| ADMONESTATION, ADMONÉTATION, subst. fém. A.− En gén. Action d'admonester (cf. admonester A); manifestation concrète de cette action : 1. Mais Hortense, d'ordinaire si bonne et si douce pour moi, se montra gauchement sévère; (...) et elle me dit avec autorité :
− Henriette, je viens d'avoir un tort en blâmant la conduite de mon frère, n'en aie pas un plus grand en le condamnant légèrement.
Cette admonestation me blessa; ...
F. Soulié, Les Mémoires du diable,t. 1, 1837, p. 274. 2. J'ai entendu de mes deux oreilles plus de deux cents sermons dont celui-là est un spécimen très-atténué, et dont les formes sont restées proverbiales dans nos paroisses, particulièrement la formule de la fin, qui était comme l'amen de toutes ses prédications et admonestations paternelles.
G. Sand, Histoire de ma vie,t. 2, 1855, p. 351. 3. ... je ne trouve le plus souvent à mon foyer que soucis, récriminations, tiraillements, (...). Je sais bien que Charlotte et Gaspard sont horriblement turbulents; mais Amélie n'obtiendrait-elle point davantage en criant un peu moins fort et moins constamment après eux? Tant de recommandations, d'admonestations, de réprimandes perdent tout leur tranchant, à l'égal des galets des plages; ...
A. Gide, La Symphonie pastorale,1919, p. 918. 4. Il fit asseoir l'enfant (...), et, debout, les mains au dos, allant, venant, et soufflant à son habitude, il prononça une brève admonestation, affectueuse et ferme à la fois, rappelant sous quelles conditions Jacques avait le bonheur de réintégrer le foyer paternel, et lui recommandant de témoigner à Antoine autant de déférence et de soumission que s'il se fût agi de lui-même. Un visiteur inespéré écourta la péroraison; ...
R. Martin du Gard, Les Thibault,Le Pénitencier, 1922, p. 760. 5. Aussitôt, j'entendis les admonestations maternelles : « Ne mets donc pas deux livres à la fois dans ta poche; tu vas ruiner ton pardessus. Ta poche est encore déchirée. La prochaine fois, je t'avertis que je n'y ferai pas de reprises. Regarde-moi de quoi tu as l'air!... »
A. Gide, Les Faux-monnayeurs,1925, p. 998. 6. ... la pression officielle ne se manifestait sur nous que par des admonestations solennelles et doucereuses venues en droite ligne de Berlin, qu'on affichait sur ordre dans nos baraques, et dont la lecture à haute voix nous procura bien des moments de joie. Ces admonestations prenaient généralement pour thème quelque forte vérité première à l'usage des classes enfantines, comme celle-ci, qui fit fortune à Limburg jusqu'à devenir notre scie favorite pendant plusieurs semaines : « Le travail réconforte, l'oisiveté abat ».
F. Ambrière, Les Grandes vacances,1946, p. 277. B.− Spéc., DR. Action d'admonester (cf. admonester B) : Stylistique − Admonestation, attesté un peu plus souvent au xxes. qu'au xixes., est moins vieilli que le verbe et le subst. concurrent admonition. Dans son emploi gén., il apparaît surtout dans les ét. de mœurs, de caractère (journaux intimes, romans) ayant une certaine noblesse de ton, avec parfois une nuance fam., humoristique, voire iron. ou péj., notamment lorsqu'il souligne le goût des effets déclamatoires (ex. 4, 6). Dans son emploi spécialisé, plus rare, il porte une marque assez faible de technicité. De nos jours, comme admonester, il serait plutôt réservé dans les textes jur. aux cas des jeunes délinquants (ex. 10), mais les textes litt. l'emploient aussi à propos d'adultes (ex. 7, 8, 9).7. Quant à Lucien de Rubempré, mettez-le dès ce soir en liberté, car ce n'est pas lui qui parlera de l'interrogatoire dont le procès-verbal est supprimé, surtout après l'admonestation que je vais lui faire. La Gazette des Tribunaux annoncera demain la mise en liberté immédiate de ce jeune homme. Maintenant, voyons si la Justice souffre de ces mesures?
H. de Balzac, Splendeurs et misères des courtisanes,1847, p. 468. 8. − Monsieur le président, reprit MeQuantin, si MeGrégoire m'interrompt au début de ma plaidoirie pour me contredire inutilement, je n'ai plus qu'à me retirer. Il y eut dans la foule des mouvements en faveur de l'avocat Quantin qui dictèrent au président une admonestation sévère au malencontreux contradicteur.
− Maître Grégoire, vous avez un système déplorable de défense que vous n'employez pas aujourd'hui pour la première fois; je vous engage à respecter le discours de votre honorable confrère et à l'imiter quand il écoute plaider un adversaire; autrement le tribunal, qui veut bien pour cette fois n'employer que la réprimande, se verrait obligé d'user de moyens plus rigoureux.
Champfleury, Les Bourgeois de Molinchart,1855, p. 200. 9. L'affaire se termina par une ordonnance de non-lieu. L'instituteur fut renvoyé chez lui après une sévère admonestation du juge...
A. France, Crainquebille,M. Thomas, 1904, p. 297. 10. Le jeune délinquant ne peut jamais être condamné à une peine. Seule une mesure éducative peut être prise à son égard. Il en est ainsi même en cas de contravention : le tribunal compétent ne peut adresser qu'une admonestation au jeune contrevenant...
Nouveau répertoire de droit,Paris, Dalloz, t. 2, 1963, s.v. Enfance délinquante, 3. Cf. également admonester ex. 9.Rem. 1. Comme on s'y attend, le sens concr. se rencontre en partic. au pluriel. 2. a) Qq. (quasi-) synon. : admonition, avertissement, avis, censure, correction, exhortation, fustigation, gronderie, leçon, mercuriale, objurgation, recommandation, récrimination, remontrance, représentation, réprimande, reproche, semonce. b) Anton. : compliment, félicitation. c) Admonestation est associé syntagmatiquement aux adj. : affectueux, bref, doucereux, ferme, maternel, paternel, sévère, solennel. 3. Ainsi que l'indiquent les épithètes (rem. 2 c), admonestation est souvent moins fort que le verbe correspondant. Prononc. ET ORTH. : [admɔnεstasjɔ
̃]. − Rem. La forme admonétation est empl. concuremment avec admonestation ds Littré et ds DG où elle est qualifiée de ,,vieilli(e)``. La plupart des dict. et les textes ne connaissent que la seconde forme. Enq. : /admonestasiõ/. Étymol. ET HIST. − Ca 1260 attest. isolée « exhortation ou bien avertissement [cont. insuffisant] » (Liv. de Just., 24 ds Littré : Uns clers empetra letres dou roi à l'abé de Saint-Benoit-sus-Loire, qu'il le porveïst, et en celes letres n'avoit nule amonestation); repris en 1837, « avertissement sévère » (F. Soulié, Les Mémoires du diable, t. 1, p. 274, supra).
Dér. de admonester*; suff. -ation*; cf. a fr. amonestaison « avertissement » (début xiiies., Amis et Amiles ds T.-L.) par addition de la forme anc. du suff. (< -atione). STAT. − Fréq. abs. litt. : 27. BBG. − Bar 1960. − Bél. 1957. − Boiss.8. − Bruant 1901. − Éd. 1967. − Lafon 1963. − Lasnet 1970. |