qui m'avait renseigné au mois de juin, qui attendait comme moi devant la maison fermée... Je lui ai parlé. Tandis qu'elle marchait, je regardais de côté les légers défauts de son visage : une petite ride au coin des lèvres, un peu d'affaissement aux joues, et de la poudre accumulée aux ailes du nez.
Alain-Fournier, Le Grand Meaulnes,1913, p. 331. − P. ext. [En parlant d'une pers. envisagée dans son être phys.] Position d'une personne affaissée (cf. affalement, accroupissement) : 10. ... accroupie devant le poêle qui bourdonnait, elle souriait à son amant, attendant que l'eau fût chaude pour la verser. Cyprien se sentait des joyeusetés de merle. Les jambes étendues, les reins douillettement posés sur le velours, il avait allumé sa pipe et, soufflant des tourbillons, il admirait le coquet affaissement de Céline dont le corps émergeait comme d'une mare satinée, de ses jupes épandues sur le parquet. − Elle se releva et, avec des jolies mines peureuses, elle s'enveloppa la main d'un mouchoir afin de prendre, sans se brûler, l'anse de la cafetière et elle versa, de haut, dans les tasses.
J.-K. Huysmans, Les Sœurs Vatard,1879, p. 313. 2. Au fig. Abattement, prostration. a) [En parlant de l'être mor., de l'âme, de l'esprit, d'une pers.] :
11. « ... Je suis retombé dans l'ennui de toute la hauteur du plaisir. Je suis mal organisé, prompt à la fatigue. Je sors de l'orgie avec un abattement d'âme, un affaissement de tout l'être, une prostration et un dégoût du désir, une tristesse vague, informulée et sans bornes. Mon corps et mon esprit ont des lendemains d'un gris que je ne puis dire. Après quelques ardeurs, une satiété immense, une indigestion morale, un vide, et comme une poche d'eau dans la cervelle... »
E. et J. de Goncourt, Charles Demailly,1860, pp. 74-75. Rem. Syntagme fréq. : affaissement moral. b) Absol. [Sans compl. déterminatif] :
12. Tenez, ajouta-t-il froidement, en me prenant la main et en m'entraînant près du lit de Suzanne, voyez, les yeux viennent de s'ouvrir, mais ils n'ont plus de regard; l'intelligence les a déjà quittés. Tout à l'heure, m'avez-vous dit, il y avait une excitation extraordinaire des facultés physiques et morales, la face était colorée et l'œil saillant; voyez maintenant, un invincible affaissement s'est appesanti sur la malade, une prostration générale engourdit ses membres; sa pâleur est livide, une sueur froide coule lentement sur ses traits bouleversés, et par instants ses extrémités sont agitées de tremblements nerveux. Elle est empoisonnée, vous dis-je, et je suis arrivé trop tard.
M. Du Camp, Mémoires d'un suicidé,1853, p. 196. Rem. Syntagme fréq. : état d'affaisement. 3. Rare. Terrain affaissé : 13. La Ciudad, ou vieille ville, couvre le plateau du sud, sur un terrain bosselé où pas une rue n'est de niveau, domine la campagne du côté de l'ouest, à la crête d'un énorme affaissement dénudé, et glisse en pente rapide sur les éboulis, du côté de l'est.
A. T'Serstevens, L'Itinéraire espagnol,1933, p. 131. Prononc. ET ORTH. : [afεsmɑ
̃]. Passy 1914 transcrit la 2esyllabe avec [ε
ˑ] ouvert mi-long. − Rem. Gattel 1841 transcrit la 2esyllabe avec [e] fermé. Fér. Crit. t. 1 1787 écrit : affaissement ou afaissement avec un seul f. Enq. : /afesmã/. Étymol. ET HIST. − 1538 « état de ce qui est affaissé » (R. Estienne, Dict. Latinogallicum, 659 a ds Rom. Forsch., t. 22, p. 6 : Sedimentum. Affaissement de quelque grande chose pesante, quand elle s'est abbaissée, et affaissée).
Dér. de affaisser*; suff. -ment1*. STAT. − Fréq. abs. litt. : 241. Fréq. rel. litt. : xixes. a) 338, b) 476; xxes. : a) 431, b) 221. BBG. − Bar 1960. − Barb.-Card. 1963. − Baulig 1956. − Bél. 1957. − Bénac 1956. − Bonnaire 1835. − Dainv. 1964, p. 188. − Dup. 1961. − Littré-Robin 1865. − Nysten 1814-20. − Plais.-Caill. 1958. |