| ADÉQUATION, subst. fém. LOG., PHILOS. Propriété de ce qui est adéquat (cf. adéquat). A.− Rapport adéquat établi entre l'intelligence et son objet : 1. ... l'adéquation que le jugement établit entre la chose et l'intellect, présuppose toujours une adéquation antérieure entre le concept et la chose, qui se fonde à son tour sur une adéquation réelle de l'intellect avec l'objet qui l'informe. C'est donc dans le rapport ontologique primitif de l'intellect à l'objet et dans leur adéquation réelle que se trouve, sinon la vérité sous sa forme parfaite qui n'apparaît qu'avec le jugement, du moins la racine de cette égalité dont le jugement prend conscience et qu'il exprime dans une formule explicite.
É. Gilson, L'Esprit de la philosophie médiévale,t. 2, 1932, p. 31. 2. Si les mots ont un sens, c'est en serrant cette totalité que nous touchons l'« objectivité », c'est-à-dire la pleine adéquation de la connaissance à l'objet.
E. Mounier, Traité du caractère,1946, p. 47. B.− P. ext. Qualité de ce qui est exactement adapté, approprié au but visé (cf. adéquat B) : 3. ... on peut s'adresser à la cause immédiate du phénomène morbide, cause qui peut être très variée et pour laquelle il n'y a pas adéquation avec l'effet produit.
C. Bernard, Principes de médecine expérimentale,1878, p. 162. 4. ... nous avons le droit de procéder comme le biologiste, qui parle d'une intention de la nature toutes les fois qu'il assigne une fonction à un organe : il exprime simplement ainsi l'adéquation de l'organe à la fonction.
H. Bergson, Les Deux sources de la morale et de la religion,1932, p. 54. 5. Si nous sommes présents, nous ne sommes pas entièrement donnés à nous-mêmes. Ce qui signifie qu'entre la connaissance et l'existence il n'y a jamais pour nous adéquation parfaite et qu'elles ne sont l'une et l'autre que dans leur opposition continue et leur complémentarité réciproque, ...
J. Lacroix, Marxisme, existentialisme, personnalisme,1949, p. 65. − Spéc. Appropriation de l'expression à l'idée, exactitude rigoureuse : 6. ... il n'est peut-être pas interdit de vouloir obtenir un peu plus d'adéquation dans les termes et de fluidité par ailleurs.
A. Breton, Nadja,1928, p. 5. 7. Je nie, pour une grande part, l'adéquation de cette expression à cette idée.
A. Breton, Les Manifestes du surréalisme,1930, p. 149. C.− Équivalence rigoureuse, coïncidence réelle : 8. ... la volonté libre cesse de paraître autonome, parce qu'il n'y a pas adéquation entre ce que nous sommes et ce que nous voulons être; ...
M. Blondel, L'Action,1893, p. 134. 9. L'ambition de l'idéalisme est d'identifier la responsabilité à une auto-position de la conscience et d'atteindre à une exacte adéquation de la réflexion et de la pensée intentionnelle dans toute son épaisseur obscure.
P. Ricœur, Philosophie de la volonté,1949, p. 353. Rem. Adéquation entre dans les schèmes de construction suivants (par ordre de fréq. décroissante) : 1. adéquation entre ... et ... (,,entre l'acte mental et l'objet qu'il se propose``); 2. - de ... et de ... (,,du visé et du donné``); 3. - de ... à ... (,,de la connaissance à l'objet``); 4. - de ... avec ... (,,de l'intellect avec l'objet``). Entre les 4 constructions la différence regarde l'image qui sous-tend l'idée d'adéquation : 1, suggère une interférence; 2, une égalité; 3, un ajustement; 4, une coïncidence spatiale. Prononc. : [adekwasjɔ
̃]. Étymol. ET HIST. − Av. 1861 philos., Ventura ds Lar. 19e: Adéquation s. f. Rapport parfait, quantité égale, « L'évidence intuitive est celle qui résulte de la connaissance immédiate et directe de l'adéquation entre la proposition et la chose. »
Dér. du rad. de adéquat (suff. -ation*) ou empr. au lat. adaequātio, dep. Tertullien au sens « justesse (d'une comparaison) » (Ad nationes, liv. 1, ch. 1 ds TLL s.v., 560, 39 : deficit adaequatio comparationis istius). STAT. − Fréq. abs. litt. : 41. BBG. − Goblot 1920. − Miq. 1967. − Vachek 1960. |